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[CRITIQUE] : Secret d’État


Réalisateur : Michael Cuesta
Acteurs : Jeremy Renner, Andy Garcia, Rosemarie Dewitt, Ray Liotta, Barry Pepper, Michael Kenneth Williams, Oliver Platt, Michael Sheen, Mary Elizabeth Winstead, Tim Blake Nelson,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : 5 000 000 $
Genre : Thriller, Drame, Biopic.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h52min.

Synopsis :
Une vérité incroyable se dessine : les rebelles du Nicaragua travailleraient directement avec la CIA pour introduire de la cocaïne aux Etats-Unis et l’argent résultant de ce trafic servirait à armer les milices des Contras que veulent soutenir les Etats-Unis. Pour faire exploser la vérité, Webb prend tous les risques et se rend au Nicaragua afin de soutirer des informations essentielles au baron de la drogue Norwin Meneses. Il écrit bientôt une série d’articles qui secoue l’Amérique tout entière…
Webb devient alors une cible pour les journalistes rivaux mais aussi pour les responsables du trafic : un véritable complot se trame contre lui…


Critique :

Qu'on se le dise, si il a un certain talent pour camper les héros de blockbusters burnés, l'excellent Jeremy Renner n'est pourtant jamais aussi bon que lorsqu'il met tout son talent au service de rôles plus intimes et fouillés.

Pour preuve ses deux nominations aux oscars pour Démineurs (meilleur acteur) et The Town (meilleur acteur dans un second rôle).

Plus impliqué que jamais - il est acteur et producteur ici -, entre deux aventures avec les Avengers et la team Mission : Impossible, le voilà de retour cette semaine dans nos salles obscures avec le thriller politique et social mucho calor Kill The Messenger - bien meilleur titre - aka Secret d’État de Michael Cuesta (le merveilleux 12 and Holding).


Très chaud puisqu'il revient sur l'histoire vraie du journaliste d'investigation Gary Webb (le film est d'ailleurs adapté de son propre bouquin), qui a voulu dénoncer le financement de la guerre au Nicaragua par un trafic de drogue géré par la CIA, et qui, en 2004, a été retrouvé mort de deux balles dans la tête et dont le décès fut attribué à un suicide.

Un projet grave purement tendu mais surtout très alléchant tant la péloche semble s'inscrire dans la droite lignée des grands films Hollywoodien épousant le point de vue la presse écrite (Les Hommes du Président en tête), contre-pouvoir imposant dans la société d'aujourd'hui, dont la défense est presque une tradition dans l'histoire du cinéma ricain.

Secret d’État donc, ou l'histoire, en plein dans les années 90, du journaliste d'investigation Gary Webb qui, suite à un article écrit sur la saisie de la propriété de dealers présumés par le gouvernement américain, va attirer l'attention d'une femme de dealer qui va le mettre sur la piste d'une affaire encore plus importante.

En effet, grâce aux informations confidentielles qu'elle va lui donner, il va vite découvrir l'implication de la CIA au cours des 80's, dans l'organisation d'un trafic de cocaïne visant à financer les Contras au Nicaragua, ou un groupe de rebelle luttant contre le pouvoir en place et que les États-Unis veulent soutenir.
Porté par son instinct professionnel, le bonhomme va fourrer son nez partout et très vite déranger son monde.


Par le biais du jugement d'un petit dealer, Webb va littéralement remettre en cause la sincérité de l’État Américain aux yeux du monde et de son propre peuple, à coups d'articles dévastateurs prouvant que la CIA a bel et bien les mains méchamment sales.

Le hic, c'est que si il a sacrément les corones de vouloir s'attaquer tout seul à une institution aussi imposante, le Webb va très vite gouter à la riposte impitoyable d'une CIA qui se lancera dans une campagne de dénigrement visant à le discrédité, mais surtout à le plonger dans une paranoïa aussi puissante que justifiée.

Le prix à payer pour vouloir continuer à tout prix de divulguer une histoire trop véridique pour être racontée...

Pilier de la démocratie et de la liberté d'expression, la presse écrite est une force tout aussi puissante que fragile, surtout quand elle s'entête à révéler une vérité qui dérange et que son dénonciateur est seul à la divulguer.
Si Webb disait vraie tout du long, le fait est qu'il soit seul à soutenir cette vérité aura été du pain bénit pour une organisation importante et collective (la CIA) de totalement le discréditer aussi bien aux yeux de ses collègues qu'à ceux de son propre pays.


Vaut-il mieux alors quand on est journaliste, continuer à garder secret la politique gangrenée de son pays pour le bien de son existence et de ceux qu'on aime ?

Cette question, en filigrane durant les deux heures de métrage, Michael Cuesta va y répondre de toutes les manières possibles, dénonçant avec malice les rouages de la démocratie américaine dans les années 80, entre les politiques anti-drogues hypocrites des présidents Reagan et Nixon, officiellement bien intentionnées alors qu'en parallèle, l'économie du pays se nourrit jusqu'à plus faim de la circulation à grande échelle des diverses drogues en son sein.

Intelligemment, le film apporte un point de vue distant de cette affaire en se situant dix ans plus tard, dans les années 90, époque ou l’Amérique avait (un peu comme aujourd'hui) une confiance aveugle en son gouvernement.
Une confiance telle que deux ans à peine après la divulgation des articles, plus personne ne se souciera que la CIA reconnaisse (enfin) les faits...

Kill The Messenger ou une dénonciation politico-américaine qui fait méchamment froid dans le dos doublé d'un questionnement troublant sur le métier de journaliste/reporter - pourris par la jalousie et le manque de solidarité -, sous fond du descente aux enfers stressante et fascinante d'un reporter constamment mis au premier plan jusque dans sa terrible chute.
Mieux, le Cuesta a convoqué une pléthore de talents dont le nombre frise décemment avec l'indécence du bon gout.


Outre un Jeremy Renner totalement habité et exceptionnel dans la peau d'un journaliste aussi intransigeant que déterminé, on retrouve dans Secret d’État Andy Garcia (parfait), Rosemarie Dewitt (convaincante), Ray Liotta, Barry Pepper (toujours impeccable), Michael Kenneth Williams (toujours impeccable bis), Oliver Platt, Michael Sheen, la belle Mary Elizabeth Winstead ou encore Tim Blake Nelson.
Pas un casting de manchot donc, solide et totalement voué à la cause d'un métrage foutrement bien documenté, inspiré, percutant et grave, mis en scène avec rigueur et retenue.

Tant pis alors si la conclusion de l'enquête se retrouve relégué au générique de fin, et que quelques baisses de régime se font ressentir sur la durée, surtout dans sa seconde moitié qui lorgne un peu trop sur le mélodrame familial (l'intimité de Webb pour le rendre plus empathique casse considérablement le rythme soutenu de la péloche) et qui peine clairement à atteindre l'aura furieusement captivante et haletante d'une première partie sous fond d'enquête proprement passionnante; le film de Michael Cuesta est un excellent exercice de style, une œuvre aussi fiévreuse que nécessaire.

Une péloche ambitieuse et exigeante qui incarne aisément l'une des séances les plus essentielles de cette fin (et très riche) d'année 2014.


Jonathan Chevrier


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