[CRITIQUE] : Mickey and the Bear
Réalisatrice : Annabelle Attanasio
Acteurs : Camila Morrone, James Badge Dale, Calvin Demba, Ben Rosenfield,...
Distributeur : Wayna Pitch
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain
Durée : 1h29min
Synopsis :
Mickey Peck, une adolescente du Montana, a la lourde responsabilité de s'occuper de son père, un vétéran accro aux opiacés. Quand l'opportunité se présente de quitter pour de bon le foyer, elle fait face à un choix impossible...
Critique :
Portrait d’une jeune femme en plein éveil, #MickeyAndTheBear est un premier long-métrage qui ne brille pas par son originalité, mais arrive à tirer son épingle du jeu grâce à un angle novateur : les premières victimes des laissés-pour-compte sont les femmes. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/UTdbdeMZrc— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) February 13, 2020
Présenté à l’ACID au festival de Cannes l’année dernière, le premier long-métrage de Annabelle Attanasio, Mickey and the bear, sort enfin dans nos salles hexagonales. La réalisatrice, que l’on a pu voir jouer dans les séries Bull ou encore The Knick, prend une caméra pour suivre une jeune femme, tout juste majeure, prête à prendre son envol. Un film très ancré dans un cinéma américain indépendant, soucieux de démolir l’american dream. Souvent de jeunes gens, à peine sortis de l’adolescence, qui doivent endosser une responsabilité écrasante, s’occuper de parents addict. Un sujet important, mais qui malheureusement, commence à sentir le déjà-vu. Ici, le synopsis ressemble étrangement à un autre film, sorti l’année dernière Leave No Trace, réalisé par Debra Granik.
Pourtant, si on y regarde de plus près, Mickey and the bear arrive à déjouer certains écueils de ce genre de récit, où la colère et la violence prennent souvent le pas. Annabelle Attanasio préfère mettre au centre de son film l’attachement, l’amour que son héroïne, Mickey, ressent malgré tout pour son père, prête à renoncer à un maigre espoir d’avenir pour ne pas le laisser sombrer, seul. Loin des stéréotypes de lycée américain, Mickey grandit dans une toute petite ville du Montana, où le luxe n’a jamais dû s’installer. Son foyer se résume à un mobile home au toit fuyant, et à un père alcoolique qu’elle doit constamment aller chercher au bureau du shérif. L’ours du titre est loin d’être le père violent, alcoolique stéréotypé. Au fur et à mesure, on apprend qu’il est vétéran de guerre, suivi psychologiquement et souffrant de trouble de stress post-traumatique. Le spectateur ne saura jamais vraiment ce qui est arrivé à sa mère, mais Mickey détient une charge mentale conséquente, et se sépare en deux : une adolescente “normal”, avec son petit-ami Aron, ainsi qu’une femme au foyer, qui s’occupe aussi des médicaments de son père. Bientôt diplômée, une question va vite se poser. Peut-elle partir à l’université ? Peut-elle quitter son père, qui s’auto-détruit de plus en plus ? Peut-elle même en rêver sans culpabiliser ?
Se détacher, s’enfuir, sont des principes de l’émancipation. Il n’est jamais facile de quitter une situation que l’on connaît, aussi horrible soit-elle, pour se lancer dans l’inconnu. Il est là tout l’enjeu du film, qui loin d’être un énième récit dénonçant les inégalités et le peu d’opportunité pour une classe sociale abandonnée, nous montre l’éveil d’une jeune femme, qui se rend compte qu’elle détient beaucoup plus d’ambition et de rêve qu’elle veut le faire croire. La petite ville du Montana, en plus d’être pauvre, est gangrené par une masculinité qui laisse peu de place aux femmes. Aron, le petit-ami de Mickey ne lui demande jamais son avis, si son consentement pour un acte sexuel. Son père trouve normal qu’elle sacrifie son avenir pour son bien-être. Pourtant, elle demandera son indépendance avec calme et détermination, tranchant avec le trope de la femme émancipatrice en colère. Son salut prend la forme de Wyatt, un étudiant anglais qui ne ressemble en rien aux hommes qu’elle côtoie. Doux, ambitieux, il sait ce qu’il veut, tout en étant très respectueux des aspirations de la jeune fille. Une façon de faire le parallèle avec le caractère puéril et toxique de Aron et l'ambiguïté et la violence de son père.
Portrait d’une jeune femme en plein éveil, Mickey and the bear ne brille pas par son originalité, mais arrive à tirer son épingle du jeu grâce à un angle novateur : les premières victimes des laissés-pour-compte sont les femmes. Porté par Camila Morrone, la cinéaste porte à l’écran notre époque, où dans un récit intime, à la violence sourde, elle arrive à nous faire passer un message : le temps où les femmes subissaient en silence est révolu.
Laura Enjolvy