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[CRITIQUE] : Shiva Baby

Réalisatrice : Emma Seligman
Acteurs : Rachel Sennott, Molly Gordon, Dianna Agron, Dani Deferrari,...
Distributeur : Mubi France
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h17min.

Synopsis :
Danielle est en terminale et entretient une relation sexuelle tarifée avec Max, un homme marié. Aujourd’hui, elle doit rejoindre ses parents névrosés afin de participer à une Shiva, un rituel juif qui est accompli après la mort d’un proche. À son arrivée, son attitude désinvolte et son désintérêt pour les études supérieures lui valent des remarques désobligeantes de la part de certains membres de sa famille. Cette journée particulière prend une tournure inattendue lorsque Max fait son apparition avec sa femme et leur bébé pleurnicheur…




Critique :


Oubliez le pourtant réussi Oxygène d'Alexandre Aja - disponible depuis quelques semaines maintenant sur Netflix -, le brillant premier long-métrage d'Emma Seligman, Shiva Baby (une extension du court-métrage éponyme de la même cinéaste), qui débarque exclusivement sur la plateforme Mubi, postule aisément pour incarner l'expérience cinématographique la plus anxiogène et claustrophobe de l'année; une de ses séances qui vous donne savoureusement des frissons dans tout le corps, ou chaque parcelle de la pellicule est soit horriblement inconfortable, soit sombrement amusant et terriblement familier.
Le film suit les aléas de Danielle, une jeune étudiante juive bisexuelle qui doit faire beaucoup de gymnastique mentale pour ne pas que le château de cartes plein de mensonges qui lui sert de vie, ne s'effondre dramatiquement.
Quand elle dit à ses parents qu'elle fait du baby-sitting, en réalité, elle rend visite à Max, son sugar daddy.
Si elle fait semblant d'avoir des entretiens d'embauche en vue pour rassasier les personnes qui la jugent autour d'elle, elle n'est simplement qu'une étudiante en passe d'avoir son diplôme, mais qui n'a aucune perspective d'emploi en vue, ni aucun intérêt pour les études supérieures ou une quelconque faculté de droit.

Copyright Mubi

Si elle répond avec plus ou moins d'honnêteté sur des questions sur sa sexualité et sur le moment où elle trouvera enfin un gentil petit ami juif, elle a finalement toujours des sentiments pour son ex-petite amie Maya.
Mais tous ces mensonges atteignent leur paroxysme à la shiva a laquelle elle se rend avec ses parents, où elle rencontre de manière inattendue Max, sa femme et leur nouveau-né, mais aussi Maya, qu'elle essaye désespérément d'ignorer, elle et ses projets d'avenir qui semblent ravir toutes les personnes présentes...
En offrant une version plus foisonnante et complexe à son court-métrage (elle ne fait que germer toutes les idées déjà brillamment implantées sur sept petites minutes), Emma Seligman ne dépasse certes pas les murs de sa maison exiguë, mais y entasse sagement plus de gens tout en embrassant une tension grimpant crescendo); soixante-dix-sept minutes minutieusement rythmées ou une auto-tromperie qui n'a pas la résilience nécessaire pour résister à une journée d'épreuve intense, passe d'une conversation gênante à une autre jusqu'à un épuisement émotionnellement rare et, étrangement, férocement grisant... surtout pour nous.
Mise en exergue rafraîchissante des codes du cinéma horrifique (oui), avec une intrigue se déroulant essentiellement en temps réel, ne laissant d'autre choix à son auditoire que de se laisser emporter dans la tourmente de Danielle et de douloureusement ressentir son anxiété; le film repousse les limites de la mauvaise fortune ou chaque minute ne fait qu'ajouter une nouvelle complication dans l'équation, une nouvelle question à laquelle Danielle ne veut pas répondre, une nouvelle personne à qui elle ne veut pas parler, tout en sachant pertinemment quelle ne peut pas s'échapper; le tout emballé par une partition lourde d'Ariel Marx et une photographie flottante et légèrement déformée (toujours au plus près des corps) de Maria Rusche.

Copyright Mubi

Réellement accessible même s'il est axé sur une identité culturelle particulière, entre le Lady Bird de Greta Gerwig et les cinémas des frangins Coen et du roi Cassavetes, fort d'un script magistral dans la construction de moments de sombre familiarité au cours de scènes où l'énergie nerveuse et abrasive de Rachel Sennott (juste éblouissante, elle a tout de la next big thing du cinéma ricain) est parfaitement canalisée; Shiva Baby est un pur volcan en constante irruption sur un tout petit peu moins d'une heure vingt, un portrait de jeune femme immature mais surtout maladroite - symbole d'une génération de millenials sans véritables buts -, dont l'attitude défensive et les mensonges ne sont que le fruit de son désir d'être prise au sérieux, par des adultes déterminés à ne la voir que comme une enfant.
Jonglant sur le fil tenu de la moquerie douce et de l'empathie profonde au coeur d'une situation terrible (on peut aussi le voir comme une farce pleine d'esprit et ironique sur la vie de la petite bourgeoisie US), extrêmement intelligent et conscient, le film une comédie noire qui non seulement est à la hauteur de son insolence affiche - qui au fond, annonce plus que la couleur de la séance -, mais surtout de son imposante réputation de bête de festivals.
On appelle ça un put*** de premier long-métrage.


Jonathan Chevrier



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