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[CRITIQUE] : A New Old Play


Réalisateur : Qiu Jiongjiong
Acteurs : Yi Sicheng, Nan Guan, Tao Gu, Tang Hao,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Hongkongais, Français.
Durée : 3h00min.

Synopsis :
Grand acteur-clown de l’opéra du Sichuan, Qiu Fu n’est plus. L’artiste quitte à contrecœur la vie terrestre pour le monde souterrain, où il est accueilli par Tête de Bœuf et Visage de Cheval, les deux gardiens du lieu. Alors qu’il revit une dernière fois ses souvenirs avant d’entrer dans l’Au-delà, cinquante années d’art, de lutte et d’amour défilent sur fond d’histoire tumultueuse de la Chine du XXe siècle...





Il y a des films qui intriguent dès les premières images de bande-annonce. Des œuvres aux styles particuliers, qui attirent l’attention instantanément. C’est le cas de A New Old Play de Qiu Jiongjiong qui nous présente une longue épopée de presque 3h. Dans ce film au style particulier, le réalisateur raconte l’histoire de son grand-père, Qiu Fu, un acteur-clown d’un opéra du Sichuan. Le récit commence avec la mort du protagoniste qui, depuis l’au-delà, se remémore sa vie. Le tout se déroulant sur fond de changement politique de la Chine sur près de 50 ans. Ainsi Qiu Jiongjiong nous offre un regard sur la grande histoire de la Chine en utilisant la petite histoire. Un moyen de mieux connecter le spectateur à ces grands changements, lui permettant de s’identifier directement à des familles.

Copyright Carlotta Films

Un programme extrêmement chargé, et qui peut sembler très lourd. Mais, la particularité du film se trouve dans sa forme. Qiu Jiongjiong choisit une mise en scène très particulière avec des plans fixes ou bien des travellings horizontaux. Cela donne un film très statique et qui nous donne l’impression de voir une pièce de théâtre. Lui qui vient de la peinture compose ses cadres comme des tableaux, méticuleusement assemblés, et déroulant son histoire tel un rouleau. À cela s'ajoutent des décors en “carton-pâte”. Directement inspiré du théâtre ou de l’opéra, cela rappelle aussi les ambiances des films muets des années 30. L’objectif n’étant pas de faire illusion dans la réalité, mais de revendiquer la fausseté des images, comme le fait le théâtre chinois.

La beauté de A New Old Play ne s’arrête pas à son esthétique. Qiu Jiongjiong s’intéresse au rapport de l’homme à la mort, à ce moment où notre fin approche et que l’on se retourne pour faire un bilan de notre vie. Les joies, les peines, tous ces instants qui constituent qui nous sommes, et la trace que l’on va laisser dans ce monde. Pour Qiu Fu, qui était une personnalité importante de l’opéra chinois, ces rôles resteront, même après sa disparition, après avoir oublié sa propre vie lorsqu’il boit la “soupe de l’oubli”. Et la simple existence de ce film appuie ce propos.

A New Old Play s’inscrit dans la continuité des œuvres de Qiu Jiongjiong. En peinture, il s’est spécialisé dans les portraits. Ses documentaires s'intéressent à des proches et à leurs vies. Avec cette œuvre, il fait un nouveau portrait de son grand-père, mais aussi de la troupe d’opéra dont il était membre, et au final de la Chine et son évolution. Ainsi, on passera par la création de cette bande, avec un regard qui semble nostalgique sur la période pré-guerre des années 20. S'ensuivent de très longues années de conflit où l’avenir des artistes est incertain et précaire. Survient enfin l'arrivée des mouvements communistes et la proclamation de la République populaire de Chine qui met à mal la liberté artistique. C’est là où le film peut perdre certains spectateurs. Cette forme chronologique qui essaye de couvrir toute la vie d’un personnage rend le récit très lourd et parfois trop long, notamment dans sa dernière heure. Cependant, difficile d’en vouloir au cinéaste qui a voulu décrire la vie de son grand-père de la manière la plus exhaustive possible.

Copyright Carlotta Films

A New Old Play est un objet filmique particulier et pas facile à aborder. Œuvre profondément personnelle, et aux parti-pris esthétiques radicaux, il pioche dans plein d’inspirations différentes afin de raconter la grande histoire de la Chine à travers la vie d’un personnage. Bien que parfois long, il y a une vraie poésie et beauté dans cet hommage que fait le réalisateur à son grand-père.


Livio Lonardi