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[CRITIQUE/RESSORTIE] : À Toute Épreuve


Réalisateur : John Woo
Actrice : Chow Yun-fatTony Leung Chiu-waiTeresa Mo, Philip Kwok, Anthony Wong Chau-Sang,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Policier, Action.
Nationalité : Hongkongais.
Durée : 2h10min

Date de sortie : 16 juin 1993
Date de ressortie : 27 août 2025

Synopsis :
Hong-Kong 1997. Les Britanniques vont rendre dans quelques mois à la Chine populaire une ville corrompue par le crime. Alors que les policiers ont baissé les bras, un groupe d'inspecteurs, mené par Yuen, surnommé Tequila, décide de mettre fin a la suprématie des gangs.




Partons du principe sain, mais surtout infiniment logique, qu'un cinéaste tel que John Woo - au même titre qu'un Ridley Scott pour ne citer que lui -, rare bonhomme à avoir durablement marqué le cinéma d'action sur plusieurs décennies, n'a décemment plus rien à prouver à qui que ce soit, au point qu'il peut désormais faire ce qu'il veut, et encore plus si les producteurs sont encore derrière lui pour aligner les billets vert.

À partir de là, restons cohérent : si l'on ne peut décemment pas le défendre dans ses dérives les plus stupides et inutiles que l'idée (genre chapeauter un remake moderne de son génial The Killer, à Paris avec Nathalie Emmanuel, Omar Sy et Sam Worthington), rien ne nous empêche dans le même temps, de célébrer ses plus hauts faits et, dans les meilleures conditions possibles, dans une salle obscure avec une remasterisation aux petits oignons.

Hasard du calendrier - pas du tout -, voila que débarque en version toute pimpante son monument Hard Boiled aka À Toute Épreuve, peut-être l'expérience cinématographique hongkongaise la plus ultime, tout aussi renversante que merveilleusement éreintante, séance des dernières fois (l'ultime film maison de Woo, avant qu'il ne traverse l'Atlantique pour une expérience Hollywoodienne que l'on qualifiera de mitigée - pour rester poli -, mais aussi et surtout dernière œuvre liant le cinéaste à son comédien fétiche, Chow Yun-Fat, crépuscule même de l'action estampillée " hongkongaise ") dont la maestria extrême n'aura jamais été égalée depuis - ne citez pas le diptyque The Raid, merci.

METROPOLITAN FILMEXPORT

Porté par une intrigue sensiblement simple (une sempiternelle opposition westernienne et binaire, entre les bons gars et les mauvais gars) et solides sur ses fondamentaux mais à l'efficacité redoutable (en pleine rétrocession de Hong Kong à la Chine populaire par l’Angleterre, un flic à cran allié à un agent infiltré déchiré par sa condition, décide de mettre fin a la suprématie des Triades, et plus particulièrement faire la peau à Johnny Wong), c'est définitivement dans son action tonitruante que le film impose sa différence, à la fois tout en symboles et bien plus complexe et explosive que dans les autres apologies du Kaboom de Woo (où le cinéaste maîtrise à la fois toute la géographie de ses cadres chaotiques - même lorsqu'il doit improviser sans scénario, comme dans son ouverture -, mais aussi le rythme émotionnel de chacune de ses embardées musclées, poussant l'immersion de son auditoire à un niveau au-delà du viscéral), vient continuellement embrasser un pendant dramatique absolument déchirant (mais cette fois expurgé du lyrisme un poil écrasant de The KillerUne Balle dans la tête).

Notamment à travers le personnage d'Alan (un Tony Leung qui trouve ici les prémisses de sa prestation dans le chef-d'œuvre Infernal Affairs, en flic torturé par sa condition mais qui doit persévérer dans ce qu'il considère comme la pire version de lui-même, pour survivre), en quête de rédemption et bien plus sculpté que celui de Tequila (un Chow Yun-Fat parfait en force irrésistible de la justice sauce Dirty Harry, qui brandit tel un chevalier médiéval, son fusil à pompe comme une épée prête à décapiter le mal).

Savoureusement généreux et excessif (quitte à parfois frôler le ridicule), jusque dans ce final à rallonge où il perverti comme dans The Killer, un lieu saint (un hôpital) pour en faire un véritable château infernal criblé de balles et de morts (un record), À Toute Épreuve a tout d'un quatre tonnes tout en surenchère lancé à vive allure à la tronche de son auditoire, par un Woo en pleine possession de ses moyens et qui assume sans trembler son jusqu'au-boutisme comme sa démence créative (toute la poésie brutale de son cinéma est là).
Deux décennies bien tassées plus tard et dans une restauration parfaite, l'uppercut n'a rien perdu de son impact, et son statut de film d'action ultime n'est toujours pas prêt de lui échapper.


Jonathan Chevrier