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[CRITIQUE] : Fantôme Utile


Réalisateur : Ratchapoom Boonbunchachoke
Acteur : Mai Davika Hoorne, Witsarut Himmarat, Apasiri NitibhonWanlop Rungkumjad,...
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique.
Nationalité : Thaïlandais,  Français, Singapourien, Allemand.
Durée : 2h10min

Synopsis :
Après la mort tragique de Nat, victime de pollution à la poussière, March sombre dans le deuil. Mais son quotidien bascule lorsqu'il découvre que l'esprit de sa femme s'est réincarné dans un aspirateur. Bien qu'absurde, leur lien renaît, plus fort que jamais — mais loin de faire l'unanimité. Sa famille, déjà hantée par un ancien accident d'ouvrier, rejette cette relation surnaturelle. Tentant de les convaincre de leur amour, Nat se propose de nettoyer l'usine pour prouver qu'elle est un fantôme utile, quitte à faire le ménage parmi les âmes errantes...





Pas forcément l'industrie la plus prompte à trouver son chemin au cœur de nos salles obscures (ses légères incursions dans les girons du fantastique et de l'action sont quasiment intégralement réservées aux rayons DTV/SVOD), quand bien même les quelques efforts précieux d'Apichatpong Weerasethakul y trouvent toujours leur place (et heureusement...), le cinéma thaïlandais, comme beaucoup, n'en est pas pour autant exempt de quelques pépites qui méritent totalement l'attention que l'on peut leur porter, même même une distribution à l'importance minimale.

Après le résolument sympathique Comment devenir riche (grâce à ma grand-mère) de Pat Boonnitipat en début d'année, place à la découverte donc d'un nouveau premier long-métrage, Fantôme Utile de Ratchapoom Boonbunchachoke - adoubé par la dernière Croisette, pour ne rien gâcher -, petit exercice de funambule qui jongle à la fois entre la comédie gentiment surréaliste, la ghost story au vrai esprit queer, la romance loufoque et même la satire sociopolitique, le tout condensé dans une structure du type poupée russe bien chargée (deux bonnes heures au compteur), et embaumé dans un humour savamment absurde, où la réplique « arrêtes de te taper l'aspirateur » prend vite tout son sens.

On y suit les aternoiements de March, rejeton d'une famille tout aussi riche et cupide que pourrie de l'intérieur, qui doit encaisser la mort tragique de son épouse Nat, victime de pollution à la poussière.
Tout basculé cependant lorsqu'il découvre que l'esprit de sa femme s'est réincarné dans un aspirateur - un comble, pour une femme décédée à cause de la poussière.
Une réincarnation bizarre mais vitale pour le jeune homme - qui s'abandonne totalement à elle -, à tel point que leur union n'a jamais été aussi forte et fusionnelle, même si elle n'est pas du goût de ses proches.
Mais March, fou amoureux, est bien décidé à les convaincre de leur amour surnaturel et contre nature, lui qui se propose de nettoyer l'usine familiale pour prouver qu'elle est un fantôme utile, quitte à titiller les autres âmes errantes...

Copyright 185 FILMS CO.,LTD.

Partant d'une légende traditionnelle thaïlandaise (Mae Nak, qui narre l'histoire d’amour interdite entre une femme fantôme et son mari encore en vie) tout en nourissant avec intelligence sa narration de références historiques sur sa propre nation (les manifestations politiques de 2010 opposant les « chemises rouges » du Front national uni pour la démocratie et contre la dictature au gouvernement constitué par le Parti démocrate; la vague de destruction et de démolition des bâtiments du "Khana Rasadon",...), Boonbunchachoke fait de son premier effort une séance à part, entre fantastique cartoonesque et réalisme magique (quitte à, parfois, rappeler Wes Anderson sur quelques plans), où ses figures fantomatiques lui permettent de prôner joliment l'inclusion et la diversité tout autant qu'elles appuient frontalement son propos sur les incertitudes d'un pays qui n'a pas encore digéré les traumatismes et la violence de son passé, et encore moins endigué les travers de son présent (corruption, homophobie,...).

Inventif comme ce n'est pas permis, à tel point que le cinéaste peine mignon à tailler dans le bout de gras côté montage (ni dans ses idées et les nombreux gags pince-sans-rire qu'il met en scène), Fantôme Utile théorise de manière chorale sur l'importance de la mémoire (quels souvenirs choisissons-nous de conserver de nos proches défunts et, à contrario, lesquels tentent d'enterrer un pouvoir en place, comme s'ils n'avaient jamais existés), au sein d'une fable mélancolique et burlesque continuellement à la lisière du bis à forte tendance Z.

L'été se finit bien, très bien même...


Jonathan Chevrier