[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #27. They Live
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Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#27. Invasion Los Angeles de John Carpenter (1989).
Au-delà du plaisir incommensurable de pouvoir redécouvrir encore et encore, pour tout môme des 80's/90's ayant grandi avec la VHS (puis le DVD, dans des éditions pas toujours défendables), l'un des monuments du cinéma béni de John Carpenter - et encore plus, un n'étant pas encore passé par la moulinette du remake infâme -, il y a aussi et surtout, un sévère pincement au coeur d'y revoir le légendaire Roddy " Rowdy " Piper, piètre acteur (sauf sur un ring) mais vraie machine à spectacle pour tout amoureux des joutes verbales et physiques théâtralisées de la WWE.
Un petit surplus de nostalgie et d'importance pour un film qui, encore plus aujourd'hui, est un coup de poing sur pellicule sans nul pareil.
Sorti juste après ce qui peut être considéré comme son plus bel essai (avec The Thing), Le Prince des Ténèbres, Invasion Los Angeles ou plutôt They Live en v.o - titre tellement plus juste -, était, plus encore que les précédents essais de Big John, une manière pour le cinéaste d'imprimer sur la pellicule, sa vision nihiliste - donc infiniment juste - et jamais porteuse d'espoir, de la manière dont pour lui, le pays de l'Oncle Sam était dirigé (avec les pieds).
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En prenant pour vedette un héros sorti de nulle part (ce qui justifie de facto, la présence de Piper en vedette), un ouvrier au chômage sans rien - d'où son nom, Nada - qui va vite réaliser par la force des choses et de sa curiosité salvatrice, que le monde moderne est envahi par des extraterrestres prônant la soumission de l'homme, Carpenter place directement le spectateur (dès son ouverture, passant des beaux quartiers de L.A. aux bidonvilles où John Nada va essayer de se faire sa place) au coeur des laissés-pour-compte du système, de ceux confronté à la dure réalité d'un monde qui les rejette autant qu'il les étouffe (les relents de fascisme sont d'ailleurs constamment présents) et les condamne à la précarité.
Avec son atmosphère complotiste proche des thrillers d'espionnage tout droit sortie de la Seconde Guerre Mondiale, le cinéaste se sert habilement de la science-fiction pour mieux frapper dur et avec colère dans l'entre-jambe d'un monde boursouflé par son consumérisme et les inégalités sociales, un abrutissement de masse prônant le conformisme et la zombification du peuple au détriment de la " golden rule ", un endormissement par la force accentué par le pouvoir pernicieux de l'image, dont la surprésence urbaine a totalement annihilé la violence psychologique et intellectuelle qu'elles incarnent." Obey", " Consume ", " Buy ", " Conform ", " Reproduce ", " Watch Television ", " Stay Asleep ",...
Plus qu'un simple divertissement lambda, They Live, faux film d'action mais vraie satire sociale puissante allant constamment à l'essentiel - comme le merveilleux mais plus futuriste Soleil Vert Richard Fleischer - au final " Carpentierien " en diable (le happy-end, c'est un concept tellement surfait), est une oeuvre phare faîte pour que le spectateur, tout comme John Nada, ouvre les yeux pour mieux mirer la réalité d'un monde malade et terrifiant, que l'on ne désire pourtant pas voir tel qu'il est réellement.
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Jamais Carpenter n'avait autant usé des mécaniques sociales et de sa verve politique pour asséner son message et pousser à la prise de conscience face à l'apathie consumériste et une violence invisible sous ses apparats colorés et châtoyants, mais pourtant bien réelle.
Trente ans après, il serait peut-être temps que l'on commence à l'écouter un peu, alors que lui-même est fatigué par l'idée de nous offrir de nouvelles piqûres de rappel en sur grand écran.
L'horreur est partout, le mal aussi.
Jonathan Chevrier