[CRITIQUE] : Babygirl
Réalisatrice : Halina Reijn
Acteurs : Nicole Kidman, Harris Dickinson, Antonio Banderas, Sophie Wilde,...
Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Thriller, Érotique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h54min.
Synopsis :
Romy, PDG d’une grande entreprise, a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles épanouies et une carrière réussie. Mais un jour, elle rencontre un jeune stagiaire dans la société qu’elle dirige à New York. Elle entame avec lui une liaison torride, quitte à tout risquer pour réaliser ses fantasmes les plus enfouis…
Critique :
Sous-genre gentiment populaire au cœur des années 80/90, bien aidé les papes Adrian Lyne, Paul Verhoeven et Brian De Palma, le thriller érotique s'est lentement mais sûrement éteint au virage des années 2000, époque où le cinéma Hollywoodien a amorcé son policage PG-esque en règle, quand bien même quelques irréductibles frondeurs (Adrian Lyne encore une fois, Jane Campion ou même Atom Egoyan) ont tentés, sporadiquement il est vrai, d'en raviver ses cendres.
Mais il semblerait, non sans quelques panouilles difficilement défendables (laissez la saga Fifty Shades of Grey dans les limbes de l'oubli, s'il vous plaît), que les années 2020, peut-être un poil plus décomplexée que les précédentes, tentent de raviver la flamme du désir sur grand écran.
Mention donc au savoureusement acide Fair Play de Chloe Domont, flanqué au coeur de l'impitoyable et brutal milieu de la finance New Yorkais, ou l'amour n'y a pas sa place (" If you need a friend, get a dog ", qu'il disait Gordon Gecko...), mais moins au Babygirl d'une Halina Reijn dont on n'avait pas forcément été convaincu par le mou de la fesse Bodies Bodies Bodies (teen movie vain et intentionnellement creux qui ne survit jamais à la toxicité qu'il tente lui-même de railler, boursouflé qu'il est par sa propre ironie pompeuse).
Dans le même mouvement de farce plus où moins affirmée, elle s'attaque cette fois à la complexité du désir féminin - assouvi comme réfréné - et au dynamique de pouvoir - évidemment abusive -, en cherchant avec une énergie savamment prédéterminée (où forcée, pour être moins poli) à s'aligner dans l'ombre d'un Eyes Wide Shut avec qui le parallèle va au-delà de l'évidence : Nicole Kidman en figure féminine centrale (dans ce qui peut intimement se voir comme une continuité, vingt-cinq ans plus tard, de son rôle d'Alice Harford), une crise conjugale, un cadre hivernale - en pleine fêtes de Noël -, une pluie de plans à la similarité/écho discutable,...
Pas tant un aveu d'échec tièdement affirmé (en même temps, Reijn est suffisamment lucide pour ne pas chercher à jouer trop longtemps au jeu des comparaisons avec Kubrick), qu'une volonté de revenir par la révérence à un chef-d'œuvre absolu (oui), à une manière d'aborder le thriller érotique en pensant sa réflexion sur la vie de couple et le désir d'un point de vue purement sexuel (mais aussi social et culturel, dans un second temps), aussi bien par le dialogue que par l'image.
Mais le problème, c'est que Reijn ne dépasse jamais réellement le stade de cette pensée et encore moins les limites de sa réflexion artificielle sur son discours sur le désir et la satisfaction sexuelle à travers la domination (et la possession), où l'usage du grotesque se fait encore moins un outil pertinent qu'un élément viscéral et déstabilisateur, au sein d'un divertissement où aucune perversion physique n'est réellement permise et/où discutée - on ne voit strictement rien, et c'est là tout le cœur du problème.
Comme si Babygirl voulait que l'on rit avec lui (une reconnaissance évidente de l'absurdité de la relation jamais fatale qui lit la PDG d'une entreprise opérant dans robotique, et un stagiaire assez autoritaire) tout en n'arrivant pas à s'empêcher que l'on se rit de lui-même (comme avec son dénouement invraisemblable), à travers un méli-mélo de discours à moitié cuit allant de l'autonomisation féminine à l'instrumentalisation - souvent perverse - des idéaux progressistes, en passant par la frustration sexuelle moderne et le renversement des relations de pouvoir entre les sexes.
Dommage car sa distribution est elle au diapason, d'un Harris Dickinson charismatique en bad boy espiègle à une Nicole Kidman qui fait du Nicole Kidman - donc grandiose -, et qui n'a pas peur de questionner son propre rapport à la chirurgie esthétique.
Mais à trop nous balancer dans la poire qu'il n'y a rien de mal - et même aucun véritable danger, émotionnel comme intime et professionnel - dans la domination light et les ébats de ses anti-héros (pas si) perfectibles (jusqu'à la présence marquée d'une figure maritale tellement ouverte d'esprit, qu'une rupture d'anévrisme n'est jamais loin), à trop réfréner ses propres élans torrides, Babygirl est paradoxalement ce qu'il pointe : une œuvre frustrante sur la frustration, rarement passionnant car il est dénué de passion, sexy mais jamais vraiment endiablé.
Le souci quand on opère moins une subversion moderne du thriller érotique sauce (mélo) drame psychosexuel, qu'un usage scrupuleux de tous ses tropes...
Jonathan Chevrier
Acteurs : Nicole Kidman, Harris Dickinson, Antonio Banderas, Sophie Wilde,...
Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Thriller, Érotique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h54min.
Synopsis :
Romy, PDG d’une grande entreprise, a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles épanouies et une carrière réussie. Mais un jour, elle rencontre un jeune stagiaire dans la société qu’elle dirige à New York. Elle entame avec lui une liaison torride, quitte à tout risquer pour réaliser ses fantasmes les plus enfouis…
Critique :
Même pétri de bonnes intentions,#Babygirl ne dépasse jamais réellement le stade de la réflexion artificielle sur le désir et la satisfaction sexuelle à travers la domination, où l'usage du grotesque se fait encore moins un outil pertinent qu'un élément viscéral et déstabilisateur pic.twitter.com/dcHCGpSt2J
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 12, 2025
Sous-genre gentiment populaire au cœur des années 80/90, bien aidé les papes Adrian Lyne, Paul Verhoeven et Brian De Palma, le thriller érotique s'est lentement mais sûrement éteint au virage des années 2000, époque où le cinéma Hollywoodien a amorcé son policage PG-esque en règle, quand bien même quelques irréductibles frondeurs (Adrian Lyne encore une fois, Jane Campion ou même Atom Egoyan) ont tentés, sporadiquement il est vrai, d'en raviver ses cendres.
Mais il semblerait, non sans quelques panouilles difficilement défendables (laissez la saga Fifty Shades of Grey dans les limbes de l'oubli, s'il vous plaît), que les années 2020, peut-être un poil plus décomplexée que les précédentes, tentent de raviver la flamme du désir sur grand écran.
Mention donc au savoureusement acide Fair Play de Chloe Domont, flanqué au coeur de l'impitoyable et brutal milieu de la finance New Yorkais, ou l'amour n'y a pas sa place (" If you need a friend, get a dog ", qu'il disait Gordon Gecko...), mais moins au Babygirl d'une Halina Reijn dont on n'avait pas forcément été convaincu par le mou de la fesse Bodies Bodies Bodies (teen movie vain et intentionnellement creux qui ne survit jamais à la toxicité qu'il tente lui-même de railler, boursouflé qu'il est par sa propre ironie pompeuse).
Dans le même mouvement de farce plus où moins affirmée, elle s'attaque cette fois à la complexité du désir féminin - assouvi comme réfréné - et au dynamique de pouvoir - évidemment abusive -, en cherchant avec une énergie savamment prédéterminée (où forcée, pour être moins poli) à s'aligner dans l'ombre d'un Eyes Wide Shut avec qui le parallèle va au-delà de l'évidence : Nicole Kidman en figure féminine centrale (dans ce qui peut intimement se voir comme une continuité, vingt-cinq ans plus tard, de son rôle d'Alice Harford), une crise conjugale, un cadre hivernale - en pleine fêtes de Noël -, une pluie de plans à la similarité/écho discutable,...
Pas tant un aveu d'échec tièdement affirmé (en même temps, Reijn est suffisamment lucide pour ne pas chercher à jouer trop longtemps au jeu des comparaisons avec Kubrick), qu'une volonté de revenir par la révérence à un chef-d'œuvre absolu (oui), à une manière d'aborder le thriller érotique en pensant sa réflexion sur la vie de couple et le désir d'un point de vue purement sexuel (mais aussi social et culturel, dans un second temps), aussi bien par le dialogue que par l'image.
Mais le problème, c'est que Reijn ne dépasse jamais réellement le stade de cette pensée et encore moins les limites de sa réflexion artificielle sur son discours sur le désir et la satisfaction sexuelle à travers la domination (et la possession), où l'usage du grotesque se fait encore moins un outil pertinent qu'un élément viscéral et déstabilisateur, au sein d'un divertissement où aucune perversion physique n'est réellement permise et/où discutée - on ne voit strictement rien, et c'est là tout le cœur du problème.
Comme si Babygirl voulait que l'on rit avec lui (une reconnaissance évidente de l'absurdité de la relation jamais fatale qui lit la PDG d'une entreprise opérant dans robotique, et un stagiaire assez autoritaire) tout en n'arrivant pas à s'empêcher que l'on se rit de lui-même (comme avec son dénouement invraisemblable), à travers un méli-mélo de discours à moitié cuit allant de l'autonomisation féminine à l'instrumentalisation - souvent perverse - des idéaux progressistes, en passant par la frustration sexuelle moderne et le renversement des relations de pouvoir entre les sexes.
Dommage car sa distribution est elle au diapason, d'un Harris Dickinson charismatique en bad boy espiègle à une Nicole Kidman qui fait du Nicole Kidman - donc grandiose -, et qui n'a pas peur de questionner son propre rapport à la chirurgie esthétique.
Mais à trop nous balancer dans la poire qu'il n'y a rien de mal - et même aucun véritable danger, émotionnel comme intime et professionnel - dans la domination light et les ébats de ses anti-héros (pas si) perfectibles (jusqu'à la présence marquée d'une figure maritale tellement ouverte d'esprit, qu'une rupture d'anévrisme n'est jamais loin), à trop réfréner ses propres élans torrides, Babygirl est paradoxalement ce qu'il pointe : une œuvre frustrante sur la frustration, rarement passionnant car il est dénué de passion, sexy mais jamais vraiment endiablé.
Le souci quand on opère moins une subversion moderne du thriller érotique sauce (mélo) drame psychosexuel, qu'un usage scrupuleux de tous ses tropes...
Jonathan Chevrier