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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #72. From Dusk till Dawn

© 1996 - Dimension Films

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !




#72. Une Nuit en Enfer de Robert Rodriguez (1996)

Parfois, le septième art n'est qu'un enchaînement d'occasions manquées oi d'heureux alignement de bonnes étoiles, et voire même les deux, sur un seul et même projet.
Galvanisé par le tournage aussi dynamique et bricolé que férocement exaltant, du troisième opus Evil Dead du vénéré Sam Raimi, le talentueux papa de Wishmaster Robert Kurtzman, posait le premier jet de ce qui sera l'ossature de la trame d'Une Nuit en Enfer, rencontre délirante entre le western crépusculaire (et même post-apocalyptique), le drame humain et la relecture du mythe vampirique, le tout avec une savoureuse touche hispanique.
Pour mettre en forme le pavé, il fait alors appel à un féru de cinoche encore simple employé de vidéoclub, Quentin " Fucking " Tarantino, pas encore derrière la caméra de Reservoir Dogs, ni même heureux papa du script de True Romance.
Pour son premier job officiel, le bonhomme peaufine la sculpture du film, y ajoute une grosse louche de références et d'irrévérences, et le rend parfait à l'emploi.
Le hic, c'est que Kurtzman ne se verra jamais validé son financement et quittera finalement la direction de son propre bébé (il calmera sa frustration sur le génial Wishmaster, qui sera bien cette fois, son premier passage derrière la caméra), et si QT fut un temps espéré à la barre (Tony Scott et Renny Harlin aussi), ce sera finalement quelques années plus tard le texan fou Robert Rodriguez, qui reprendra le projet en vol, fraîchement rescapé du naufrage de Four Rooms, qui n'égratignera pas son aura populaire à Hollywood, forgé au forceps grace au diptyque El Mariachi/Desperado.

© 1996 - Dimension Films

Une oeuvre tricéphale en somme, qui a tout du petit miracle sur pellicule, explosant les bordures de la série B pour mieux tracer sa propre voie, entre l'horreur craspec et fandarde, la violence hard-boiled tout droit sortie de la littérature US, et une ambiance so caliente et des emprunts évidents à la culture populaire mexicaine; le tout au coeur d'une histoire semblant condenser plusieurs films en elle-même, véritable double programme délirant fleurant bon l'esprit grindhouse (et avec un naturel bien plus enivrant que le diptyque Grindhouse, signé justement par le tandem Tarantino/Rodriguez).
Démarrant comme un western urbain " Bonnie and Clydesque " ou deux frangins au charisme brutal, les Gecko, font pleuvoir le sang et les larmes sur les routes désertes du sud des États-Unis, dans une cavale effrénée.
L'aîné, Seth (Clooney, alors en parfait contre-emploi, cliquant au poteau Tim Roth et John Travolta pour le rôle), vient tout juste de sortir de taule, aidé par le plus jeune des deux, Richie (Tarantino, sous acide), gentiment fracassé du bulbe et capable de toutes les ignominies, par pure frustration (surtout sexuelle).
Recherchés par la police, ils vont kidnapper et se servir d'une pauvre famille lambda, les Fuller (dont le patriarche, un pasteur qui ne parvient pas à se remettre de la mort de son épouse, est en pleine crise ecclésiastique), comme de bouclier humains pour passer la frontière mexicaine, et y rejoindre un contact pour tenter de passer des jours heureux loin du pays de l'oncle Sam.
Et c'est justement là, dès que le bitume mexicain est foulé par la caravane qui sert de wagon pour l'enfer, que la péloche vire gentiment au gros délire horrifico-vampiresque.
Arrivé au Titty Twister, le groupe s'installe à une table, profite de la danse sensuelle as hell de la sculpturale Santanico Pandemonium (Salma Hayek, au sommet de sa sensualité), et va découvrir de manière sanglante, que le bar au nom si iconique, est le repère de tous les suceurs de sang du secteur, qui vont massacrer tout ce qui bouge...

© 1996 - Dimension Films

Cartoonesque comme ce n'est pas permis, totalement dévergondé (ça part dans tous les sens) et jouissif, Une Nuit en Enfer peut autant se voir comme une virée crépusculaire et vampirique offrant, à l'instar de l'Assaut du roi Carpentier, un hommage vibrant et sanglant à Alamo; qu'un formidable portrait dramatico-familial (oui), un double miroir fracassé de deux relations familiales douloureuses qui terminent dans le sang, qu'elles soient totalement dégénérée mais unie (les Gecko), que pieuse et fusionnelle même dans la Mort (les Fuller).
L'amour parfois, au cinéma comme dans la vie, fini avec un coeur brisé - ici par un pieu, surtout -, ce qui ne nous empêche pas pourtant d'aimer d'une passion sincère une oeuvre qui, même près d'un quart de siècle plus tard, n'a rien perdu de sa superbe et s'avère toujours aussi plaisant et brillant.
Un brin paradoxal non, pour une oeuvre sur les vampires... même si Twilight a depuis, littéralement déféquer sur cette douce ironie du langage, pour la rendre atrocement cinématographique.
Chaque génération a les princes des ténèbres qu'elle mérite...


Jonathan Chevrier