[CRITIQUE] : La Chambre de Mariana

Réalisateur : Emmanuel Finkiel
Acteurs : Mélanie Thierry, Artem Kyryk, Julia Goldberg, Yona Rozenkier,...
Budget : -
Distributeur : Ad Vitam
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Français, Belge, Hongrois, Israélien, Portugais.
Durée : 2h11min

Synopsis :
1943, Ukraine, Hugo a 12 ans. Pour le sauver de la déportation, sa mère le confie à son amie d’enfance Mariana, une prostituée qui vit dans une maison close à la sortie de la ville. Caché dans le placard de la chambre de Mariana, toute son existence est suspendue aux bruits qui l’entourent et aux scènes qu’il devine à travers la cloison...

D'après La Chambre de Mariana d' Aharon Appelfeld.

On se répète, un peu comme le septième art qui se recycle, joue de la redite, se répond inlassablement.

Les ravages de la Seconde Guerre mondiale, comme les sujets de l'holocauste et de la déportation ont été abordé tant de fois au cinéma par le passé comme présent (à tel point qu'ils ne semblent jamais réellement nous avoir quitté, et peut-être d'une manière encore plus marquée aujourd'hui où il ne se passe pas un mois sans que plusieurs longs-métrages n'en fassent mentions et/où les prennent pour sujets), que notre familiarité avec ses événements tragiques fait que nous sommes souvent - disons dans 99% des cas - douloureusement conscients de ce qui peut/va se passer dans chacun de ces efforts.

Copyright Cinéfrance Studios - Curiosa Films - Metro Communications - United King Films - Proton Cinema - Tarantula - Arte France Cinema 2024

Dits films pour qui il est d'ailleurs difficile de ne pas dangereusement flirter autant avec un voyeurisme presque inévitable, qu'un sentiment encore plus racoleur et abject d'exploitation éhontée de l'un des pans les plus sombres de l'humanité.
Tout n'est qu'une question de subtilité (voire de sincérité, quand bien même les pires exemples ne doivent pas totalement en être dépourvu non plus) mais aussi et surtout de savoir-faire.

En ce sens, le nouveau long-métrage d'Emmanuel Finkiel, La Chambre de Mariana (une adaptation du roman éponyme de Aharon Appelfeld), ne manque d'aucun de ses attributs tout en pouvant se targuer d'aborder la tragédie de la déportation par un prisme si ce n'est inédit, au minimum rare : une vraie œuvre de sensations à la fois viscérale, charnelle et déchirante, capturée à travers les yeux innocents d'un jeune gamin juif en terres ukrainiennes, dont les parents ont été déportés, caché dans la chambre d'une prostituée au cœur d'une maison close, une amie d'enfance de sa mère à la bouteille facile mais qui va le protéger s'il était son propre fils, même si elle ne peut totalement le préserver de la brutalité sourde des hommes.

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Rugueux et poignant récit d'une enfance qui se perd sur la voie difficile et violente de l'âge adulte, sommée de tout abandonner (son innocence, sa famille, ses espoirs) pour survivre auprès d'une femme courage qui encaisse - littéralement et inlassablement - la noirceur du monde pour ne lui laisser que la lumière, et avec qui il va nouer une tendre complicité qui va lui permettre de s'échapper un tant soit peu d'une horreur omniprésente; La Chambre de Mariana ne serait cependant rien sans une Mélanie Thierry absolument stellaire, dans ce qui peut décemment se voir comme la performance la plus impressionnante et mélancolique d'une carrière déjà parsemée de prestations incroyables.

Elle est le phare incandescent d'un formidable et douloureux drame dont l'épure n'a d'égale que la puissance des émotions qu'il charrie, expurgé de tout pathos putassier.
La grosse claque de la semaine.


Jonathan Chevrier