[SƎANCES FANTASTIQUES] : #18. Dr. Jekyll and Mr. Hyde
Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'oeuvre de la Hammer, que des pépites cinéma bis transalpin en passant par les slashers des 70's/80's; mais surtout montrer un brin, la richesse d'un cinéma fantastique aussi riche qu'il est passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !
#18. Docteur Jekyll et Mr. Hyde de Victor Fleming (1941)
Si aujourd'hui, le célèbre personnage de Robert Louis Stevenson est tellement férocement ancré dans la pop culture, qu'il a connu une pluie d'adaptations/reprises/hommages pas toujours défendables - pour être poli -, il était déjà très étonnant, il y a presque quatre-vingt ans, de le voir connaître une nouvelle adaptation venant de la caméra du grand Victor Fleming, après celle fabuleuse de Rouben Mamoulian de 1931 (faisant elle-même suite à celle de 1920, signée John S. Robertson); sans doute celle qui est et restera, la plus audacieuse de l'histoire du septième art, entre une représentation totalement inédite de l'horreur graphique, et une peinture corrosive et corsée des pulsions sexuelles.
Plus remake de celui-ci d'ailleurs (il en reprend clairement toute sa structure, presque à la scène près) que nouvelle mise en images du court roman, dont il expurge toute déviance ou violence frontale (exit la douleur viscérale des transformations), tout en se permettant quelques légères modifications dans la caractérisation des personnages (le statut social d'Ivy et quelques noms principaux notamment), le film de 1941, même profondément édulcoré et sage, n'en reste pas moins incroyablement charmante et renversante.
De manière totalement insoupçonnée, c'est justement cette rigidité très britannique (un comble pour une production américaine) et ce symbolisme religieux marqué, qui fait ressortir avec puissance et justesse, toute la violence et la frustration - pas uniquement sexuelle - qui bouillonnent sous le vernis fragile d'une société policée et gaussement puritaine, dont le célèbre docteur est un spectateur privilégié.
Loin de renier ses pulsions ou d'être bouffé par ses désirs refoulés, il est un homme libre d'actes et de pensées (ses collègues récusent même ses expériences contre-nature), qui n'est " contraint " de libérer son côté obscur que lorsqu'il se laisse aller au plaisir de la chair, et à son refus d'épouser les convenances de la bourgeoisie de l'Angleterre victorienne - un mariage sans cesse repousser.
Une dualité fascinante, primitive et, évidemment, Freudienne, que la photographie lumineuse de Joseph Ruttenberg, couplée aux décors d'Edwin Willis, rend palpable à l'écran (entre beaux quartiers et cadres plus lugubres, ou Hyde vient sévir), au moins tout autant que la performance folle et pleine maturité de Spencer Tracy, dont l'humanité évidente - même grimé en Hyde -, rend d'autant plus glaciale les ignominies de ses escapades jubilatoires nocturnes - et plus tragique sa rédemption par le trépas.
Joliment incarné (que ce soit l'envoûtante Lana Turner, presque en contre-emploi en fiancée prude, ou la sculpturale Ingrid Bergman, parfaite en victime expiatoire), sublimé par une musique exemplaire de Franz Waxman (qui fait grimper crescendo la tension dramatique et le suspense) et des maquillages impressionnant pour l'époque; le film de Victor Fleming est une merveille de conte fantastique captivant et angoissant, un chef-d'oeuvre intemporel, rien de moins.
Jonathan Chevrier
#18. Docteur Jekyll et Mr. Hyde de Victor Fleming (1941)
Si aujourd'hui, le célèbre personnage de Robert Louis Stevenson est tellement férocement ancré dans la pop culture, qu'il a connu une pluie d'adaptations/reprises/hommages pas toujours défendables - pour être poli -, il était déjà très étonnant, il y a presque quatre-vingt ans, de le voir connaître une nouvelle adaptation venant de la caméra du grand Victor Fleming, après celle fabuleuse de Rouben Mamoulian de 1931 (faisant elle-même suite à celle de 1920, signée John S. Robertson); sans doute celle qui est et restera, la plus audacieuse de l'histoire du septième art, entre une représentation totalement inédite de l'horreur graphique, et une peinture corrosive et corsée des pulsions sexuelles.
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Plus remake de celui-ci d'ailleurs (il en reprend clairement toute sa structure, presque à la scène près) que nouvelle mise en images du court roman, dont il expurge toute déviance ou violence frontale (exit la douleur viscérale des transformations), tout en se permettant quelques légères modifications dans la caractérisation des personnages (le statut social d'Ivy et quelques noms principaux notamment), le film de 1941, même profondément édulcoré et sage, n'en reste pas moins incroyablement charmante et renversante.
De manière totalement insoupçonnée, c'est justement cette rigidité très britannique (un comble pour une production américaine) et ce symbolisme religieux marqué, qui fait ressortir avec puissance et justesse, toute la violence et la frustration - pas uniquement sexuelle - qui bouillonnent sous le vernis fragile d'une société policée et gaussement puritaine, dont le célèbre docteur est un spectateur privilégié.
Loin de renier ses pulsions ou d'être bouffé par ses désirs refoulés, il est un homme libre d'actes et de pensées (ses collègues récusent même ses expériences contre-nature), qui n'est " contraint " de libérer son côté obscur que lorsqu'il se laisse aller au plaisir de la chair, et à son refus d'épouser les convenances de la bourgeoisie de l'Angleterre victorienne - un mariage sans cesse repousser.
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Une dualité fascinante, primitive et, évidemment, Freudienne, que la photographie lumineuse de Joseph Ruttenberg, couplée aux décors d'Edwin Willis, rend palpable à l'écran (entre beaux quartiers et cadres plus lugubres, ou Hyde vient sévir), au moins tout autant que la performance folle et pleine maturité de Spencer Tracy, dont l'humanité évidente - même grimé en Hyde -, rend d'autant plus glaciale les ignominies de ses escapades jubilatoires nocturnes - et plus tragique sa rédemption par le trépas.
Joliment incarné (que ce soit l'envoûtante Lana Turner, presque en contre-emploi en fiancée prude, ou la sculpturale Ingrid Bergman, parfaite en victime expiatoire), sublimé par une musique exemplaire de Franz Waxman (qui fait grimper crescendo la tension dramatique et le suspense) et des maquillages impressionnant pour l'époque; le film de Victor Fleming est une merveille de conte fantastique captivant et angoissant, un chef-d'oeuvre intemporel, rien de moins.
Jonathan Chevrier