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[CRITIQUE] : Nouvelle Vague


Réalisateur : Richard Linklater
Acteurs : Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin, Bruno Dreyfürst,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h45min.

Synopsis :
Ceci est l’histoire de Godard tournant À bout de souffle, racontée dans le style et l’esprit de Godard tournant À bout de souffle.





À l'image du cinéma de Cameron Crowe (qui, cependant, ne se satisfait pas toujours d'être en marge du système), avec qui il partage plusieurs points communs loin d'être anecdotiques, il y a quelque chose de profondément magique dans la filmographie du conteur fantastique qu'est Richard Linklater, tant il s'échine continuellement à catapulter son auditoire dans des univers richement authentiques, souvent inspirés de sa propre existence.

Des films au formalisme sobre mais palpable, qui sont moins intéressés par leurs intrigues où des objectifs narratifs bien précis, qu'incarner de vrais instantanés réalistes, des explorations frappées de détails presque anthropologiques, visant à faire ressentir au spectateur que c'était que d'être en vie aux côtés des personnages, à un certain endroit et/où à une certaine époque.
De vrais morceaux de vies retranscrivant à la perfection les nuances et l'universalité du quotidien, au travers de personnages aussi furieusement empathiques qu'ils nous semblent toujours réels.

Copyright Jean-Louis Fernandez

Quitte à continuer à sensiblement jouer des superlatifs et, histoire de coller avec son dernier film en date, le bonhomme est peut-être l'un des cinéastes contemporains dont l'esprit (globalement libre) et le cinéma sont les plus proches de la Nouvelle Vague, sans même avoir à dégainer la comparaison facile entre la trilogie des Before, et le cinéma béni de Rohmer - les références au cœur de sa filmographie sont suffisamment nombreuses pour convaincre même le plus borné des spectateurs.
Quoi de plus normal dès lors de leur voir s'attaquer, modestement, à ce mouvement essentiel à travers Nouvelle Vague (pourquoi s'emmerder, hein ?), à travers la conception de ce qui deviendra, symboliquement, la naissance même de son explosion tout en modernité au sein du septième art hexagonal : les coulisses non-conventionnelles d'À Bout de Souffle de Jean-Luc Godard, dans ce qui découle moins d'une auscultation pop et parodico-lessivée comme celle offerte par Michel Hazanavicius avec Le Redoutable, qu'un hommage certes moins maladroit et bien plus honnête même si loin d'être exempt d'asperités, à ce virage cinématographique décisif.

Totalement concentré sur les dix-sept jours de tournage du film de Godard dans les rues parisiennes, pensé comme un vrai/faux making-of rétro jusqu'au bout de la pellicule (un noir et blanc plus subtil que peut l'être sa distance ironique, censé coller à la superbe photographe de Raoul Coutard, et fruit d'un joli travail de David Chambille, collaborateur régulier de Bruno Dumont) tout en successions d'anecdotes/citations façon encyclopédie ambulante - même pour tout cinéphile un tant soit peu averti -, le film se revendique comme une œuvre non-révolutionnaire sur un film appelé à le devenir (comme son auteur, dépeint de manière vraiment drôle), l'expression passionnée d'un cinéaste amoureux du septième art mais qui semble perdre la fraîcheur et l'authenticité de son propre cinéma si reconnaissable, sous le poids d'un formalisme marqué.

Copyright Jean-Louis Fernandez

Le risque évident face à un projet à la sincérité pourtant indiscutable, une tentative de faire perdurer la légende par le cinéma (à une heure de la culture de l'instant, où le mot chef-d'œuvre est dégueulé sans pertinence, où que le manque de curiosité d'hier est totalement appuyé par une industrie qui se perd dans la redite la plus tragique qui soit), comme de célébrer l'improvisation et l'inventivité comme le naturel par la représentation un poil complaisante et sensiblement personnelle - aussi référencée et méticuleuse soit-elle -, de la réalité.

Pas totalement un exercice de style didactique (qui ne revendique jamais une quelconque valeur historique), et encore moins une simple réminiscence nostalgique du passé, mais plus un pastiche façon essai cinématographique direct - à la lisière de la kermesse cinéphile - sur une révolution donc, par un cinéaste fermement porté par l'idée que le cinéma, c'est tout simplement la vie en vingt-quatre images par seconde.
De l'artisanat tout autant que de l'art, aussi déséquilibré (mais loin d'être désagréable, attention) que cette popote puisse paraître, dont l'enthousiasme ne masque jamais assez son incapacité à réellement nous transporter.


Jonathan Chevrier