[SƎANCES FANTASTIQUES] : #37. The Strangers
© 2008 - Universal Studios |
Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse d'un cinéma fantastique aussi abondant qu'il est passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !
#37. The Strangers de Bryan Bertino (2008)
Au sein du paysage pas forcément glorieux du cinéma de genre de la fin des années 2000, la majorité des péloches un tant soit peu populaires se vautrait joyeusement dans une accumulation de gore faciles totalement imposée par LE sous-genre racoleur de billets verts du moment : le torture-porn imposé de force par le cheval de Troie Saw (que Lionsgate essayera même, sans trembler, de faire revivre dix piges plus tard), et évidemment calquer à outrance par une pléthore de petits studios (pas) malin voulant eux aussi, leur part du gâteau au box-office.
Reste que quelques petits irréductibles gaulois modernes ont tentés, avec plus ou de succès, de sonner une rébellion pour offrir un salut presque inespéré au cinéma horrifique, de Nimrod Antal (Motel), Paco Plaza et Jaume Balaguero ([REC]), Tomas Alfredson (Morse), Jaume Collet-Serra (Esther) ou encore... Bryan Bertino, illustre inconnu au bataillon qui aura pourtant su créer avec son premier long-métrage, The Strangers, petite bombe de huis clos tétanisant qui rafraichissait dans les grandes largeurs, un genre méchamment engoncé dans ses codes poussiéreux et ses nombreux clichés.
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Tout d'abord scénariste avant d'être metteur en scène, Bertino élaborera en quelques semaines seulement le script du métrage qui, après avoir attiré l'attention des plus grands studios Hollywoodiens, sera in fine vendu à la petite compagnie indé Rogue, pas forcément attiré au départ, à l'idée de confier la direction de la chose au wannabe cinéaste totalement inexpérimenté.
Mais, lassés de tourner autant en rond que de réalisateurs en réalisateurs (dont Mark Romanek, qui a longtemps été rattaché au projet), ou de revirements à revirements, les producteurs se laisseront séduire par l'idée que Bertino soit l'homme de la situation, et lui confieront les commandes de son propre bébé, avec une jolie enveloppe de dix millions de dollars à la clé.
Pas un petit budget pour un film à l'intrigue en apparence des plus simples : la péloche conte les quelques heures durant lesquelles un couple en crise se voit attaqué par trois inconnus masqués, bien décidés à leur faire passer un mauvais quart d'heure.
Isolés dans leur maison perdue au milieu de nulle part, les mariés vont devoir rester soudés pour survivre... ou pas.
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Petit miracle sur pellicule nerveux, (vraiment) flippant, simple et d'une efficacité redoutable, The Strangers est l'exemple même de la bonne série B cornaquée avec un tel amour du cinoche du samedi soir, que l'on ne peut que l'adorer.
Mise en scène minimaliste mais soignée, scénario solide et réservant son petit lot de rebondissements couillus tout autant qu'un portrait sensible de deux époux au bord de l'implosion (la raison sera évoquée lors d'un habile flashback), le premier long-métrage de Bertino est un thriller comme à l'ancienne, viscéral et réaliste, dont la noirceur du propos n'est même pas désamorcée par un happy-end aussi gerbant que inadéquat.
Citant joyeusement Funny Games et Halloween (pour son horreur souvent invisible faisant irruption dans une réalité commune, et ses meurtriers dont la motivation n'est jamais dévoilée) mais aussi Peckinpah et son chef-d'oeuvre Chiens de Paille (référence du home invasion brutal), l’œuvre fait volontairement (très) mal et nous fait que trop bien ressentir la terreur sourde qu'engendre le fait d'être agressé dans sa propre maison par un ou plusieurs malades barbares, planqués derrière un masque lui aussi, aussi simpliste que terrifiant; peur longtemps véhiculé dans le cinéma des 70's, faisant écho à la dure réalité des crimes de la Famille Manson.
Le Bertino connaît ses classiques et plutôt que de miser sur le déballage de tripaille imposé au genre, il opérera un véritable retour aux sources, en misant habilement sur le suspens pur d'une violence insaisissable, imprévisible et inexplicable, dont il masquera les images dans un climax où les cris en diront plus que n'importe quel plan.
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Porté par un couple, un duo de comédiens - pas de stars, nuance - tout simplement exceptionnel, Liv Tyler et Scott Speedman, ainsi qu'une équipe totalement dévouée à sa cause (mention à la jolie photographie de Peter Sova), tourné majoritairement caméra à l'épaule et privilégiant l'efficacité à l’esbroufe, l’œuvre, loin des bandes ultra violentes ou même des séquelles rarement inspirées, sent bon le style épuré et les relents de giallos et apportait, à l'époque, toute l'ambition créative dont avait tellement besoin le cinéma de genre (à la différence du frenchy et beaucoup moins maitrisé Ils de Xavier Palud et David Moreau, boxant dans la même catégorie).
Alors tant pis si Bertino n'a pas forcément eu la carrière fructueuse qu'il méritait par la suite (il a mis près de six ans à monter le très bon Mockingbird), et qu'une suite totalement improbable vienne pointer le bout de son nez pile-poil dix ans après la sortie timide du film original; The Strangers est un petit bijou horrifique dont on ressort intimement chamboulé.
Non, ne sortez pas de chez vous, et encore moins la nuit...
Jonathan Chevrier