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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #89. Ghost

Copyright Paramount Pictures

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !




#89. Ghost de Jerry Zucker (1990)

Personne ne pourra nier que depuis le décès brutal du regretté Patrick Swayze en 2009, la vision du cultissime Ghost, plus que toute autre péloche de sa filmographie fragile mais précieuse, possède une aura encore plus triste et mystique.
Fantasme tragi-comique férocement efficace, dont l'aspect Spielbergien ne cesse de devenir de plus en plus visible après trois décennies, le film du tandem Jerry Zucker (la caméra)/ Bruce Joel Rubin (la plume) réussit la prouesse d'être une comédie romantico-fantastique mortellement (pardon) efficace, qui arrive à traiter avec autant de sérieux que d'humour, du thème hautement délicat de la gestion du deuil; ici transcendé par un regard sur les deux camps concernés - la victime et ses proches.
Démarrant comme une romance à l'eau de rose délicate, ou un jeune banquier bosseur Sam Wheat, et sa compagne artiste Molly, sont en plein emménagement dans un loft bohème qui est censé être le cocon parfait pour leur vie commune; pour preuve la fameuse scène ou Molly façonne sensuellement l'argile alors que Sam l'embrasse par derrière, sous la mélodie déchaînée des Righteous Brothers jouée sur un juke-box.

Copyright Paramount Pictures


Tout semble si délicieusement innocent et romantique qu'il fallait bien un drame, pour justifier la simplicité de son titre : un soir, après une représentation de Macbeth - loin d'être un hasard -, Sam et Molly sont agressés, et pour défendre sa belle, Sam y laisse la vie.
Sauf que... cette agression n'a rien d'un fruit du hasard, mais bien un plan bien crasseux de son BFF et collègue Carl, qui tente de mettre la main sur le pactole mis à gauche par Sam (la scène de la découverte du pot aux roses, est l'une des plus réussites du film).
Invisible aux yeux de tous, le bonhomme n'a d'autre choix pour l'arrêter et protéger Molly, que de demander de l'aide l'arnaqueuse et diseuse de bonne aventure Oda Mae Brown, qui alpague des parents en deuil depuis des années et découvre enfin grâce à lui, qu'elle a effectivement reçu le don voyance...
D'une puissance thématique souvent inconsciente - mais bien réelle -, muée par une vision de l'au-delà ironico-naïve dans son fond (gentil : paradis, vilain : enfer), mais réellement étonnante dans sa mise en images (et même terrifiante, avec l'arrivée des démons gueulards); Ghost, love-story passionnée et tué dans l'oeuf de manière frustrante, entre un fantôme mué par une rage protectrice impuissante, et une vivante désespérée par son absence, est avant tout et surtout une oeuvre sérieuse sur le deuil et la mort, aux relans horrifiques discrets et subtiles (persceptible dès son ouverture).
Terrifiantes, les expériences vécues par Sam dans l'autre-monde, alternent entre visions cauchemardesque (il croise tout d'abord le cadavre de Molly et non le sien), frustration insondable (son impossibilité à éteindre l'amour de sa vie, ou même au départ, à circuler librement) et solitude déchirante (jamais les autres êtres persistants sur Terre, semblent former une communauté solidaire et soudée), mais surtout dans l'apprentissage à la dure d'un univers qui, fondu dans le notre sans réellement en faire pleinement parti, est régi par des règles qui ne font qu'accentuer le tourment de ceux qui s'y trouvent bloqués.

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Que ce soit par un reportage télévisé à peine regardé (sur un crash d'avion tragique), une représentation théâtrale prémonitoire - Macbeth -, ses actions irréfléchies (sa mise en danger lors de l'emménagement, le fait qu'il fonce tête baissée lors de l'agression mortelle) ou même un aveu jamais complet de ses sentiments pour sa moitié (qui le demande en mariage sans qu'il ne lui réponde, juste avant son assassinat, comme s'il se sentait déjà piegé par son destin), la mort entoure Sam de manière subtile, comme si elle n'avait de cesse de lui rappeler qu'elle allait venir l'emporter à tout moment; accentuant dès lors sa détresse quand elle le fait réellement.
De quoi sombrer dans la folie, ce qu'il ne fera jamais (à la différence du fantôme schizo du métro, limite paranoïaque dans sa détermination meurtrière à expulser tous les intrus dans son métro), même si cette dite folie se retrouvera dans une romance " à 3 ", via la complicité tendre - et nimbée d'un scepticisme impatient - d'Oda Mae, dans une séquence qui aurait très bien pu paraître malaisante et glauque ailleurs.
Mais Zucker, aidé par un script en béton et un casting au diapason, enveloppe suffisamment son histoire dans une atmosphère inhabituellement charmante (accentuée par la bande originale douce et enivrante de Maurice Jarre), pour éviter tous les écueils faciles, et faire de Ghost un petit miracle sur pellicule, transformant de l'or en une romance éternelle gravée dans le marbre du septième art.
Et oui, trente ans tout rond après sa sortie dans les salles obscures, il n'a toujours rien perdu de sa superbe.


Jonathan Chevrier