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[CRITIQUE] : La French

 
 
Réalisateur : Cédric Jimenez
Acteurs : Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Mélanie Doutey, Céline Sallette, Benoit Magimel, Guillaume Gouix,...
Distributeur : Gaumont Distribution
Budget : 26 000 000 €
Genre : Drame, Policier.
Nationalité :  Français.
Durée : 2h15min.

Synopsis :
Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes.


Critique :
Force est d'admettre que depuis quelques mois, si la comédie hexagonal se porte étonnement bien, le polar made in France se paye lui aussi, une belle cure de jouvence.

Zulu, Mea Culpa et De Guerre Lasse, les cinéastes français musclent leurs jeux pour mieux concurrencer les péloches venues du froid et d'outre-Atlantique, ou encore pour faire oublier un genre complétement enfermé par sa Marchalisation depuis près d'une décennie maintenant (de l'efficace 36, Quai des Orfèvres au très palot MR73, sans oublier le moyen Gangsters et la série Braquo, pour ne citer qu'eux), et c'est franchement loin de nous déplaire.

D’où notre furieuse impatience de voir débouler dans les salles obscures le nouveau long porté par Jean Dujardin et Gilles Lellouche, La French, gros morceau de pellicules de cette fin d'année librement inspiré de la tragique destinée du Juge Michel, dont la disparition au milieu des années 70 sonna clairement comme la première étape de la chute des trafics de la cité phocéenne et de son réseau de filières liées à la drogue à travers le monde : la French Connection.


Ou un putain de gros pari dans lequel se sont lancés les deux bonhommes, en voulant s'attaquer de nouveau à la fascinante et implacable histoire du plus grand réseau criminelle marseillais, surtout que le film éponyme de l'immense William Friedkin, même quarante ans plus tard, reste une référence ultime sur le sujet, et même dans l'histoire du cinéma.

Mais très bien entouré pour l'occasion (Benoit Magimel, Céline Salette, Mélanie Doutey, Bruno Todeschini), et mis en scène par un cinéaste prometteur, Cédric Jimenez (l'efficace Aux Yeux de Tous), nous étions en droit de nous attendre - au minimum - à un habile et entrainant exercice de style, surtout que les bandes annonces, follement immersives, laissaient présager un duel à distance tendu dans une ambiance purement seventies...

La French donc ou l'histoire, en 1975, de Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge du grand banditisme dans une cité phocéenne gangrénée par un réseau de trafiquants d'héroïne, nommé la French Connection.
Une organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier, et à laquelle le juge ne va pas tarder à s'attaquer.

N’écoutant aucune mise en garde, il part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain réputé intouchable.
Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il va devoir changer ses méthodes...


Intelligemment avec son second long métrage, Cédric Jimenez ne se hasarde pas une seule seconde à plonger tête baissé dans l'affrontement perdu d'avance avec le French Connection de William Friedkin.

Outre une volonté commune de retranscrire avec une grande authenticité le milieu de la pègre marseillaise, et une certaine ambition de vouloir faire renaitre l'essence même des grands polars des 70's - à l'instar des deux Mesrine de Jean-François Richet -, la comparaison entre les deux films, en dehors de son sujet, s'arrêtent ici.

En effet, La French s'évertue d'offrir un point de vue alternatif que celui offert dans le chef d’œuvre du papa de l'Exorciste, celui-ci n'étant cette fois point centré sur les inspecteurs américains mais bel et bien sur les actions du gouvernement français pour démanteler ce réseau, actions relayés - et même personnifiés - par le tragiquement célèbre magistrat français, une figure juridique aussi héroïque qu'incorruptible dans sa lutte obsessionnelle contre l'une des icônes du grand banditisme local, Gaëtan Zampa.

Étalé sur plus de dix ans, entre filatures, perquisitions, écoutes téléphoniques et coups bas diverses, au sein d'une intrigue collant au plus près des faits et nuancée, tendant à montrer aussi bien en profondeur le milieu judiciaire que celui du grand banditisme et ces notions de confiance et de respect; Cédric Jimenez centre son film sur ses personnages et dresse un portrait intime, humain, ni trop blanc ni trop noir (le gouvernement/police corrompu contre l'aspect famille des mafieux) de ces hommes à l'affrontement éloignée et qui ont leur propre conception d'un monde meilleur.


A l'instar d'un certain James Gray, Jimenez cherche à rendre hommage avec son film, aux grandes fresques criminelles de l'âge d'or du Nouvel Hollywood, aux douces saveurs Scorcesienne (les Affranchis et Casino en tête) et Leonienne (Il était une Fois en Amérique, une évidence), tout en louchant allégrement sur le cultissime Heat de l'immense Michael Mann (difficile de ne pas voir en l'affrontement Lellouche/Dujardin, un ersatz de celui purement génial entre Pacino et De Niro) et les plus beaux polars hexagonaux d'antan.

Une intention louable - quoique un peu naïve - et culotté dans le septième art hexagonal puisque que le métrage ne cache jamais ses rêves de grandeurs Hollywoodiennes, il est cependant très (trop ?) vite évident que le cinéaste n'a décemment pas le coffre et la maturité pour assumer un aussi lourd héritage cinématographique, comme ce fut le cas il y a peu avec le pourtant efficace Blood Ties de Guillaume Canet, trop écrasé par ses multiples références.

Si La French joue avec application des codes du film de gangsters, à coups de dialogues finement écrits, de personnages féminins volontairement en retrait et de scènes d'actions aussi rares que radicales, il tombe pourtant lourdement dans tous ses pièges dans le traitement d'une histoire au rythme lancinant qui aurait mérité qu'on lui taille un peu de bout de gras, s'encombrant même de quelques clichés et d'un dramatisme étouffant - surtout dans son final -, et d'une conclusion tellement abrupte qu'elle laissera plus d'un spectateur sur sa faim.

Heureusement, la mise en scène elle, est du rendez-vous, entre un montage dynamique (trop parfois, tant certaines scènes en mode " shaky cam " sont illisibles) et inspiré (les effets de zoom typiquement 70's, le choix judicieux de tourner le film en 35mm) et une ambiance joliment tendue et vintage.
Mieux, La French est foutrement pertinent dans sa reconstitution rétro et soignée de son Marseille (la ville est un véritable personnage central du film) des années 70, jusque dans sa bande son et sa sublime photo rétro.


Côté interprétations, l'impressionnant duo Lellouche/Dujardin est au plus grand de son art, respectivement dans les peaux de Zampa et Michel.

Impliqués, tout en émotion et en maturité, ne tombant jamais dans le piège de la caricature ni de l’imitation (encore une fois Pacino et De Niro dans Heat), les deux meilleurs amis jouissent de personnages au traitement scénaristique complexe et remarquable tant le script de Jimenez ne cherche jamais à les réduire qu'au simple statut de héros et de méchant (ils sont tous les deux des pères de familles aimants), deux hommes aux convictions, aux caractères et aux principes presque identiques, dont la véritable différence est leur appartenance aux deux côtés de la loi.

Leurs deux confrontations directes sont d'ailleurs des sommets d'intensité.

A leurs côtés, on retrouve également un Benoit Magimel toute en rage contenue dans la peau d'un des bras droits de Zampa, et les sublimes Céline Sallette et Mélanie Doutey, parfaites et convaincantes dans les rôles des deux fortes compagnes des héros.


Pas dénué de défauts, un peu fourre-tout tout en étant à la fois passionnant, solide et cohérent dans son ensemble, sombre et stylisé, La French est un divertissement populaire et efficace doublé d'un vibrant hommage à une figure judiciaire héroïque et même à tout un pan du cinéma noir.

Une péloche qui apporte une nouvelle preuve - si besoin était - que le cinéma français sait finalement toujours bien produire ces polars noir, mais surtout qu'il ne s'est jamais aussi bien porté que durant le dernier tiers de cette année 2014...


Jonathan Chevrier


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