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[CRITIQUE] : Cunningham


Réalisatrice : Alla Kovgan
Acteurs : -
Distributeur : Sophie Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Allemand, Français, Américain
Durée : 1h33min

Synopsis :
Cunningham retrace l’évolution artistique du chorégraphe américain Merce Cunningham, de ses premières années comme danseur dans le New-York d’après-guerre, jusqu’à son émergence en tant que créateur visionnaire.
Tourné en 3D avec les derniers danseurs de la compagnie, le film reprend 14 des principaux ballets d’une carrière riche de 180 créations, sur une période de 70 ans.
Cunningham est un hommage puissant, à travers des archives inédites, à celui qui révolutionné la danse, ainsi qu’à ses nombreux collaborateurs, en particulier le plasticien Robert Rauschenberg et le musicien John Cage.



Critique :


Pina de Wim Wenders nous l’avait confirmé, la danse et le cinéma vont bien ensemble. La réalisatrice Alla Kovgan s’intéresse à la carrière d’un autre grand chorégraphe, qui a marqué le monde de la danse à l’instar de Pina Bausch, Merce Cunningham. Décédé à l’âge de 90 ans en 2009, il a laissé derrière lui plus de 180 chorégraphies, que sa compagnie essaye de faire vivre encore aujourd’hui. Cunningham n’est pas un documentaire exhaustif sur la vie du chorégraphe et ne s’intéresse qu’à une partie de sa vie, de 1942 à 1975, soit la création de sa compagnie, sa collaboration avec le compositeur John Cage, son compagnon dans la vie, l’affirmation de sa démarche artistique, la rencontre avec des danseuses qui le suivront.

(c)AchtungPanda-ArsamInternational_ChanceOperations

Un tunnel désert. Un danseur, statique répète des mouvements secs, tandis que la caméra s’approche de lui dans un ballet de travelling et de zoom. C’est Idyllic song, chorégraphié en 1944. C’est le parti pris de ce documentaire, tourné en pointillé à cause de l’emploi du temps des danseurs de la compagnie de Cunningham. Commencé en 2013, Alla Kavgan a été minutieuse dans sa recherche de décors, trouvant un lieu bien particulier pour chaque pièce. Un toit d’immeuble de New York, au cœur d’une forêt, une salle de concert ou à la lumière tamisée d’un grand espace industriel. Chaque décor apporte quelque chose à la danse, et la force de ces images travaillées réinvente le regard sur l’oeuvre du chorégraphe. La caméra virevolte, suit les danseurs ou s’éloigne et nous donne à voir la vision de Cunningham dans son ensemble.

(c)AchtungPanda-ArsamInternational_ChanceOperations

En parallèle, la réalisatrice nous montre des images d’archives, parfois inédites, un moyen didactique de comprendre l’intention du chorégraphe, sa façon de travailler, de voir la danse par ses yeux. « Je n’ai jamais été intéressé par la danse qui renvoie à un sentiment, ou en un sens, qui exprime la musique. La danse ne renvoie à rien, elle est ce qu’elle est : une expérience visuelle totale » nous dit-il dès le début. Une vision qui choquait le monde à l’époque, où la danse classique, véritable institution, dominait. La musique, la grâce, Cunningham s’en souciait peu. D’ailleurs son style pioche autant dans la danse classique, pour son magnifique jeu de jambe, qu’à la danse moderne, qui fait bouger le torse. Cet entre deux donne vie à la fois à de magnifiques levés de jambe, ainsi que des mouvements de bras secs et nerveux. Ses collaboratrices et danseuses parlent de lui comme un peintre : la danse en elle-même n’évoque rien, c’est le tableau, le produit fini dans son ensemble qui importe. De part ses images, Cunningham nous montre l’envers du chorégraphe, sa façon de travailler qui a aussi choqué le monde de la danse : il chronométrait ses danseurs pour trouver le rythme, sans musique, avant d’ajouter une musique, souvent expérimental et minimaliste composée par John Cage.

(c)-MkoMalkshasyan

Malheureusement, Cunningham prend au pied de la lettre la vision du chorégraphe, le documentaire montrant très peu d’émotion. Alternant images d’archives et chorégraphie, le produit fini en devient bancal. Mais il reste une bonne initiation à la danse de Merce Cunningham, qui a révolutionné le ballet et a chorégraphié des œuvres visuelles et modernes intemporelles.


Laura Enjolvy