[CRITIQUE] : Rebel

Réalisateurs : Adil El Arbi et Bilall Fallah
Acteurs : Aboubakr Bensaihi, Lubna Azabal, Amir El Arbi,...
Distributeur : Bac Films
Budget : -
Genre : Drame, Action, Thriller.
Nationalité : Belge, Luxembourgeois, Français.
Durée : 2h13min.

Synopsis :
Kamal décide de se rendre en Syrie afin de venir en aide aux victimes de la guerre. Mais à son arrivée, il est forcé de rejoindre un groupe armé et se retrouve bloqué à Raqqa.
Son jeune frère Nassim, qui rêve de le rejoindre, devient une proie facile pour les recruteurs du djihad.
Leïla, leur mère, tente alors de protéger son plus jeune fils.

Critique :

Raconté avec le coeur et avec l'âme, quitte à parfois se perdre dans quelques facilités discutables,#Rebel pointe avec brutalité la vérité d'une horreur qui par le mensonge, sa violence insoutenable et son instrumentalisation propagandiste, amène une escalade encore plus tragique pic.twitter.com/TzWjjku3wK
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) August 31, 2022

Sacré mésaventure qu'à pu connaître le tandem de cinéastes belges Adil El Arbi et Billal Fallah avec leur dernier effort en date, Batgirl, gentiment relégué à la case annulation par une Warner Bros Discovery aux abois financièrement, bien décidée à ne prendre plus aucun risque et à sortir ses films au compte goutte; d'autant qu'annuler la sortie de Batgirl lui permettrait, joie des frais d'imposition, de s'en sortir financièrement malgré les 90 millions de dollars engagés dans la production du film destiné un temps à garnir le catalogue d'une HBO Max qui, elle aussi, se meurt lentement mais sûrement.
Reste qu'ils doivent désormais digérer la pillule et promouvoir le film, infiniment plus personnel, qu'ils ont tournés entre Bad Boys For Life et Batgirl : Rebel, adoubé par la dernière Croisette en séance de minuit, et qui s'attaque frontalement au sujet difficile du terrorisme, à toutes les strates de son fonctionnement, de l'endoctrinement à l'engagement forcé, au travers du destin meurtri de deux frères et d'une guerre en Syrie qui fait toujours autant de victimes.

Soit Kamal et son jeune frère Nassim, qui ont grandit dans le quartier difficile de Molenbeek, à Bruxelles.
L'ainé s'est rendu il y a quelques mois en Syrie pour venir en aide aux victimes de la guerre, mais une vidéo balancé sur le net le montre désormais aux côtés des troupes de l'État Islamique, exécutant un groupe de prisonniers.
Nassim ne croît pas que son frère soit devenu un terroriste mais souffre durement à l'école, des stigmates d'appartenir à une " famille de terroriste ".
Il trouve du réconfort dans une salle de boxe locale où le patron ne stigmatise pas Kamal comme un terroriste et un meurtrier, mais bien comme un héros du djihad.
La mère de Kamal et Nassim observe l'évolution croissante et l'endoctrinement de son plus jeune fils, et fait tout pour ne pas perdre un second enfant en Syrie, alors que son aîné se bat pour sa survie à Raqqa...
Véritable tragédie familiale prise dans le prisme dévastateur de la guerre, que le tandem filme comme un actionner spectaculaire qui s'offre même quelques écarts musicaux audacieux, Rebel s'autorise tout et fait souvent mouche dans sa manière de montrer toutes les facettes d'une peinture dont les médias occidentaux ont la facilité de réduire à son portrait le plus sensationnel et terrorisant.
Avec force et en usant intelligemment des codes du cinéma d'action, les cinéastes démontrent que tous les musulmans quittant l'Europe pour la Syrie ne sont pas forcément des islamistes radicaux, et que leurs décisions s'avèrent souvent plus complexes et ambivalentes qu'on ne le pense.

Renvoyant le spectateur à ses contradictions (la peur de l'inconnu, la stigmatisation pour les uns, la manière de se réfugier dans des idéologies discutables pour d'autres), Rebel pointe avec brutalité la vérité d'une horreur qui par le mensonge - l'enrôlement forcé d'un frère -, sa violence insoutenable et son instrumentalisation propagandiste, amène une escalade encore plus tragique - poussé à l'endoctrinement d'un autre frère.
Raconté avec le coeur et avec l'âme, quitte à parfois se perdre dans quelques facilités discutables (dialogues faciles, personnages unidimensionnels et à peine esquissés, jeu d'acteur pas toujours juste,...), le film est un temoignage clinique et spectaculaire qui vaut bien toute l'attention qu'on voudra bien lui donner.

Jonathan Chevrier