[CRITIQUE] : Nosferatu
Réalisateur : Robert Eggers
Avec : Lily-Rose Depp, Nicholas Hoult, Bill Skarsgård, Willem Dafoe, Aaron Taylor-Johnson, Emma Corrin,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur.
Nationalité : Britannique.
Durée : 2h13min
Synopsis :
Nosferatu est une fable gothique, l’histoire d’une obsession entre une jeune femme tourmentée et le terrifiant vampire qui s’en est épris, avec toute l’horreur qu’elle va répandre dans son sillage.
Critique :
Dès les prémisses de son annonce, il y avait un dilemme assez fascinant qui collait à la pellicule du Nosferatu cuvée Robert Eggers (qu'il avait d'ailleurs pensé, un temps, comme son second effort après The VVitch) tant, à l'image du futur Frankenstein de Guillermo Del Toro (où, remontons un brin dans le passé, le King Kong de Peter Jackson), le projet étant nourrit à la fois par l'audace, culottée, du bonhomme de vouloir se frotter frontalement à la maestria des doubles efforts de Murnau et Herzog (on pourrait également citer L'Ombre du Vampire d'E. Elias Mehridge, qui se hasarde - en partie - aux mêmes velléités de relecture qu'Eggers, avec une bonne grosse tranche d'humour à la clé), mais aussi par l'espoir, chimérique, qu'il y apporte sa propre patte même s'il allait être, évidemment, être écrasé par l'héritage qu'elles imposent.
Émancipation pertinente où pur objet fétichiste d'un cinéaste un peu trop fan (aussi de ses propres effets) pour son bien, et qui s'était déjà gentiment gamellé sur son précédent long-métrage (The Northman), telle était la question donc et force est d'admettre que la vérité, passé sa vision, se situe... un brin entre les deux, voire même plus d'un côté que de l'autre.
Dans le bon comme dans le mauvais sens du terme donc, il est à la fois un vrai film fétichiste qui n'apporte pas grand chose à la popote familière dans sa lettre d'amour à l'œuvre matricielle (il reprend sans note dissonante la structure originale, titille les élans folkloriques de Werner Herzog, quelques artifices Méphistophélédiens du Fraust de Murnau tout autant qu'il épouse la langueur cauchemardesque du Dracula de Coppola, dont il reprend son érotisme totalement exacerbé et bestiale avec la même révérence assumée à l'expressionnisme allemand), mais également dans le même mouvement, un vrai film de Robert Eggers, au style à la fois incroyablement majestueux et profondément sinistre, d'une obscurité totalement déconnectée du temps et sexuellement chargée.
Du cinéma gothique autant de premier ordre que méchamment bancal, tout en mélancolie, en nécrose et en sexualité maladive par un cinéaste aussi viscéralement amoureux de sa bête (un Orlok moustachu - comme dans le roman de Stoker - qui se fait une menace étonnamment imposante et révoltante, aux antipodes du spectre prototypique de Max Schreck), qu'il est primitivement maladroit.
Une symphonie psychosexuelle tout de souffles orgasmiques et de chairs humides au dernier tiers dramatiquement intense, mais qui est tout du long plombée par une écriture caricaturale, des dialogues pompeux et même un rythme méchamment décousu, quand bien même chaque plan est pensé par Eggers comme de magnifiques peintures flamandes (boosté par une sublime photographie de Jarin Blaschke, qui rend pleinement hommage à l'expressionnisme de l'oeuvre original avec ses tons pâles et pastels mêlés d'ombres).
Écrasée par une atmosphère claustrophobe et suffocante, la distribution s'en sort elle avec un peu plus d'honneur, d'une Lily-Rose Depp qui croque un récital investi (mais pas sans fausse note) de la performance d'Isabelle Adjani dans Possession, à un Willem Dafoe qui apporte une énergie kitsch - voire Mel Brooksienne - à son professeur Albin Eberhart Von Franz (un surjeu contrôlé, que tente ridiculeusement de calquer Aaron Taylor-Johnson), en passant par un Bill Skarsgård zombiesque mais élégant - même avec la moustache du Robotnik de Jim Carrey dans Sonic -, qui assume de plus en plus son statut de comédien aux mille visages.
Mais le mal est inéluctable, et Nosferatu se fait in fine moins une histoire de romantique possession (monstrueuse/démoniaque, plus que du vampirisme puisque l'héroïne, emprisonnée dans sa propre solitude, convoque son malheur comme on intime une réponse céleste à une prière) que de sombres obsessions par un cinéaste qui peine lui-même, comme son monstre vorace et avide de vertu, à canaliser les siennes, à resserrer toutes les lignes de sa narration (cela dépasse allègrement les deux heures de bobines, là où le Murnau vise une efficacité redoutable avec quarante minutes de bout de gras en moins) tout autant qu'à ne pas susciter laborieusement l'effroi (beaucoup trop de jumpscares faciles), comme la moindre émotion (malgré l'appui brut des sonorités à l'ancienne de Craig Lathrop).
Un cinéaste qui n'arrive pas à se convaincre que son exploration - à la fièvre parfois proche du ridicule - des thèmes de la répression des désirs et des aspirations féminines (uniquement réduites à des pulsions sexuelles et bestiales), comme des envies sombres et refoulées d'une société allemande défigurée qui ne sait ni gérer ses maux, ni sa propre noirceur (et encore plus quand elle s'effondre à l'arrivée de la peste), apparaissent plus superficielles que consistantes.
Une vraie déception formellement splendide certes, mais qui suscite douloureusement l'indifférence dans son ensemble là où pourtant, l'approche voulu plus psychologique et charnelle - même si totalement dévotieuse dès le départ - par Eggers, avait tout en elle pour durablement imprimé les rétines comme les esprits.
Mais les bonnes intentions ne font pas toujours un bon film - et inversement.
Jonathan Chevrier
En 1897, Bram Stoker publie Dracula, une œuvre majeure pour le folklore européen. Bien que la figure du vampire soit connue depuis l’Antiquité sous différentes formes, c’est aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles que les récits autour de cette créature se développent. Le roman va être central dans la représentation de cette créature, notamment via la création du comte Dracula. Depuis, les histoires de vampire sont légion. De Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1922), à Morbius de Daniel Espinosa (2022), en passant par Dracula de Francis Ford Coppola (1992), nous avons quantité de revisites du mythe, pour le meilleur (mais aussi le pire). On peut naturellement se demander : est-ce que l’on a encore des choses à dire avec ces films ou bien n’avons-nous pas fait le tour du vampire ? Il semble bien que pour Robert Eggers, il reste des zones à explorer.
En effet, le réalisateur de The Northman revient en cette fin d’année avec Nosferatu. Cette nouvelle adaptation de ce récit bien connu est très attendue par les fans du réalisateur. Ce dernier, s’étant spécialisé dans la revisite de la mythologie européenne, nous propose une nouvelle œuvre dans la digne lignée de ses autres films d’épouvante. Sombre, profond, violent, il continue l’exploration des thèmes qui lui sont chers : le rapport des hommes avec les croyances, et notamment le conflit entre modernité et religion.
Les premières images diffusées sur internet de ce film annonçaient une réalisation et une photographie aussi précises et efficaces que ses précédents longs-métrages. Eggers joue avec les ombres, plongeant le spectateur dans une angoisse et une peur constante. La prédominance d’un noir bleuté, simulant une nuit constante, nous fait comprendre que la menace de Nosferatu est omniprésente. Le fait que l’on voit très peu l’apparence complète de cette créature appuie son aura mortelle. Seule la lueur du feu de torche ou de cheminée nous montre un peu d’espoir. Cela montre ainsi le conflit entre la crainte des superstitions et mythes d'antan face à l’apport réconfortant de la modernité et de la civilisation. Un sujet majeur qui est présenté dès le début du film avec la rencontre entre Thomas Hutter (Nicholas Hoult) et un groupe de tziganes qui opère un rite étrange, ainsi que quelques minutes plus tard, lorsque l’on apprend les raisons qu’annonce le comte Orlok (Bill Skarsgård) sur pourquoi il cherche à s’installer à l’étranger : vouloir s’éloigner de “ces vieilles superstitions”. Au fur et à mesure que le récit avance, Eggers nous fait peu à peu comprendre l’importance des croyances, et l’impuissance de la modernité sur certains sujets.
Des thématiques intéressantes à explorer et détailler, mais qui ne sont que brièvement abordées via quelques phrases ou détails de mise en scène. Mais le film s’empare d’autres thématiques propres aux récits de vampire (la sensualité/sexualité, le rapport à la mort, ou encore le féminisme) sans jamais les traiter en profondeur. Et c’est sûrement l’un des problèmes majeurs de Nosferatu. Il n’arrive jamais à aller plus loin que son récit, restant constamment en surface. On revient donc à la problématique de base : peut-on raconter de nouvelles choses sur le mythe de Dracula ? La version d’Eggers n’apporte pas grand-chose aux précédentes itérations, se contentant de citer platement les anciennes œuvres. Il tente tant bien que mal de cocher les cases et étapes d’un récit que l’on connaît déjà par cœur, étirant juste certaines scènes. Cela donne ainsi un film beaucoup trop long avec un rythme mal géré.
Le tout étant desservi par une écriture très lourde dans ses dialogues, essayant de copier la façon de parler de l’époque. Mais, le rendu donne juste quelque chose de trop littéraire et peu naturel. À cela s’ajoute un casting en sur-jeu constant, notamment une Lily-Rose Depp qui alterne entre le ridicule par instant et une expression faciale inexistante. Seuls Nicholas Hoult et Willem Dafoe arrivent à s’en sortir avec ce qu’on leur donne (notamment le second qui semble s’amuser dans son rôle de spécialiste de l’occulte). Au final, les moments les plus passionnants sont ceux n’ayant pas ou peu de dialogues tant le reste est d’une lourdeur.
Nosferatu est passionnant dans sa réalisation et sa photographie, mais se plante totalement dans ses thématiques qu’il ne fait que citer sans les explorer. Un film qui peut divertir par instants, mais qui manque tout de même d’épouvante, parfois ridicule, souvent trop long, et n’apportant pas grand-chose à la quantité d’adaptations déjà existantes des histoires de vampire.
Avec : Lily-Rose Depp, Nicholas Hoult, Bill Skarsgård, Willem Dafoe, Aaron Taylor-Johnson, Emma Corrin,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur.
Nationalité : Britannique.
Durée : 2h13min
Synopsis :
Nosferatu est une fable gothique, l’histoire d’une obsession entre une jeune femme tourmentée et le terrifiant vampire qui s’en est épris, avec toute l’horreur qu’elle va répandre dans son sillage.
Critique :
#Nosferatu à la pellicule coincée entre les sièges du sublime cauchemar gothique et du trip fétichiste vide et bancal. Une symphonie tout en mélancolie, en nécrose et en sexualité maladive par un Robert Eggers aussi viscéralement amoureux de sa bête qu'il est aveuglé par celle-ci pic.twitter.com/zZIsYBtBuz
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 21, 2024
Dès les prémisses de son annonce, il y avait un dilemme assez fascinant qui collait à la pellicule du Nosferatu cuvée Robert Eggers (qu'il avait d'ailleurs pensé, un temps, comme son second effort après The VVitch) tant, à l'image du futur Frankenstein de Guillermo Del Toro (où, remontons un brin dans le passé, le King Kong de Peter Jackson), le projet étant nourrit à la fois par l'audace, culottée, du bonhomme de vouloir se frotter frontalement à la maestria des doubles efforts de Murnau et Herzog (on pourrait également citer L'Ombre du Vampire d'E. Elias Mehridge, qui se hasarde - en partie - aux mêmes velléités de relecture qu'Eggers, avec une bonne grosse tranche d'humour à la clé), mais aussi par l'espoir, chimérique, qu'il y apporte sa propre patte même s'il allait être, évidemment, être écrasé par l'héritage qu'elles imposent.
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Émancipation pertinente où pur objet fétichiste d'un cinéaste un peu trop fan (aussi de ses propres effets) pour son bien, et qui s'était déjà gentiment gamellé sur son précédent long-métrage (The Northman), telle était la question donc et force est d'admettre que la vérité, passé sa vision, se situe... un brin entre les deux, voire même plus d'un côté que de l'autre.
Dans le bon comme dans le mauvais sens du terme donc, il est à la fois un vrai film fétichiste qui n'apporte pas grand chose à la popote familière dans sa lettre d'amour à l'œuvre matricielle (il reprend sans note dissonante la structure originale, titille les élans folkloriques de Werner Herzog, quelques artifices Méphistophélédiens du Fraust de Murnau tout autant qu'il épouse la langueur cauchemardesque du Dracula de Coppola, dont il reprend son érotisme totalement exacerbé et bestiale avec la même révérence assumée à l'expressionnisme allemand), mais également dans le même mouvement, un vrai film de Robert Eggers, au style à la fois incroyablement majestueux et profondément sinistre, d'une obscurité totalement déconnectée du temps et sexuellement chargée.
Du cinéma gothique autant de premier ordre que méchamment bancal, tout en mélancolie, en nécrose et en sexualité maladive par un cinéaste aussi viscéralement amoureux de sa bête (un Orlok moustachu - comme dans le roman de Stoker - qui se fait une menace étonnamment imposante et révoltante, aux antipodes du spectre prototypique de Max Schreck), qu'il est primitivement maladroit.
Une symphonie psychosexuelle tout de souffles orgasmiques et de chairs humides au dernier tiers dramatiquement intense, mais qui est tout du long plombée par une écriture caricaturale, des dialogues pompeux et même un rythme méchamment décousu, quand bien même chaque plan est pensé par Eggers comme de magnifiques peintures flamandes (boosté par une sublime photographie de Jarin Blaschke, qui rend pleinement hommage à l'expressionnisme de l'oeuvre original avec ses tons pâles et pastels mêlés d'ombres).
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Écrasée par une atmosphère claustrophobe et suffocante, la distribution s'en sort elle avec un peu plus d'honneur, d'une Lily-Rose Depp qui croque un récital investi (mais pas sans fausse note) de la performance d'Isabelle Adjani dans Possession, à un Willem Dafoe qui apporte une énergie kitsch - voire Mel Brooksienne - à son professeur Albin Eberhart Von Franz (un surjeu contrôlé, que tente ridiculeusement de calquer Aaron Taylor-Johnson), en passant par un Bill Skarsgård zombiesque mais élégant - même avec la moustache du Robotnik de Jim Carrey dans Sonic -, qui assume de plus en plus son statut de comédien aux mille visages.
Mais le mal est inéluctable, et Nosferatu se fait in fine moins une histoire de romantique possession (monstrueuse/démoniaque, plus que du vampirisme puisque l'héroïne, emprisonnée dans sa propre solitude, convoque son malheur comme on intime une réponse céleste à une prière) que de sombres obsessions par un cinéaste qui peine lui-même, comme son monstre vorace et avide de vertu, à canaliser les siennes, à resserrer toutes les lignes de sa narration (cela dépasse allègrement les deux heures de bobines, là où le Murnau vise une efficacité redoutable avec quarante minutes de bout de gras en moins) tout autant qu'à ne pas susciter laborieusement l'effroi (beaucoup trop de jumpscares faciles), comme la moindre émotion (malgré l'appui brut des sonorités à l'ancienne de Craig Lathrop).
Un cinéaste qui n'arrive pas à se convaincre que son exploration - à la fièvre parfois proche du ridicule - des thèmes de la répression des désirs et des aspirations féminines (uniquement réduites à des pulsions sexuelles et bestiales), comme des envies sombres et refoulées d'une société allemande défigurée qui ne sait ni gérer ses maux, ni sa propre noirceur (et encore plus quand elle s'effondre à l'arrivée de la peste), apparaissent plus superficielles que consistantes.
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Une vraie déception formellement splendide certes, mais qui suscite douloureusement l'indifférence dans son ensemble là où pourtant, l'approche voulu plus psychologique et charnelle - même si totalement dévotieuse dès le départ - par Eggers, avait tout en elle pour durablement imprimé les rétines comme les esprits.
Mais les bonnes intentions ne font pas toujours un bon film - et inversement.
Jonathan Chevrier
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En 1897, Bram Stoker publie Dracula, une œuvre majeure pour le folklore européen. Bien que la figure du vampire soit connue depuis l’Antiquité sous différentes formes, c’est aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles que les récits autour de cette créature se développent. Le roman va être central dans la représentation de cette créature, notamment via la création du comte Dracula. Depuis, les histoires de vampire sont légion. De Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1922), à Morbius de Daniel Espinosa (2022), en passant par Dracula de Francis Ford Coppola (1992), nous avons quantité de revisites du mythe, pour le meilleur (mais aussi le pire). On peut naturellement se demander : est-ce que l’on a encore des choses à dire avec ces films ou bien n’avons-nous pas fait le tour du vampire ? Il semble bien que pour Robert Eggers, il reste des zones à explorer.
En effet, le réalisateur de The Northman revient en cette fin d’année avec Nosferatu. Cette nouvelle adaptation de ce récit bien connu est très attendue par les fans du réalisateur. Ce dernier, s’étant spécialisé dans la revisite de la mythologie européenne, nous propose une nouvelle œuvre dans la digne lignée de ses autres films d’épouvante. Sombre, profond, violent, il continue l’exploration des thèmes qui lui sont chers : le rapport des hommes avec les croyances, et notamment le conflit entre modernité et religion.
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Les premières images diffusées sur internet de ce film annonçaient une réalisation et une photographie aussi précises et efficaces que ses précédents longs-métrages. Eggers joue avec les ombres, plongeant le spectateur dans une angoisse et une peur constante. La prédominance d’un noir bleuté, simulant une nuit constante, nous fait comprendre que la menace de Nosferatu est omniprésente. Le fait que l’on voit très peu l’apparence complète de cette créature appuie son aura mortelle. Seule la lueur du feu de torche ou de cheminée nous montre un peu d’espoir. Cela montre ainsi le conflit entre la crainte des superstitions et mythes d'antan face à l’apport réconfortant de la modernité et de la civilisation. Un sujet majeur qui est présenté dès le début du film avec la rencontre entre Thomas Hutter (Nicholas Hoult) et un groupe de tziganes qui opère un rite étrange, ainsi que quelques minutes plus tard, lorsque l’on apprend les raisons qu’annonce le comte Orlok (Bill Skarsgård) sur pourquoi il cherche à s’installer à l’étranger : vouloir s’éloigner de “ces vieilles superstitions”. Au fur et à mesure que le récit avance, Eggers nous fait peu à peu comprendre l’importance des croyances, et l’impuissance de la modernité sur certains sujets.
Des thématiques intéressantes à explorer et détailler, mais qui ne sont que brièvement abordées via quelques phrases ou détails de mise en scène. Mais le film s’empare d’autres thématiques propres aux récits de vampire (la sensualité/sexualité, le rapport à la mort, ou encore le féminisme) sans jamais les traiter en profondeur. Et c’est sûrement l’un des problèmes majeurs de Nosferatu. Il n’arrive jamais à aller plus loin que son récit, restant constamment en surface. On revient donc à la problématique de base : peut-on raconter de nouvelles choses sur le mythe de Dracula ? La version d’Eggers n’apporte pas grand-chose aux précédentes itérations, se contentant de citer platement les anciennes œuvres. Il tente tant bien que mal de cocher les cases et étapes d’un récit que l’on connaît déjà par cœur, étirant juste certaines scènes. Cela donne ainsi un film beaucoup trop long avec un rythme mal géré.
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Le tout étant desservi par une écriture très lourde dans ses dialogues, essayant de copier la façon de parler de l’époque. Mais, le rendu donne juste quelque chose de trop littéraire et peu naturel. À cela s’ajoute un casting en sur-jeu constant, notamment une Lily-Rose Depp qui alterne entre le ridicule par instant et une expression faciale inexistante. Seuls Nicholas Hoult et Willem Dafoe arrivent à s’en sortir avec ce qu’on leur donne (notamment le second qui semble s’amuser dans son rôle de spécialiste de l’occulte). Au final, les moments les plus passionnants sont ceux n’ayant pas ou peu de dialogues tant le reste est d’une lourdeur.
Nosferatu est passionnant dans sa réalisation et sa photographie, mais se plante totalement dans ses thématiques qu’il ne fait que citer sans les explorer. Un film qui peut divertir par instants, mais qui manque tout de même d’épouvante, parfois ridicule, souvent trop long, et n’apportant pas grand-chose à la quantité d’adaptations déjà existantes des histoires de vampire.
Livio Lonardi