[CRITIQUE] : La Vie D'Adèle - Chapitre 1 & 2
Réalisateur : Abdellatif Kechiche
Acteurs : Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos, Salim Kechiouche, Jérémie Laheurte,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Comédie dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 2h59min.
Synopsis :
À 15 ans, Adèle ne se pose pas de question : une fille, ça sort avec des garçons. Sa vie bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir le désir et lui permettra de s’affirmer en tant que femme et adulte. Face au regard des autres Adèle grandit, se cherche, se perd, se trouve...
Critique :
Qu'on se le dise, une Palme d'or se doit de toujours faire le buzz, même à son insu.
Que ce soit en bien ou en mal, ça bien sur, cela dépend du dit film récompensé mais dans la généralité, les œuvres palmées ne passent que très rarement inaperçues.
La Vie D'Adèle, adaptation plus ou moins libre de la bande dessinée " Le Bleu est une Couleur Chaude " de Julia Maroh, n'aura pas dérogé à cette règle, faisant autant parler d'elle pour sa production mouvementée que pour son statut franchement unique dans l'univers du septième art hexagonal.
Parce qu'il faut admettre, l'itinéraire amoureux de deux lesbiennes qui bouffent autant la vie que la passion vibrante qui les unis, ce n'est pas tous les jours que l'on a ce genre de péloches en salles, et encore moins couchées sur trois heures de bobines.
En suivant le destin ordinaire de la jeune et candide Adèle, de son adolescence et sa découverte de la vie, à son épanouissement sentimental grâce à sa relation bouillante qu'elle partage avec la belle Emma, Abdellatif Kechiche accouche tout simplement d'une claque cinématographique magistrale, ou l'outil parfait pour qu'il développe avec justesse deux des qualités qui sont chères à son cinéma : son incroyable talent de conteur et son habileté sans pareille, pour dépeindre avec pudeur et simplicité, la normalité du quotidien, le tout dans une réalisation frisant avec le documentaire.
Si il est vrai que, parfois, son style peut paraître un chouïa répétitif, (trop) intellectuel - ce qui est le cas ici, avec l'évolution d'Adèle lourdement explicité via le prisme de références littéraire appuyées -, et bourré de scènes franchement inutiles (certaines scènes du film sont affreusement banales, là encore), force est d'admettre qu'à la différence de son L'Esquive ou La Graine et le Mullet, son La Vie D'Adèle tient la route de bout en bout, réussissant même la prouesse de faire passer ses trois heures à une allure folle.
D'une fluidité narrative démente et impressionnante - à coups d’ellipses et d'enjeux dramatiques maitrisées et bien sentis -, ajouté à une spontanéité dans les dialogues salvatrices, le film se suit sans temps mort et avec un emballement non-feint, à la vitesse d'un cœur amoureux.
Mais si cette histoire d'amour touche autant, si elle dénote autant avec tout ce que l'on a pu voir cette année - voir même jusqu'à aujourd'hui -, c'est parce que celle-ci déborde de réalité, et nous confronte constamment à nos propres histoires d'amours.
Loin d'être, comme redouté, une ode vulgaire à l'homosexualité féminine (si ceci pouvait déjà incarner, un sujet en soi), la bande est une formidable et vibrante love story aussi tendre et poétique que douloureusement cruelle et réaliste.
Chaque regard, chaque sourire, chaque baiser dégueule de vie et de passion, instants sublimes que Kechiche, avec une infinie justesse et un profond respect - tout en s'évertuant de ne jamais être " catégorisé " cet amour fusionnel entre deux êtres du même sexe -, embellit via une mise en scène toujours inspirée.
Bouleversant, moqueur (jolie idée de critiquer le fantasme de l'homme hétéro pour les lesbiennes), authentique, charnelle (les scènes de sexe, pas toujours toutes justifiées, sont tellement intimes que l'on a l'impression d'être de trop derrière son écran) et assez cul (la première baise, la moins " mécanique " d'ailleurs, est proprement hallucinante, elle frôle les dix minutes et est presque montrée dans son intégralité), cet amour sans concession - comme la vie, il n'est pas toujours rose , ne serait pourtant rien sans ses deux interprètes titres, impliquées corps et âmes.
Habitées, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux y sont aussi éblouissantes qu'attachantes, dans des rôles pourtant (très) loin d'être évident.
Ouragan passionnel au réalisme épatant, au dernier acte déchirant (ou comment le monde se doit de continuer à tourner même après une douloureuse rupture), pétrie de qualités malgré quelques petits défauts marquants (répétitifs et trop analytique, le métrage pâtit également de personnages secondaires assez caricaturaux), La Vie D'Adèle est tout simplement une expérience de cinéma unique, qui fait constamment mouche pour tout spectateur qui se laisse aveuglement toucher par la force et la détermination de sa fascinante histoire.
Poétique, mélancolique et étonnant de simplicité, il est indiscutablement une Palme d'or mérité, qui dynamite un cinéma hexagonal 2013 qui en avait franchement besoin.
Rare sont les films français - excepté Grand Central, déjà avec Léa Seydoux -, à avoir autant brûlé de l'intérieur, ma fibre cinéphile cette année.
Merci Mr Kechiche, et vivement la suite donc...
Jonathan Chevrier