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[CRITIQUE] : Strictly Criminal


Réalisateur : Scott Cooper
Acteurs : Johnny Depp, Joel Edgerton, Peter Saarsgard, Dakota Johnson, Benedict Cumerbatch, Rory Cochrane, Corey Stoll, Jesse Plemons, Julianne Nicholson, Kevin Bacon, Adam Scott, David Harbour, Juno Temple,...
Distributeur : Warner Bros France
Budget : 53 000 000 $
Genre : Policier, Thriller.
Nationalité :  Américain.
Durée : 2h03min.

Synopsis :
Le quartier de South Boston dans les années 70. L'agent du FBI John Connolly convainc le caïd irlandais James "Whitey" Bulger de collaborer avec l'agence fédérale afin d'éliminer un ennemi commun : la mafia italienne. Le film retrace l'histoire vraie de cette alliance contre nature qui a dégénéré et permis à Whitey d'échapper à la justice, de consolider son pouvoir et de s'imposer comme l'un des malfrats les plus redoutables de Boston et les plus puissants des États-Unis.




Critique :




Qu'on l'aime ou que l'on vulgarise son cinéma à un simple copie-calque de ses nombreuses références (l'avis de certains, fou mais vrai), force est d'avouer pourtant que le talentueux Scott Cooper s'est solidement imposé dès son premier - et merveilleux - long Crazy Heart, comme l'un des cinéastes les plus à suivre du moment.

Offrant ni plus ni moins que l'un des meilleurs rôles de sa carrière à l'immense Jeff Bridges - il n'y a que chez les Coen qu'on l'a vu aussi merveilleux -, le bonhomme attirait surtout notre fibre cinéphile pour sa passion envers les personnages profonds et admirablement bien sculptés, tout autant que sa vision d'une Amérique white trash épurée de son idéalisme et de son triomphalisme gerbant.


Une vision radicale et sans aucune concession qui trouvait son paroxysme dans le chef d’œuvre Les Brasiers de la Colère, riche drame familiale aussi bouillant que douloureux sur fond de revenge movie viscéral et déchirant; dans lequel Christian Bale (de loin son plus beau rôle) éclabousse l'écran dans la peau d'un col bleu à la détresse poignante, qui se lance dans une quête vengeresse pour liquider un Woody Harrelson bestial et ainsi sauver autant son honneur que celui de son frère décédé (Casey Affleck, incroyable).

Même si il était encore un peu tôt, le jeune cinéaste s'imposait sans forcer comme le rejeton légitime et naturel de John Ford, Sam Peckinpah mais également de Clint Eastwood, avec qui il partage une certaine sobriété de ton salutaire.
Moins de deux ans plus tard, le Scott décide une nouvelle fois de relever un défi hautement casse-gueule puisqu'il s'attaque cette fois au sacro-saint gangster movie, et qui plus est en s'attachant à compter le destin hors norme d'une des personnalités les plus importantes du grand banditisme chez l'Oncle Sam, Whitey Bulger.

Un mafieux des mafieux, une légende du crime organisé de Boston qui n'avait jamais encore eu les honneurs d'un film sur sa personne (même si il a inspiré les personnages de Jack Nicholson dans Les Infiltrés et du regretté Pete Postlethwaite dans The Town).


Black Mass - plus grossièrement titré Strictly Criminal chez nous -, ou un Rise and Fall du Whitey, qui compte comment il est devenu le big boss du milieu grâce à son alliance avec l'agent John Connolly, un ami d'enfance.
Informateur pour le FBI, Bulger était protégé par l'agence et se servait de cette relation toute particulière pour faire tomber ses rivaux de la Cosa Nostra.

Bref, un putain de destin cinégénique qui prendra in fine les atours savoureux d'une réussite fascinante sous la caméra de Scott Cooper, une bande certes moins personnelle (point d'écriture à une main, Cooper ne fait que retoucher le script de Jim Sheridan, lui-même adapté du bouquin Black Mass : Whitey Bulger, The FBI and A Devil's Dead de Dick Lehr et Gerard O'Neal) mais qui s'inscrit pleinement dans la droite lignée de ces deux précédents essais.

Si Les Brasiers de la Colère était un hommage appuyé au Voyage au Bout de l'Enfer de Michael Cimino ainsi qu'à l’âpreté et au nihilisme des films de Sam Peckinpah, le réalisateur cite toujours - logiquement - ici le papa de La Horde Sauvage, mais surtout plus particulièrement le cinéma de l'inestimable Martin Scorcese (Les Affranchis et Les Infiltrés en tête), dont le nom est gravé au fer rouge sur le film de gangster made in USA.


Très 70's dans son traitement frontal de la violence et des rapports humains tout autant que dans sa grammaire cinématographique, le film renoue avec la quintessence des classiques du cinéma US (une intrigue certes peu originale mais simple et allant constamment à l'essentiel) tout en frappant dans les bijoux de famille le symbole phare de l'American Dream par le biais de son appropriation dominante et crue par une figure pervertie et nullement héroïque (comme Tony Montana dans Scarface).

Tragédie fascinante et cohérente de bout en bout, Strictly Criminal jouit de la patte brillante et impliqué de Scott Cooper derrière la caméra (sa mise en scène inspiré et implacable, est encore plus imposante que sur Les Brasiers), qui retrouve à nouveau ses thèmes chers (la famille, la fraternité, la loyauté et le cycle implacable de la violence) et se joue habilement des passages obligés du genre pour mieux accoucher d'une relecture réaliste du gangster movie comme rarement on a pu en voir sur grand écran ses dernières années.

Une chronique criminelle sombre, intime et violente sur un gangster plus proche du sociopathe que de l'image glamour que l'on peut se faire de ce type de personnage (Bulger n'est pas exubérant comme Tony Montana, encore une fois) mais qui force pourtant infiniment le respect; une épopée sanglante et tendue à la noirceur profondément terrifiante - jusque dans la photographie appliquée de Masanobu Takayanagi - qui si elle ne vous met pas mal à l'aise, vous retourne littéralement les tripes tant celle-ci s'avère aussi impitoyable que désintéressée.


Esthétiquement remarquable (belle reconstitution des années 70) et emplit de sincérité et de pureté même dans sa brutalité la plus primaire, jouant autant sur la méticulosité de son récit que sur la finesse de son cadre, jonglant avec maestria entre une pluie de personnages dont les portraits souvent fugaces n'empêche pourtant en rien chacun d'eux de pleinement exister; Black Mass démontre sans artifice le talent de directeur d'acteur de Cooper mais aussi sa fascination pour les " gueules " et ses comédiens beaucoup trop rare (du génial Corey Stoll en passant par l'immense Kevin Bacon et le follement mésestimé Jesse Plemons).

Au sein d'un casting au pluriel proprement indécent, on retiendra les partitions d'un Benedict Cumberbatch parfait en frère sénateur de Bulger, ou encore de Joel Edgerton, impeccable dans la peau de l'autre " frère " de Bulger, flic du FBI qui franchit volontairement la ligne jaune au point de se perdre dans les fastes de la " grande vie ".

Mais tous ou presque s'emploient surtout à magnifier la composition phénoménal d'un Johnny Depp totalement habité en Whitey Bulger.
Tout en retenue et charismatique à souhait, délesté des bouffonneries qui ont marqué ses récentes prestations aussi bien chez Big Tim Burton que chez Disney; l'éternel Jack Sparrow n'avait plus paru aussi imposant et inquiétant depuis Sweeney Todd, et s'offre ni plus ni moins ici que l'un des plus beaux rôles de sa carrière.


A tel point que l'idée de le voir littéralement vampiriser l'écran à chacune de ses apparitions vaut à elle seule son pesant de pop corn.

Qui l'eut cru, il aura fallu à nouveau le grimer (sa marque de fabrique chez Disney et Burton) pour qu'il renaisse de ces cendres, devant la caméra de l'un des - définitivement - plus passionnant héritiers du cinéma percutant, réaliste et crépusculaire des 70's


Jonathan Chevrier


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