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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #124 Fair Game

© 1995 Warner Bros

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !



#123. Fair Game d'Andrew Sipes (1995)

 

Producteur : Nom, Masculin : Personne physique ou morale qui produit des biens ou assure des services.

Exemple : «Je vais tellement me faire de l’argent avec Fair Game » - Joël Silver

  

L’EMPIRE SILVER

En 1995, Joël Silver est un peu le patron à Hollywood. C’est le genre de producteur avec qu’il faut s’entendre si tu ne veux pas terminer ta carrière en jouant dans les téléfilms de noël. Il n’a pas moins de quatre franchises lucratives à son actif, a réalisé un épisode culte de la série horrifique Les Contes de la Crypte, et sa société de production pèse plusieurs milliards de dollars. Mais voilà, l’année 95 ne sera pas un bon cru pour Silver Pictures et la cause se nomme Fair Game. En effet, le long-métrage d’Andrew Sipes sera un échec cuisant au box-office et ruinera pas mal de carrières. Pourtant, le grand producteur avait tout prévu et dans sa tête, c’était gagné d’avance. Tout a commencé en 1993, où le bougre décide de produire la suite du Cobra de George Costamos en adaptant le roman de Paula Gosling Fair Game sur grand écran. Pour la petite histoire, Cobra était aussi une adaptation libre de ce roman, mais au final s’en détachait, ce qui permettait à Silver de se recentrer sur le livre, tout en continuant de  raconter la suite des aventures du personnage créé par Sylvester Stallone. D’ailleurs, le comédien était attaché au projet, juste avant de se désister pour cause de planning surchargé.

De ce fait, notre cher producteur ne s’est pas laissé abattre et  a tenté un coup de bluff en montant une stratégie pour le moins payante sur le papier. Il avait engagé une star montante du 7ème art, dans son premier rôle principal et a forcé un mannequin mondialement connu à rejoindre le casting, afin de  vendre le film. Il avait même donné sa chance à un jeune réalisateur sortant de l’école pour diriger sa production.

© 1995 Warner Bros

Un casting bancal

Après une modification scénaristique de la part du jeune Charlie Fletcher, Joël Silver doit trouver son nouvel héros et cherche parmi les jeunes comédiens qui sont en train d’exploser à Hollywood. Son choix se pose sur le troisième frère Baldwin, William. Auréolé par les succès de Backdraft et de L’Expérience Interdite, le jeune William Baldwin devient une star incontournable, et pour preuve, en 1993,  on lui propose de partager l’affiche du thriller érotique Sliver avec Sharon Stone. Manque de chance, le long-métrage marquera le début de la chute du jeune acteur, puisque ce dernier  sera un échec critique et commercial. Quant à Cindy Crawford, elle était avec Claudia Schiffer, le Top Model le plus connu du début des années 90. Et Joël Silver avait vu en elle l’argument de vente du film. En 2013, dans l’émission d’Oprah Winfrey, Cindy Crawford regrettera d’avoir joué dans Fair Game. Elle dénoncera le comportement abusif de Silver, qui l’a forcé à jouer dans le film et qui ne souhaitait l’engager que pour sa plastique. Et elle admettra l’incompétence du réalisateur, qui ne savait pas diriger les comédiens et qui a perdu la maîtrise de son long-métrage au bout de trois semaines. Pour finaliser le tout, Silver met sur la table 50 millions $ et s’attend à récupérer le double de sa mise.

 

Un film catastrophe

Après plusieurs reports dans les dates de sortie, un changement de casting suite à une projection test désastreuse, de nombreux reshoots qui changeront une grosse partie du scénario et un réalisateur écarté de son film, Fair Game était désormais prêt. Et préparez-vous mes amis, puisque le petit père Silver a poussé les potards au maximum pour vendre son film. Campagnes de pub mettant en avant Cindy Crawford, des bandes annonces spectaculaires dévoilant des scènes qu'on ne verra jamais et des interviews à gogo glorifiant le film. Même les tabloïds s’y mettent pour créer le buzz. En effet, Cindy Crawford  est sortie avec son partenaire du film William Baldwin durant le tournage, ce qui provoquera la colère du mari du mannequin, qui n’est autre que Richard Gere. Ce dernier demandera le divorce quelques mois après. Et mon petit doigt me dit que Silver n’y est pas pour rien dans cette histoire. Bref, tous les ingrédients étaient là pour faire de ce film le blockbuster de l'année. Je me rappelle que du haut de mes 5 ans, je voyais le phénomène Fair Game monter de plus en plus. Les posters géants s'affichaient dans les cinémas des Champs Elysée, Cindy Crawford faisait la couverture de "Première" et des reportages au sujet du film inondaient le petit écran. Même si je ne connaissais rien à l'histoire, mon esprit de jeune cinéphile voulait voir ce film.

A sa sortie, Fair Game a été un échec cuisant aux USA, récoltant 11 millions $ au box-office. En France, le film manquera le coche en cumulant 160 000 entrées. Et pour finir, il a été nominé aux razzies awards, dans les catégories pire couple à l'écran, pire actrice et pire nouvelle star. Heureusement pour eux, Showgirls est sorti la même année. Après ces résultats catastrophiques, William Baldwin n'est plus jamais revenu au top, il enchaîna les échecs (Sang Froid, Virus,...), tandis que Cindy Crawford arrêta le cinéma tout comme le réalisateur Andrew Sipes. Silver s’en remettra, grâce au succès modeste du blockbuster Assassins  avec Stallone et Banderas, qui sortira la même année.

© 1995 Warner Bros

Une stratégie perdante

 

Bon, quand on revient sur le film, on se dit que la stratégie de Silver était mal huilée. Le blockbuster avait tout pour se crasher au box-office, en commençant par les comédiens. Baldwin n’avait pas les épaules assez larges pour porter un film de cette envergure. Il se fait voler la vedette par une Cindy Crawford qui ne sait pas jouer la comédie et qui n’est pas crédible dans son rôle d’avocate poursuivie par des mafieux Russes. Cette dernière n’était que la vitrine pour rentabiliser le film, et d’ailleurs Silver avait l’intention de la faire redoubler par une autre comédienne lors de la post-synchro.

Quant aux Bad Guys, ce sont des Russes. Je crois qu'on n’avait plus vu ça depuis la fin des années 80. Et pour combler le tout, ce sont des experts en informatique utilisant des méthodes qui étaient déjà obsolètes à l'époque. D'ailleurs, on retrouve les trognes de Steven Berkoff (Beverly Hills Cop) et de Paul Dillon (Le Caméléon), qui en font des caisses. Sans oublier les seconds rôles... Une ex-petite amie excentrique, jouée par Salma Hayek, qui remplace au pied levé Elisabeth Pena, évincée du film après la projection test et un chef de police interprété par Christopher McDonald (Thelma & Louise) qui se la joue gros dur en essayant d'imiter le capitaine Tubbs dans Starsky et Hutch. Coté scénario, dès que l'histoire est placée... en moins de deux minutes, on assiste à des scènes d'action très confuses, des répliques estampillées années 90, des blagues pas forcément drôles  et une intrigue incohérente, sentant le réchauffé.

Le long métrage est bourré d'effets spéciaux à la limite du has been, la seule scène potable reste la course poursuite sur l'autoroute et bien évidemment comme tout bon film d’action des années 90 qui se respecte, nous avons une scène pseudo érotique gratuite et totalement kitsch, entre nos deux héros. Au final, on assiste à un film qui était déjà vieux à sa sortie. Bien que ma déception fût aussi grande que mon attente et que le spectacle à l’écran reste affligeant, je n’arrive pas à haïr Fair Game. Et j’imagine toujours ce qu’aurait pu donner la première version du film. De plus, on ne peut pas blâmer les comédiens mal dirigés et le réalisateur en manque d’expériences. On peut entrevoir quelques bonnes idées non abouties ou bien une alchimie palpable entre les deux comédiens principaux. Malheureusement, le film a souffert de la présence d’un puissant producteur voulant se remplir les poches.

 

Jason