[CRITIQUE] : The Way Back
Réalisateur : Gavin O'Connor
Avec : Ben Affleck, Al Madrigal, Janina Gavankar,...
Distributeur : - (Warner Bros. France ?)
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h50min.
Synopsis :
Une star du basketball a perdu sa femme et sa famille à cause de son addiction. Il a l'espoir de trouver sa salvation en devenant le coach d'une équipe de basketball d'un lycée qui ne compte aucune victoire à son actif.
Critique :
Sublime portrait d'un homme au bord du gouffre, construit comme un voyage rédempteur grisant, ciblé et profondément américain - dans le bon sens du terme -, #TheWayBack se démarque autant par sa justesse que par son honnêteté à toute épreuve, véhiculée par un Ben Affleck habité. pic.twitter.com/C8cRkm2VQy— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) April 28, 2020
Pour les personnalités importantes et de notoriété publique, nous avons toujours une certaine tendance, parfois perverse, à décortiquer le moindre de leur dérapage, certaines d'entre-elles étant même sacrément portées sur le fait de les accumuler avec une frénésie proprement morbide.
Connu pour faire les choux gras des tabloïds - SadFleck -, Ben Affleck n'en reste pas moins une figure férocement attachante, l'incarnation parfaite d'un brave gars torturée par ses propres démons - l'alcool en tête -, et qui n'était peut-être pas fait pour le star système - malgré son talent certain -, même s'il donne énormément de lui-même, quand il se sent pleinement impliqué dans un projet.
C'est peut-être un tout petit détail alors, même furieusement anecdotique au fond, mais lorsqu'on le voit tenir la vedette d'un film tel que The Way Back de Gavin O'Connor ou, détail plus infime encore, le voir ouvrir une canette de bière d'une manière fluide et désinvolte, ce n'est plus vraiment l'acteur qui fait face à nous, mais bel et bien l'homme, dans une sorte de thérapie sur pellicule qui dépasse même le cadre cinématographique.
Cette dextérité dans le geste (mais surtout dans l'ivresse) est justement au coeur de ce qui est un mélange habile entre le drame sportif et l'étude de caractère fine et intime d'un homme en crise, Jack Cunningham, dont le quotidien est rythmé par la consommation abusive de tout liquide alcoolisé (vodka dans un thermos au boulot, accumulation de pintes au pub du coin ou même jusque dans la douche, merci le porte-savon), qui intoxique férocement son rapport aux autres (des explosions agressives qui ont entachés ses relations familiales); un homme engoncé dans un mal et une stupeur insondable, et qui a besoin de se racheter.
Et si Affleck trouvera cette occasion avec un film, celui-ci en l'occurrence, Cunningham lui, l'aura avec l'opportunité de faire de l'équipe de basket-ball du lycée de Bishop Hayes, une team de vainqueurs.
Ancien joueur vedette du lycée (avec même des opportunités de bourses d'études), Jack voit alors la possibilité de défier sa double personnalité en tant que légende locale et homme brisé, et même s'il accepte ce job à contrecœur, il va peu à peu gagner la confiance des jeunes ados au potentiel inexploité, et reprendre les rênes de son destin...
Même si la tentation de se laisser aller à se focaliser uniquement sur l'énergie et l'adrénaline sportive est grande (et encore plus celle tout aussi facile, de faire du héros, un sauveur blanc/mentor exceptionnel à la Coach Carter), O'Connor, comme pour son formidable Warrior, laisse finalement tout du long à nouveau parler le coeur des hommes, et les oblige à libérer la fureur qui est en eux, pour mieux trouver la paix.
La puissance du récit, la volonté de prôner des valeurs à l'ancienne, la mise en scène formidablement lyrique et toute entièrement au service de l'histoire, l'idée de ne pas limiter son spectacle à l'art du mélodrame (O'Connor, aidé par la formidable photo d'Eduard Grau, fait d'ailleurs des moments culminants sur le parquet, des séquences aussi euphoriques et vibrantes que légèrement détachés de la réalité)... tout dans The Way Back évoque Warrior qui lui-même, était une déclaration d'amour enflammée aux cinémas de John Ford et Robert Wise, mais surtout tout évoque le destin tortueux de Ben Affleck, qui encourage sans la moindre réserve ce rapprochement.
Si Triple Frontier laissait timidement transparaître une relation tendue entre un père et sa fille (légitime en cas de séparation parentale dans la douleur, ce que le comédien doit vivre au quotidien), la seconde collaboration entre Affleck et O'Connor (après Mr Wolff) elle, ne laisse plus aucun doute quand à sa représentation d'un miroir si peu déformé de ce qu'est le comédien à la ville.
Les éclats de larmes, les râles d'exaspération, les tensions avec son ex-femme, les regards lointains plein de détresse, les humeurs ivres et remplies d'amertume; plein de petits détails criant de vérité, suggèrent que l'éternel Daredevil a déjà vécu cela et pas uniquement à l'écran, et ils couvrent le film d'une mélancolie musclée et dévastatrice, qui nous met littéralement K.O.
Sublime portrait de la masculinité au bord du gouffre, construit comme un voyage rédempteur ciblé et profondément américain - dans le bon sens du terme -, The Way Back se démarque du tout commun autant par sa justesse que son honnêteté à toute épreuve, ou un Ben Affleck littéralement à fleur de peau, nous ouvre les portes de ce qui est une vraie douleur consciente et destructrice, ou le moindre de ses regards perdus dans un vide contemplatif, en dit plus que des milliers de mots.
Puissante et fascinante, la péloche et l'émotion incroyable qu'elle véhicule, ne serait décemment rien sans l'intensité et la vérité qu'il dégage, et qui nous donne sincèrement envie de le prendre dans nos bras.
Jonathan Chevrier