Breaking News

[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #10. The Hunger

Copyright Droits réservés

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 ! 



#10. Les Prédateurs de Tony Scott (1983)

Il y a quelque chose d'infiniment triste dans l'idée de se replonger dans la filmographie bien plus vaste et imposante qu'elle n'en a l'air, du regretté Tony Scott, orfèvre du septième art burné mué autant par un amour du cinéma qui envoie que par la nécessité de s'enfermer un brin dans une production commerciale pour s'épargner des échecs cuisants et souvent immerités; problèmes qu'à un temps connu son illustre frère aîné Ridley, après un démarrage en trombe entre la fin des 70's et le milieu des 80's.
Il y a quelque chose d'infiniment triste donc, mais aussi de profondément grisant tant nombreux de ses essais se révèlent être de vrais beaux moments de cinéma, et encore plus ceux plus méconnus comme Revenge mais surtout Les Prédateurs, le plus " Ridley " des films de Tony, tant toute cette adaptation du roman de Whitney Strieber, transpire la révérence à peine masquée au chef-d'oeuvre Blade Runner, sorti un an plus tôt que lui.

Copyright Droits réservés

Comme si sir Ridley avait influencé, adoubé les premiers pas de son propre frangin dans une oeuvre où les personnages sont des êtres refusant leur condition inhumaine, une oeuvre où l'atmosphère visuelle importe au moins autant qu'une histoire férocement ancrée dans son époque, dont la portée de sa thématique cite aussi bien le présent que le futur avec une lucidité incroyable.
Se délestant de toute l'essence fantastique du mythe vampirique pour lui préférer une approche plus moderne et scientifique, The Hunger - titre en V.O. bien plus adéquat pour parler suceur de sang - montre l'éternité comme une maladie qui nous pourrit inéluctablement, une quête effrénée pour la jeunesse et la vigueur d'une vie pourtant révolu, et que l'on poursuit pourtant jusqu'au dernier souffle, mué par la peur de ne plus jamais la retrouver et la laisser se faire dévorer par une vieillesse puissante et assoiffée.
Une quête perdue d'avance dans les rues d'une ville qui ne meurt supposément jamais - New York -, et donc éternelle, incarnée par John (David Bowie, jumeau charismatique du Roy Batty campé par Rutger Hauer), héros maudit autant pour avoir goûté au fruit défendu (on peut clairement voir le vampirisme comme un parallèle troublant du sida, lui aussi étreint par la mort et le résultat d'une consommation de la chair) que pour avoir cru en l'amour d'une prédatrice manipulant le mensonge avec plus d'habilité que lui (Catherine Deneuve, élégante et glaciale).

Copyright Droits réservés

Chasser la jeunesse par le sang est un leurre tant se nourrir de son prochain ne fait que nous propulser dans notre propre et implacable fatalité, croire en l'amour l'est tout autant tant il n'est pas aussi éternel que la souffrance et la solitude (aimer c'est se détruire, même quand le temps n'est plus temps); une vérité que ne renierait pas le tout aussi maudit Dracula de Bram Stoker.
Diamant noir hypnotique, symbolique, nihiliste et inquiétée, véritable peinture de maître gothique et sensuelle sur une éternité qui s'épuise, s'ennuie de sa propre beauté et de son égoïsme cruel, Les Prédateurs est une oeuvre sophistiquée, spectrale dont les images - parfois choquante - hantent autant que la musique obsédante de Michel Rubini.
Notre génération a eu ce petit bijou et le Dracula de Coppola, les suivantes ont eu Twilight... mauvais timing, pas vrai ?


Jonathan Chevrier