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[CRITIQUE] : The Vigil


Réalisateur : Keith Thomas
Acteurs :  Dave Davis, Menashe Lustig, Malky Goldman,...
Distributeur : Wild Bunch
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h30min.

Synopsis :
New York, Brooklyn. Après avoir quitté la communauté juive orthodoxe, Yakov, à court d’argent comme de foi, accepte à contrecœur d’assurer la veillée funèbre d’un membre décédé de ce groupe religieux. Avec la dépouille du défunt pour seule compagnie, il se retrouve bientôt confronté à des phénomènes de plus en plus inquiétants…




Critique :


Présenté lors de la sélection Midnight Madness du TIFF, The Vigil est la première réalisation du romancier Keith Davis. Très clairement inspiré par L’Exorciste, The Vigil utilise la religion juive hassidique - pourtant moins évidente à représenter et moins visuelle que la religion chrétienne - comme canevas d’un film d’horreur, huis clos new-yorkais.




Le film parle intelligemment de la crise de foi du monde actuel et pose la question “dans un monde cartésien et rationnel comme le nôtre, quel place pour la religion ?”. La scène d'introduction, filmée par différents travelling au sein d’un groupe d’entraide d’anciens hassidiques pose ces questions et montre comment le communautarisme peut rendre l’humain inapte au monde moderne. Notre personnage est à un croisement dans sa vie : suite à un événement traumatique, il perd foi en sa culture, en sa religion qui sont pourtant les fondations de sa vie. Cette nuit va l’obliger à se confronter à ses démons, à son identité.
L’intelligence de ce film se situe dans son images et ses effets spéciaux. Le chef opérateur Zach Kuperstein sculpte la lumière avec brio, alterne source de lumière chaude (lampes de chevet), source de lumière froide (écran de téléphone) et jeux avec le contre-jour pour créer des tableaux tantôt statiques tantôt embellis par des mouvements de caméras fluides. La plupart des effets spéciaux du films sont mécaniques, pratiques, ce qui donne un cachet et une identité au film, trop rarement vu dans le cinéma actuel.
Dans la diégèse du film, le monstre prend la forme du Mazik démon censé habiter les endroits abandonnés. Il sera une ombre, des mains aux doigts crochus, une voix et tout un tas d’autres apparitions forts sympathiques. La vraie question étant quel est le monstre qui ronge le film ? Il y a bien sûr la crise identitaire de Yakov, mais que cache-t-elle ? Je pense que l’on peut répondre sans trop de doute, l’antisémitisme ambiant qui fait écho à celui de la Shoah évoqué (un peu lourdement par ailleurs) par le passé du défunt.




J’ai simplement deux petits regrets sur la forme du film : des flashbacks inutiles qui sur expliquent l’action et alourdissent le film, et surtout font sortir du huis clos, ce qui est bien dommage, et des resorts horrifiques un peu déjà vu et surtout téléphoné qui sont assez facile à deviner et anticiper pour un public averti.
En somme, un premier film intelligent et abouti si l’on considère le peu d’expérience du réalisateur. L’image est sublime, le propos cohérent et bien amené et les effets-spéciaux une belle réussite. Si ce n’est quelques maladresses, je le recommande vivement.


Eleonore Tain




Présenté comme un «film d'horreur juif», The Vigil, premier long-métrage du romancier/wannabe cinéaste Keith Thomas, se voulait comme la preuve sur pellicule que les prêtres chrétiens et les couvents hantés, n'étaient pas les seuls à se partager les plaisirs de l'horreur à forte connotation religieuse et ce, même s'il ne plonge pas forcément au coeur de la théologie et des superstitions traditionnelles qu'il prend thématiques.




Un contexte culturel inédit donc (comme si, un comble, le cinéma horrifique avait lui-même peur d'aborder le sujet), qui ajoute un vent de fraîcheur sincère à un modeste bout de flippe glacial et intime, entre le huis clos tendu et le thriller horrifique ménageant habilement son suspense, tout en se payant le luxe de pointer du bout de sa plume, les contradictions du judaïsme religieux sans pour autant dénigrer ceux qui s'engagent réellement en ses principes.
Articulé autour de la nuit infernale d'un jeune homme éloigné de la communauté juive orthodoxe de Borough Park à Brooklyn, qui par souci d'argent accepte de remplir les devoirs d'une veillée funèbre, pour s'occuper d'un cadavre qui s'avère en fait possédé; la péloche repose autant sur la prépondérance habituelle des jumpscares - et ce dans un cadre limité et aisément terrifiant -, que sur une profondeur thématique assénée avec aplomb, entre la culpabilité fraternelle et religieuse (douloureusement empathique), une crise de foi férocement contemporaine et le traumatisme toujours vif de l'Holocauste (avec le spectre historique de l'antisémitisme, qui plus poussé et plus cynique, aurait pu en faire un cousin du Get Out de Jordan Peele).
Un chaos familier pas si éloigné des meilleurs opus de la saga Conjuring - ceux signés par Wan et Sandberg en gros -, ou même du récent The Autopsy of Jane Doe, qui fait grimper crescendo son horreur tout en signant une approche polie et élégante, du film de maison hantée, n'ayant jamais peur d'étiré son montage jusqu'à l'extrême, jouant savoureusement avec les nerfs de son auditoire.




Cartographiant admirablement toutes les spécificités de son cadre - salement lugubre - et de son prisme (ou les conflits internes sont résolument plus lourds et passionnants que les événements surnaturels plaqués à l'écran), autant grâce à la subtilité de la photographie de Zach Kuperstein (porté par une utilisation sophistiquée de la lumière et de l'ombre, rendant certaines séquences savoureusement désorientantes) que par le score (très) suggestif et dynamique de Michael Yezerski, et un scénario résolument plus fin qu'il n'en a l'air; The Vigil est un film d'horreur astucieux, qui prend pour - bon - mantra (en évitant soigneusement de se perdre dans une représentation maladroite des créatures mythologiques juives, très peu abordés dans le genre, ou d'effets surnaturels faisandés) que ce qui n'est pas montré, est plus effrayant que ce qui l'est.

Baroque et ludique comme un bis rital des grands jours, épuré et éprouvant - dans le bon sens du terme - jusque dans un final plus symbolique que physique, le premier long sur grand écran de Keith Thomas en impose, et incarne une vraie séance fantastique au coeur d'un été en salles, qui n'en proposait jusque-là aucune...


Jonathan Chevrier 






Projeté en compétition à l’occasion de la 27ème édition du festival du film fantastique de Gérardmer dont il était injustement reparti bredouille, victime d’une concurrence de haute qualité (on reparlera de Saint-Maud, promis), le premier long métrage du réalisateur américain Keith Thomas avait néanmoins fait son petit effet sur bons nombres de festivaliers qui ont grandement regretté de voir le film sur une séance de 22h. Oui, je parle de moi. The Vigil sort enfin en salle dans un contexte chaotique au milieu d’une programmation épurée et il est très hautement recommandé si on aime le cinéma d’horreur d’aller y jeter un œil ou même les deux, puisque c’est assez probablement le meilleur film du genre que vous aurez vu en salle depuis un bout de temps.



Avant de le faire par des excentricités qui lui seront éminemment personnel, The Vigil se démarque par une maitrise assez absolue des codes du genre. Il fonctionne comme un film de maison hantée tout ce qu’il y a de plus classique, un personnage en grande nécessité de résoudre des conflits intérieurs (ici une grande culpabilité) se retrouve contraint et forcé de passer la nuit dans un endroit flippant qui héberge aussi une bestiole mystère qui ne voudra pas lui faire que des câlins et des bisous. Le cadre est clairement défini, l’intrigue parfaitement contenue, reste à déployer du cinéma intéressant là-dedans. Et de ce postulat, le réalisateur va tirer un film d’une efficacité exemplaire dans ses effets, jouant à merveille sur les zones d’ombres dans le cadre et les menaces qu’elles pourraient abriter, sur le hors champs, le son, le tangible et l’intangible, tout en tissant une toile de mystère passionnante qui te donne envie de t’investir dans l’intrigue et découvrir ce qu’il se passe vraiment dans cette foutue baraque. Et c’est aussi ça la marque d’un film d’épouvante réussi, pousser le spectateur à non pas passer une heure et demi le visage caché dans ses mains mais à dépasser sa peur et s’y confronter pour découvrir en dépit de tout bon sens ce qui se cache derrière le voile. Attiser ses pulsions curieuses au-delà de son instinct de préservation, voilà un des véritables challenges du genre, et c’est seulement là qu’il atteint sa véritable valeur cathartique. 




La grande idée de The Vigil pour investir immédiatement le spectateur dans son intrigue est le choix de son univers et de sa mythologie. On a bouffé de la famille chrétienne possédée et tourmentée par des vilains démons de l’enfer à toute les sauces et ce depuis fort longtemps, on est en revanche beaucoup moins habitué à voir des démons issus de la culture juive et c’est une idée qui rends le film extrêmement intrigant. D’autant plus qu’il ne se contente pas de balancer un antagoniste démoniaque d’extraction juive pour la simple forme mais fait du judaïsme un élément central. Le concept de la veillée funèbre telle qu’elle est présentée, le fait que Yakov se soit éloigné de sa communauté, que ses conflits psychologiques découlent directement d’actes antisémites : le film garde une vraie cohérence de thème du début à la fin et met du cœur à l’ouvrage à nous présenter un univers et une culture neuve dans le monde du cinéma de genre. Il trouve également son identité dans ses parti-pris visuels, regorgeant d’idées de mise en scène inspirées et jouissant d’une photographie aux petits oignons. Tout en cultivant le mystère autour du démon (qui a beaucoup de gueule et est très bien mis en valeur), dont l’emprise se resserre petit à petit sur notre protagoniste le forçant à se confronter à ses propres démons intérieurs, le film construit des scènes extrêmement fortes alternant entre des poncifs vus et revus (mais fort bien troussés) et des scènes plus originales parfois extrêmement claustrophobes, je retiendrai entre autre une tentative de fuite de la maison qui m’a violement comprimé la cage thoracique. 




Ce n’est pas si souvent que sort en salle un film d’épouvante alliant à ce point-là maitrise du genre et originalité, si le film ne révolutionne rien c’est une première œuvre extrêmement prometteuse qui mérite d’avoir son petit succès en salle et qui vaut la peine de mettre son masque et de prendre 1h30 de son temps pour le déguster. Promis, ça vaut le coup.


Kevin


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