[CRITIQUE] : L'Aventura
Réalisatrice : Sophie Letourneur
Avec : Sophie Letourneur, Philippe Katerine, Bérénice Vernet, Esteban Melero,...
Distributeur : Arizona Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h40min
Synopsis :
Les vacances d’été. Sardaigne, Italie. Un (road) trip en famille. Claudine, bientôt 11 ans, raconte leurs aventures au fur et à mesure. Quand Raoul, son frère de 3 ans, ne l’en empêche pas.
Quand bien même il ne semble pas y avoir d'union parfaite au sein du cinéma à la fois merveilleusement caustique et subtilement mélancolique de Sophie Letourneur, difficile de ne pas admettre qu'il semble pourtant se nouer au fil du temps et de ses réalisations, un mariage parfait entre sa caméra et la chaleur des terres italiennes, entre la beauté idyllique et inerte du pays de la botte et son style direct et réflexif, constamment à la lisière de l'autofiction et de l'improvisation.
Des œuvres embaumées par le parfum désarmant des films de vacances authentiques et acidulés, tout autant qu'ils ne sont jamais réellement loin non plus, d'une révérence sincère à l'âge d'or du cinéma rital - où d'une déclinaison anarchique de la poésie Rohmérienne dans l'ombre de l'œuvre de Jacques Rozier, ça fonctionne aussi.
Un cinéma essentiel en somme, si tu sais un minimum lire entre les lignes.
Après Les Coquillettes et le génial Voyages en Italie (coucou Rossellini), bonjour L'Aventura donc (coucou Antonioni, dont la citation tout comme pour son film précédent, va bien au-delà de son simple titre), qui troque la Sicile pour la Sardaigne mais garde en son cœur le même couple qui tentait de raviver sa flamme dans le film précédent, Sophie et son mari Jean-Philippe - ici flanqué des enfants, Raoul et Claudine, la pré-ado en plein spleen -, dans un récit volontairement destructuré, pluriel et non-linéaire (un sublime décalage renforcé par la mise en scène, caméra à l’épaule, qui se modèle au naturel extrême de ses interprètes comme de ses situations), qui épouse à nouveau la banalité redondante et désorientée du quotidien où une intimité supposément irréconciliable et marquée par les fractures, se fait tout autant un terreau prompt au jeu et à la trivilialité, qu'à l'exploration de la perte de soi et à l'effacement émotionnel (qui va de pair avec l'érosion du désir pour l'autre) progressif d'une femme face à son existence.
Un malaise identitaire loin d'être léger mais qui est continuellement contrebalancée par la distraction, réellement ludique elle, d'un époux lunaire (encore une fois, un Philippe Katerine au sommet de son art), toujours absent malgré lui et en décalage avec les siens, mais également d'un gamin qui cannibalise non sans humour, l'attention.
On est tout du long en terrain conquis, tout en collisions et en révisions dissonantes d'une même histoire, celle anthropologique d'un noyau familial où toute idée d'évasion est impossible, où la bouffée d'air frais des vacances ne se fait qu'une bulle amplifiant une routine anxiogène faite de compromis et de sacrifice, où l'on court pour saisir un temps à jamais perdu, pour reconstruire et guérir un quotidien familial moins enrobé par l'amour et la tendresse qu'il est étouffé par l'ennui, le vide et la lente perte de soi.
Extension savoureuse des dissonances émotionnelles et sentimentales de Voyages en Italie, avec qui il partage le même regard gentiment anti-touristique que la même ambiance à la fois euphorique de désenchantée, L'Aventura décrit sans concession - mais pas sans causticité - et avec une acuité rare, l'effacement progressif du soi dans la fragmentation obligée du quotidien familial, au sein d'un instantané estival qui n'en est pas totalement un, à la fois urgent et désopilant, touchant et irrésistible.
L'une des séances les plus indispensables de l'été - voire de l'année.
Jonathan Chevrier
Avec : Sophie Letourneur, Philippe Katerine, Bérénice Vernet, Esteban Melero,...
Distributeur : Arizona Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h40min
Synopsis :
Les vacances d’été. Sardaigne, Italie. Un (road) trip en famille. Claudine, bientôt 11 ans, raconte leurs aventures au fur et à mesure. Quand Raoul, son frère de 3 ans, ne l’en empêche pas.
Quand bien même il ne semble pas y avoir d'union parfaite au sein du cinéma à la fois merveilleusement caustique et subtilement mélancolique de Sophie Letourneur, difficile de ne pas admettre qu'il semble pourtant se nouer au fil du temps et de ses réalisations, un mariage parfait entre sa caméra et la chaleur des terres italiennes, entre la beauté idyllique et inerte du pays de la botte et son style direct et réflexif, constamment à la lisière de l'autofiction et de l'improvisation.
Des œuvres embaumées par le parfum désarmant des films de vacances authentiques et acidulés, tout autant qu'ils ne sont jamais réellement loin non plus, d'une révérence sincère à l'âge d'or du cinéma rital - où d'une déclinaison anarchique de la poésie Rohmérienne dans l'ombre de l'œuvre de Jacques Rozier, ça fonctionne aussi.
Un cinéma essentiel en somme, si tu sais un minimum lire entre les lignes.
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Copyright Arizona Distribution |
Après Les Coquillettes et le génial Voyages en Italie (coucou Rossellini), bonjour L'Aventura donc (coucou Antonioni, dont la citation tout comme pour son film précédent, va bien au-delà de son simple titre), qui troque la Sicile pour la Sardaigne mais garde en son cœur le même couple qui tentait de raviver sa flamme dans le film précédent, Sophie et son mari Jean-Philippe - ici flanqué des enfants, Raoul et Claudine, la pré-ado en plein spleen -, dans un récit volontairement destructuré, pluriel et non-linéaire (un sublime décalage renforcé par la mise en scène, caméra à l’épaule, qui se modèle au naturel extrême de ses interprètes comme de ses situations), qui épouse à nouveau la banalité redondante et désorientée du quotidien où une intimité supposément irréconciliable et marquée par les fractures, se fait tout autant un terreau prompt au jeu et à la trivilialité, qu'à l'exploration de la perte de soi et à l'effacement émotionnel (qui va de pair avec l'érosion du désir pour l'autre) progressif d'une femme face à son existence.
Un malaise identitaire loin d'être léger mais qui est continuellement contrebalancée par la distraction, réellement ludique elle, d'un époux lunaire (encore une fois, un Philippe Katerine au sommet de son art), toujours absent malgré lui et en décalage avec les siens, mais également d'un gamin qui cannibalise non sans humour, l'attention.
On est tout du long en terrain conquis, tout en collisions et en révisions dissonantes d'une même histoire, celle anthropologique d'un noyau familial où toute idée d'évasion est impossible, où la bouffée d'air frais des vacances ne se fait qu'une bulle amplifiant une routine anxiogène faite de compromis et de sacrifice, où l'on court pour saisir un temps à jamais perdu, pour reconstruire et guérir un quotidien familial moins enrobé par l'amour et la tendresse qu'il est étouffé par l'ennui, le vide et la lente perte de soi.
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Copyright Arizona Distribution |
Extension savoureuse des dissonances émotionnelles et sentimentales de Voyages en Italie, avec qui il partage le même regard gentiment anti-touristique que la même ambiance à la fois euphorique de désenchantée, L'Aventura décrit sans concession - mais pas sans causticité - et avec une acuité rare, l'effacement progressif du soi dans la fragmentation obligée du quotidien familial, au sein d'un instantané estival qui n'en est pas totalement un, à la fois urgent et désopilant, touchant et irrésistible.
L'une des séances les plus indispensables de l'été - voire de l'année.
Jonathan Chevrier