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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #79. The Mask

© 1994 New Line Cinema

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !






#79. The Mask de Chuck Russell (1994)

Plus encore que le regretté Robin Williams (qui nous manque toujours autant, même plusieurs années plus tard), Jim Carrey est sans l'ombre d'un doute, le clown triste/dingo dont on a le plus bouffé les péloches et fait douloureusement souffrir les VHS.
Un formidable performeur au visage aussi polymorphe qu'un morceau de Play-Doh, et au sens comique presque inégalé, qu'il est peut-être même le seul à avoir pu pousser aussi bien jusqu'à son paroxysme érintant (Batman Forever, Menteur, Menteur), qu'au tréfond sombre de ses capacités (Disjoncté).
Résolument plus " familial " - quoique - que les aventures du détective animalier Ace Ventura (surtout le premier - et meilleur - opus), mais surtout que les aléas débiles mais géniaux d'Harry et Lloyd (Dumb & Dumber), The Mask est de ces petits bouts de cinéma miraculeux comme on en fait plus, un pur divertissement populaire un brin irrévérencieux, alliant une technique irréprochable à une histoire simpliste mais en béton armée, qui ne prend jamais son auditoire pour plus bête qu'il ne l'est, et qui n'a que pour seul désir que le divertir.


© 1994 New Line Cinema

C'est tout con dit comme ça et pourtant, à une heure ou le blockbuster lambda s'apparente à une mécanique impersonnelle, des commandes souvent torchées sans se fouler et incarnant l'union (im)parfaite entre un ton bon enfant aux touches d'humour embarrassantes, et des scènes d'action illisibles confinant au foutage de gueule; il est toujours agréable de donner un joli coup de rétroviseur vers le passé, et de savourer une bonne tranche de nostalgie (si possible) bien épaisse.
Sans transformer le plomb en or, l'honnête faiseur Chuck Russell (Les Griffes du Cauchemar, L'Effaceur) ne fait que suivre au pied de la lettre la légère variation comique du Dr. Jekyll et Mr. Hyde de Stevenson, opéré par un Mike Werb totalement conscient des faiblesses - mais aussi des forces - de sa plume : aucune sous-intrigue propulsive, écriture des personnages amorphes (le chien Milo, a limite une personnalité plus développée et complexe que le love interest incarné par une Cameron Diaz littéralement à tomber), une aseptisation de la violence de son matériau d'origine (le comic-book publié par Dark Horse Comics), contrebalancés par des dialogues punchy et une énergie totalement axée sur la boulimie comique et gestuelle de Carrey.
Et malgré tout... ça marche, et même du tonnerre.
Ne faisant plus qu'un avec l'esprit cartoonesque et excessivement burlesque de son personnage fictif, le comédien semble tout droit sortie d'un délire Tex Avery-esque, le fruit d'un investissement qui n'a d'égale que la prouesse technique réussie par ILM, pour donner vie à ses facéties loufoques (toutes les séquences avec le Mask, même aujourd'hui, sont encore à couper le souffle).


© 1994 New Line Cinema

On y suit donc les aléas de Stanley Ipkiss, un employé de banque timide qui vit seul avec son chien, et dont la vie n'est, au fond, qu'une série d'humiliations diverses et variées.
Après une expérience particulièrement douloureuse - il a été jeté à l'entrée de la discothèque branchée Coco Bongo -, la voiture de location que lui a prêté son arnaqueur de garagiste, tombe en panne sur un pont solitaire à plusieurs kilomètres de chez lui.
Et dans une page limite tirée de " It's a Wonderful Life ", il est appuyé sur le rail de sécurité et fait le point sur sa triste vie, quand il remarque un corps à l'eau et plonge à la rescousse.
Le hic, c'est qu'il n'y a personne à sauvé mais juste un amas de sacs en plastique, du bois flotté et ... un masque ancien, sculpté dans du bois verdâtre et pour lequel Stanley tombe littéralement sous le charme.
De retour chez lui et averti avec méfiance par son chien - définitivement plus rusé que lui -, Stanley va pourtant se laisser tenter par l'idée de le porter et à la suite d'une sorte de mini-tornade, il va se transformer en... The Mask, croisement délirant entre le Joker de Jack Nicholson avec des grosses dents, et toute la galerie des Toons de la Warner.
Un personnage hybride, une version plus mesquine de Stanley - capable de le venger de ceux qui se moquent/jouent de lui -, mais surtout plus séductrice malgré une dentition démesurée et une pigmentation en faisant le cousin éloigné et chauve d'Hulk.


© 1994 New Line Cinema

Fou furieux (un chien pisse volontairement sur des méchants, un mécanicien finit avec un immense tuyau d'échappement dans le fondement,...), alliant récit criminel (limité), identitaire (plutôt touchant) et romantique (bâclé et facile), dans un gros délire à la lisière de la comédie musicale jazzy à souhait (le show au Coco Bango mais surtout le génial show " Cuban Pete " face au SWAT); The Mask, qui n'a pas plus de matière qu'un épisode du dessin animé Tex Avery (et sur quatre-vingts dix minutes quand on l'admire avec un regard plus adulte, cela se sent), épouse tout du long fougueusement son absurdité pour mieux incarner une merveille de divertissement insouciant, la preuve sur pellicule que l'humour slapstick faisait encore des ravages au coeur des bénies 90's.
Les maillets de la nostalgie masquent copieusement ses facilités/fragilités et fonctionnent encore aujourd'hui (gloire au brillant Emmanuel Curtil, la VF s'avère même presque meilleure que la version originale, sorry not sorry), et ça cartoon (les vrais reconnaîtront la référence très... cryptée) toujours autant.
One word : Ssssplendiiiiiide !!!


Jonathan Chevrier