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[CRITIQUE] : Pahokee, une jeunesse en américaine


Réalisateur.trice : Ivete Lucas et Patrick Bresnan
Avec : Na’Kerria Nelson, Jocabed Martinez, Junior Walker, BJ Crawford,...
Distributeur : Arizona Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h52min.


Synopsis :
À Pahokee, petite ville rurale du sud de la Floride, le lycée ne ressemble à aucun autre. Avec son équipe de football américain invincible, ses concours et son extravagant bal de fin d’année, il rallie toute la communauté. À l’approche de l’entrée à l’université, quatre adolescents vivent une année pleine d’espoirs et de grandes célébrations.



Critique :


Quand on nous dit Floride, Palm Beach, les premiers mots qui nous viennent c’est le soleil, les vacances, la mer, un lieu idyllique. Pourtant cette région des Etats-Unis connaît depuis plusieurs années des difficultés. Un taux de chômage élevé, des conditions climatiques désastreuses, de plus en plus de précarité, etc… Le comté de Palm Beach, Patrick Bresnan et Ivete Lucas le connaissent bien. Le co-réalisateur a grandi non loin de Pahokee, Ivete Lucas, d’origine brésilienne,y vit depuis son mariage avec Bresnan. Pahokee, une jeunesse américaine est un projet de longue haleine. Le couple  travaille avec le lycée de Pahokee depuis 2014. D’abord en tant que photographe du bal de promo, puis pour sept court-métrages qui suivent de près les jeunes adolescents qui composent cette ville, dont Skip Day présenté en 2018 à la Quinzaine des Réalisateurs. Ces expériences ont consolidé les relations qu’ils entretiennent avec les familles, ils sont passés donc facilement à l’exercice du long-métrage. Pahokee, une jeunesse américaine suit quatre adolescents durant leur dernière année de lycée. Une année cruciale pour ces jeunes, dont l’ambition de sortir de cette ville rurale, au taux de chômage élevé, est palpable. La ville de Pahokee détient une majorité d’afro-américain et de latinos, ce qui explique le peu de moyen mis en place par l’état pour cette partie du comté : les perspectives de travail sont limitées, les écoles sont peu financées et les conséquences de la ségrégation se font encore sentir. 

Nous suivons donc quatre jeunes : Na’Kerria, une cheerleader énergique et enthousiaste, Junior, papa d’une petite fille de un an, Jocabed qui travaille énormément pour obtenir une bourse et BJ, co-capitaine de l’équipe de football américain du lycée. Il est frappant de constater que tout ce qui nous semble kitch et “too much” dans les teen-movie existent dans la réalité. La dernière année de lycée est donc une suite de célébration en grande pompe : vote de miss, bal de promo, match inter-lycée de football, remise des diplômes, etc… Tout est prétexte à l'exubérance, comme le prouve ces énormes pancartes que portent les garçons pour demander à leurs petites-amies de les accompagner au bal. Mais ces événements illuminent Pahokee, qui vibre au rythme du sport et des paillettes de bal. Et il n’y pas que les ados qui vivent tout cela, mais aussi les parents, peut-être encore plus vivement, pour exprimer leur fierté. Beaucoup de parents travaillent énormément pour pouvoir payer les frais onéreux des universités. Les matches sont la seule distraction de Pahokee, où il n’existe même pas un cinéma. Le lycée n’est pas donc pas qu’un lieu d’apprentissage, mais aussi de rassemblement et de partage. Chacun peut briller à sa façon, et s’assumer pleinement. Mais le monde ne leur fera pas de cadeau. Nos ados s’en aperçoivent dès l’inscription à l’université, où les plus prestigieuses leur sont presque interdites. Quand Na’Kerria se fraye un chemin vers le stand de Harvard, pendant une sorte de salon des universités, une de ses amies lui dit que cela ne sert à rien. On peut rêver, mais certains rêves restent inatteignables pour eux. Cette pression de la méritocratie, ils la vivent au quotidien. Deux choix s’offrent à eux, rester à Pahokee, ou partir. Mais pour partir, il faut une bourse. Ou une admission. Un plan d’attaque. Une maîtrise totale. Paradoxalement, Bresnan et Lucas ne filment que ce qui ne se maîtrisent pas : des élections, une défaite sportive pour des raisons un peu arbitraire, une fusillade soudaine dans un jardin d’enfant,...
Lucas et Bresnan ont fait le choix de n’utiliser aucune interviews, ni voix-off, avec un montage chronologique, ce qui évite le portrait trop didactique. Sans jugement, ni misérabilisme, Ivete Lucas et Patrick Bresnan laissent toute la place aux ados pour s’exprimer : doute, joie, résignation, … Rien n’est mis de côté de la caméra, pourtant on sent un immense respect de la part du réalisateur et réalisatrice pour leur sujet. “Nous avons dû créer un équilibre entre notre rôle de cinéastes et celui de soutien à la disposition des protagonistes en dehors du tournage. Nous ressentions un grand sens des responsabilités en tant qu’adultes, autres que celui des parents. Nous avons toujours gardé à l’esprit que leurs vies et leurs avenirs étaient plus importants que notre film”. Le couple filme Pahokee et ses habitants avec beaucoup d’optimisme et d’enthousiasme, malgré la réalité difficile. 


C’est le défaut qu’on peut pointer, le fait de vouloir à tout prix filmer le bon côté de la ville et d’oublier le côté plus "rasoir" d’une école. Le film s’intéresse à ce qui fait briller ses habitants, oubliant de filmer ce qui est le plus important au lycée : les cours.
Le mythe américain de la méritocratie en prend un coup dans Pahokee, une jeunesse américaine. Dans une ville marécageuse, où tout semble gris et terne, la jeunesse, elle, resplendit. Malgré le peu de privilèges qui leur sont attribués, ces ados vibrent, comme un seul corps, d’espoir et de rêve.


Laura Enjolvy



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