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[CRITIQUE] : The Souvenir Part I et II


Réalisatrice : Joanna Hogg
Avec : Honor Swinton Byrne, Tom Burke, Tilda Swinton, Richard Ayoade, Joe Alwyn,…
Distributeur : Condor Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Britannique, Américain
Durée : 1h59min et 1h46min

Synopsis :
Part I : Au début des années 80, Julie, une jeune étudiante en cinéma qui se cherche encore, rencontre Anthony, un dandy aussi charismatique que mystérieux. Prise sous le charme de cet homme plus âgé, elle se lance aveuglément dans ce qui s’avère être sa première véritable histoire d’amour. Malgré les mises en garde de son entourage, Julie s’enferme peu à peu dans une relation toxique, qui pourrait bien menacer son avenir.


Part II : Sortant durement éprouvée de sa liaison avec Anthony, homme séduisant et manipulateur, Julie cherche à faire la lumière sur l’existence fictive qu'il s’était inventée et à mettre de l'ordre dans ses propres sentiments. Lui vient alors une idée un peu folle: et si elle consacrait son film de fin d'études à cette douloureuse histoire d'amour ? Peut-on vaincre ses blessures en mettant en scène un épisode de sa propre vie ?


Critique :


C’est peut-être l’événement du début du mois de février, la sortie en simultané des deux derniers films de Joanna Hogg, The Souvenir et The Souvenir Part II. Un diptyque qui ne peut aller l’un sans l’autre, deux films mais une seule histoire : celle de Julie et de son compagnon héroïnomane, Anthony. Il n’y aura pas douze chapitres dans la vie de cette Julie, seulement deux, revenant sur l’avant, pendant et l’après de sa rencontre avec Anthony, qui bouleverse sa vie et sa créativité artistique. Sans être un récit autobiographique, la cinéaste s’est inspirée de sa propre vie et de sa relation avec un homme fascinant mais manipulateur, dont le charme et le souvenir n’ont jamais cessé de la hanter.

Copyright Agatha A. Nitecka/Condor Distribution - The Souvenir Part I

Le titre de l'œuvre n’agite pas vainement le carton de la nostalgie mais installe la notion du passé directement dans la mise en scène. Tout est sépia, granuleux, années 80 jusqu’au bout des ongles, du mobilier aux vêtements, de la classe sociale de Julie (impériale Honor Swinton Byrne) aux événements politiques et sociaux de l’ère Thatcher. Tout est flou également, épars, le découpage jouant sciemment sur la fracturation pour rendre palpable la douleur du passé, même si le personnage est en train de vivre son présent. La deuxième partie possède une autre facture, plus réelle, parce que le personnage fait enfin face à ses propres démons. La mise en scène s’ouvre, comme Julie, au monde extérieur, enfin prête à partager sa vision en filmant son histoire, comme Joanna Hogg le fait (jusqu’à un certain point) avec The Souvenir.

« Il n’y a pas de mot qui définit l’état immédiat entre le devenir et l’être », explique un personnage dans le film de Angela Schanelec, J’étais à la maison, mais … sorti par chez nous le 5 janvier. Même si les deux œuvres des réalisatrices ne se ressemblent pas, il semblerait que cette phrase plane dans les films de Joanna Hogg. Que ce soit pour la relation en elle-même ainsi que pour le personnage de Julie, un être qui se cherche encore, dans sa tête et dans son œuvre. Il y a quelque chose d’intangible dans The Souvenir, quelque chose qui n’arrive pas à s'agripper pleinement sur un public un peu perdu parmi les séquences. Les plans sont parfois terriblement statiques, comme un tableau, mise en abîme (peut-être) du couple montré à l’écran. Un couple qui ne peut aller nulle part et se périclite, se détache tel une peau d’orange, dans leur appartement. Il en ressort une acidité propre à liquéfier toute tentative d’émancipation de la part de Julie. Il ne fallait qu’un drame pour qu’elle puisse aller de l’avant. Anthony est un personnage tragique, une bombe à retardement dont le mécanisme, rythmé par la drogue, est déstabilisé devant nos yeux, autant ébahis que Julie face à la vérité. N’étant définie presque uniquement par cette relation, Julie doit se réinventer dans Part II, ce qu’elle fera ironiquement en mimant les séquences vécues pour son film, avec d’autres personnes.

Copyright Sandro Kopp/CondorDistribution - The Souvenir Part II

The Souvenir Part II se construit comme un miroir de la première partie, où toute chose prend une autre proportion. C’est un nouveau regard que nous propose la réalisatrice et elle change de ce fait sa mise en scène. L’immobilité fait place au mouvement, le propret à un univers plus “sale” et moins élégant. C’est l’univers de la créativité, un monde bien évidemment chaotique. L’univers de la redécouverte, de soi pour Julie, mais également de l’univers du récit, maintenant ancré dans un monde tangible et clair, face au monde resserré et brumeux de la première partie. Le film se permet d’être plus drôle et même de se moquer de lui-même. Sorte de méditation sur la création et l’autobiographie, il explose dans son émotion et se regarde avec délectation si nous le regardons tout de suite après le premier, où la rage, l’amour et la colère se contenaient et fissuraient chaque dialogue. Le thème du miroir se voit jusqu’au visage de Julie, Honor Swinton Byrne, un visage étonnamment familier et trouble, jusqu’au moment où sa mère (dans le film comme dans la vie) Tilda Swinton apparaît à l’écran.

Fantasme ou autobiographie, The Souvenir part I et II se découvre comme un tableau et se vit comme une expérience.


Laura Enjolvy





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