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[CRITIQUE] : House of Gucci

Réalisateur : Ridley Scott
Avec : Lady Gaga, Adam Driver, Al Pacino, Jared Leto, Jeremy Irons, Salma Hayek, Camille Cottin,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Américain, Canadien.
Durée : 2h37min

Synopsis :
Gucci est une marque reconnue et admirée dans le monde entier. Elle a été créée par Guccio Gucci qui a ouvert sa première boutique d’articles de cuir de luxe à Florence il y a exactement un siècle.
À la fin des années 1970, l’empire italien de la mode est à un tournant critique de son histoire. Si l’entreprise rayonne désormais à l’international, elle est handicapée par des rumeurs de malversations financières, une innovation en berne et une dévalorisation de la marque. Le groupe est dirigé par les deux fils du fondateur – Aldo, personnage rusé et haut en couleur, et son frère Rodolfo, beaucoup plus froid et traditionnel.
Pugnace, Aldo n’a pas la moindre intention de céder le contrôle de l’empire à qui que ce soit – et certainement pas à son fils Paolo, garçon fantaisiste qui aspire à devenir styliste. Quant à Maurizio, fils timide et surprotégé de Rodolfo, il a davantage envie d’étudier le droit que de diriger un groupe de luxe mondialisé.
C’est alors que Maurizio tombe amoureux de la ravissante et manipulatrice Patrizia Reggiani et, contre l’avis de son père, décide de l’épouser. Lorsque Aldo se découvre des affinités avec Patrizia, il réussit, avec l’aide de la jeune femme, à convaincre son neveu de renoncer à ses ambitions juridiques pour intégrer l’entreprise dont il devient, de facto, le probable héritier. Ce qui ne manque pas de nourrir la rancoeur de Paolo, dont le talent n’est pas à la hauteur de ses rêves artistiques…



Critique :


Avant même de pouvoir le découvrir dans une salle obscure, force est d'admettre que pour les cinephiles les plus endurcis, il y avait une petite frustration à l'idée de se dire qu'une odyssée criminello-bourgeoise comme l'a réellement connu la dynastie Gucci, italienne jusqu'au bout des ongles, n'a pas pu connaître l'attention d'un grand cinéaste italien.
Une histoire - vraie - aussi rocambolesque que chaotique, faîtes de querelles familiales, de jalousie, de capitalisme bien corsé et même de meurtre, aurait très bien pu être une tragédie décadente et spectaculaire chez Bertolucci, un beau drame examinant l'idéologie perverse de ses sujets chez Sorrentino, voire même un opéra volubile et extravagant chez Visconti; des cinéastes qui auraient certainement compris que derrière cette tragédie se cache avant tout et surtout, une farce humaine.

Copyright 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved.

Tout ce que n'est pas House of Gucci de Ridley Scott, un rise and fall qui dans son excessivité éreintante manque cruellement de corps et d'âme, et ne semble jamais donner l'impression d'être porté par envie et une vraie vision inspirante.
Un comble quant on sait que Scott avait offert un traitement habité mais surtout résolument plus dur et cynique avec le thématiquement similaire Tout l'argent du monde.
Basé sur le roman The House of Gucci: A Sensational Story of Murder, Madness, Glamour and Greed de Sara Gay Forden et vissé sur une vingtaine d'années (des 70s à l'assassinat Maurizio Gucci en 1995 par des voyous engagés par son ex-femme, Patrizia Reggiani), la narration du film déroule une mécanique aussi redondante qu'irritante et bien trop étirée sur la longueur pour son bien, la plupart des scènes consistant à mirer des Gucci criant après d'autres Gucci pour diriger l'entreprise familiale, avec une caméra plus ou moins complice les catapultant aux quatre coins de la planète comme une dilettante globe-trotter.
Un temps amusant, surtout dans un premier tiers ou la péloche arbore les contours d'une sorte de comédie romantico-sensuelle, le concept lasse et devient même fastidieux quand des thèmes plus nobles et sombres (argent, loyauté, honneur, famille) font glisser le récit vers le drame criminel/revenge movie curieusement littéral, au moins aussi désincarné et incohérent que peuvent l'être les intentions de son anti-héroïne, arriviste et vénale à l'extrême.

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Exit le fantasme de la fresque Shakespearienne et lyrique dans l'ombre du Parrain, bonjour le gloubiboulga bling-bling et déstabilisant, sorte de fusion indisciplinée entre Le diable s'habille en Prada et Mr Deeds, une pantalonnade alternativement trash et sobre dont la nature superficielle du script n'est même pas son plus tenace talon d'Achille.
Prenant résolument trop son temps - deux heures bien tassées - pour arriver au coeur de son sujet (le divorce entre Patrizia Reggiani et Maurizio Gucci, menant à la vengeance de celle-ci, qui pourtant ouvre et clôt le film), dénué d'une identité forte et du formalisme atypique d'un Ridley Scott en pilote automatique derrière la caméra (et qui semble avoir autant de mépris pour ce qu'il filme, que pour ses personnages), mais surtout porté par des comédiens qui cabotinent joyeusement (si l'alchimie entre Gaga et Driver est convaincante et qu'il est toujours plaisant de voir Pacino s'éclater, impossible en revanche de défendre un Jared Leto tellement caricatural qu'il en est risible, et qui se rêve comme un cousin rital des Three Stooges) autant qu'ils luttent avec leurs accents italiens (donnant parfois l'impression d'assister à un sketch de trop du SNL); House of Gucci dévitalise la moindre parcelle prometteuse de son sujet pour épouser les courbes plates d'une paresse généralisée et apathique, un " bûcher des vanités " dont on ressort aussi amer que profondément frustré par une péloche dont la grandeur lui tant parfois cruellement les bras.

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Une oeuvre froidement sérieuse et calculée là ou elle aurait dû être bouillante et mué par un sensationnalisme aussi jubilatoire que scandaleux - même dans ses atours de gros placement de produit.
Et comme le résume si bien le Paolo Gucci de Leto en une seule replique : "Why-ah ? " tout ça Ridley, " Why-ah ? "...


Jonathan Chevrier