[CRITIQUE] : Ophelia
Acteurs : Daisy Ridley, Naomi Watts, Clive Owen, George Mackay, Tom Felton,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Américain, Britannique.
Durée : 1h46min.
Synopsis :
L'amour interdit entre la suivante Ophelia, et le prince Hamlet.
Critique :
Solidement incarné (Daisy Ridley en tête) et mis en scène avec une cohérence impressionnante par Claire McCarthy, #Ophelia, à peine plombé par un score amorphe, est un exercice de style élégant et captivant qui donne une tournure féministe positive à une histoire très familière. pic.twitter.com/dVjb44YISy— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) April 16, 2020
À une heure ou l'originalité ne s'inscrit que fugacement aux côtés du concept de relecture de mythes/films cultes, il y a donc quelque chose de rafraîchissant à l'idée de voir sur grand écran, le prisme inédit d'une histoire dont on connaît pourtant tousles rouages.
Nouvelle version du classique de Shakespeare Hamlet, elle-même adapté d'un roman YA de Lisa Klein - qui remodelait sérieusement la pièce - , Ophelia nous catapulte au coeur d'un royaume d'Elseneur décemment moins sombre quand il place ses femmes au premier plan.
Mélodrame vigoureux, élégant et dominé par une verve féministe loin d'être désagréable, la péloche de la wannabe cinéaste australienne Claire McCarthy (qui va vite devenir une réalisatrice à suivre) fait du personnage une figure beaucoup plus proactive et fouillée (c'est une femme volontaire, qui sait lire, est doué en botanique et qui s'est même taillé une place de dame d'honneur auprès de la reine Gertrude... on est loin du simple move interest lambda, et c'est tant mieux), mais surtout résolument moderne, en réimaginant complètement et avec subtilité son destin, pour mieux attirer un jeune auditoire vers le mythe Shakespeare, que séduire des initiés s'attendant à une (nouvelle) relecture difficilement défendable.
Rappelant parfois la beauté juvénile du Roméo et Juliette de Zeffirelli, tout autant qu'il laisse intelligemment les intrigues foisonnantes du palais - qui font le sel de l'oeuvre de Shakespeare - au second plan, tout Ophelia (Daisy Ridley, vraiment convaincante) s'articule autour de son héroïne, véritable penseuse indépendante et sérieuse (et doué d'un sens de l'observation accru), une figure puissante et fascinante qui trouve la force de s'exprimer librement et distinctement, et de ne pas incarner un pion involontaire dans les stratagèmes/trahisons de la famille royale qui l'entoure; un regard coloré et très 21ème siècle qui fait du bien, même s'il est instinctivement impossible de ne pas jouer au jeu des sept différences avec l'oeuvre mère (les parallèles/familiarités sont légion, et démontre la volonté louable de recontextualiser Hamlet, sans pour autant tenter de maladroitement rivaliser avec le verbe affuté de Shakespeare).
Solidement incarné (Watts en impose en reine Gertrude nuancée et plus fragile qu'elle ne le laisse présager, Clive Owen est menaçant et charismatique malgré une perruque horrible, George Mackay campé un Hamlet bruyant et athlétique, Tom Felton est un solide Laertes,...) et mis en scène avec une cohérence impressionnante par McCarthy, qui évite l'écueil du kitsch branché de son compatriote Baz Luhrman (et pourtant, on aime d'amour Romeo + Juliet), tout en se payant quelques scènes élégamment extravagantes via une direction artistique démente (les costumes et les décors sont grandioses); Ophelia, à peine plombé par un score amorphe, est un exercice de style élégant et captivant qui donne une tournure féministe positive à une histoire très familière, dont les écarts sont suffisamment marqués pour ne pas être qu'une simple relecture standard.
À tel point que l'on ne serait vraiment pas contre de voire à l'avenir, des relectures appliquées de classiques de la littérature, racontées dans une perspective féminine, et dirigées - quitte à réellement pousser l'évolution jusqu'au bout - par des femmes.
Jonathan Chevrier