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[CRITIQUE] : Beetlejuice Beetlejuice


Réalisateur : Tim Burton
Avec : Michael Keaton, Jenna Ortega, Winona Ryder, Catherine O'Hara, Willem Defoe, Justin Theroux, Monica Bellucci, Danny DeVito,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Comédie, Fantastique, Épouvante-Horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h11min 

Synopsis :
Après une terrible tragédie, la famille Deetz revient à Winter River. Toujours hantée par le souvenir de Beetlejuice, Lydia voit sa vie bouleversée lorsque sa fille Astrid, adolescente rebelle, ouvre accidentellement un portail vers l’Au-delà. Alors que le chaos plane sur les deux mondes, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un ne prononce le nom de Beetlejuice trois fois et que ce démon farceur ne revienne semer la pagaille…




Critique :



" C'est l'heure de réveiller les morts ".

Une tagline toute simple (chipée à La Famille Addams, les vrais savent), balancée de manière anodine sur l'affiche du film symbolise, ironiquement, à peu près tout ce qui va mal aussi bien au sein même de cette suite beaucoup trop tardive pour son bien, mais aussi et surtout au cœur d'une Hollywood volontairement engoncée dans la SOS FanZone des 80s depuis une petite décennie maintenant, lancée à toute allure et en mode pilote automatique dans un interminable processus de recyclage nostalgique de tout produit un tant soit peu populaire et/où fédérateur, venu du passé.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc. / Parisa Taghizadeh

Pas un si gros souci en soit finalement (on est tous un peu client de ce genre de propositions, même si beaucoup n'arriveront ou ne voudront pas l'admettre), si la quasi-intégralité de ce revival opportuniste ne cherchait pas uniquement - et inutilement - à plus jouer avec le passé qu'à le réinventer, par le biais d'exhumations dénaturant (trop) souvent l'aura d'œuvres dont elles revendiquent pourtant la filiation.
Alors certes, à sa décharge, Tim Burton essayait justement de " réveiller les morts " (comprendre : surtout son cinéma) à travers Beetlejuice depuis plus de quinze ans, à coups de multiples réécritures opérées par des scénaristes aux C.V. pas toujours défendables, un fait l'éjectant donc en partie de ce phénomène de gangbangisation à outrance devenu un effet de mode irritant, quand bien même l'opportunisme derrière sa volonté acharnée de revenir aux sources d'un mojo qui semblait l'avoir définitivement quitté, était difficile à totalement masquer.

Et si appeler trois fois l'excentrique et démoniaque « bio-exorciste », comme appeler cinq fois Candyman, à un coût chaotique, l'idée d'invoquer les plus belles heures de sa filmographie pour Burton en a, au moins, un d'hautement tragique sur le papier : l'aveu d'échec criant face à son incapacité à être depuis trop longtemps (Big Fish ?), un fantastique conteur d'histoires singulières et merveilleusement divertissantes.
Passé ce constat, évident avant même de rentrer dans une salle obscure, il était donc de rigueur de prendre Beetlejuice Beetlejuice pour ce qu'il devait être, à savoir une séance aussi dispensable que savamment calibrée pour plaire, jouant pour le meilleur comme pour le pire, avec la nostalgie du spectateur et la sienne.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc. / Parisa Taghizadeh

Et contre toute attente, s'il est toujours facile de distinguer l'inspiration de ses reflets (il est indéniable que cette suite est avant tout construite autour de rappels et d'échos plus où moins appuyés, au film original), de trier les fantômes d'idées trompeusement brillantes et celles plutôt chouettes, la vraie surprise vient du fait que le cinéaste semble enfin s'amuser derrière une caméra, semble enfin renouer avec son sens de l'humour anarchique et son amour de la caricature comique, au sein d'un divertissement merveilleusement réconfortant et... comme redouté plus haut, un poil trompeur également.
Dans ce retour cotonneux et rocambolesque à Winter River, Burton fait s'entremêler le passé, le présent et le futur à la fois de son propre cinéma, mais également de toute une industrie basée sur la capitalisation du rêve.

Comme de nombreuses productions actuelles, le bonhomme base ses fondements imaginatifs et créatifs sur l'analogie, la correspondance avec ce qui existe déjà (le film de 1988 mais aussi et surtout, l'imaginaire collectif de l'idée baroque de ce que le spectateur peut se faire de son cinéma), pour mieux construire une nouvelle odyssée autant que de certifier, volontairement où non, que ce qui a été n'est plus, et ne sera sans doute plus jamais.
Car s'il brille en nous invitant, dès l'incipit, à danser avec lui un ballet d'hommages et de citations nostalgiques plutôt bien digérées il est vrai (plus en tous cas, qu'un S.O.S. Fantômes : L'héritage, qui avait une plus nette tendance à larguer sur le bord de la route, les non-initiés au film original), il échoue dans le même temps à chaque tentative de pleinement se renouveler, à chaque tentative d'ajouter quelque chose de significatif au-delà de l'exhumation de son propre cinéma - pas au niveau de la série Mercredi certes, mais la prévisibilité de l'écriture y est semblable.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc. / Parisa Taghizadeh

Sans doute un peu malgré elle, la narration donne la fâcheuse impression que les scénaristes (Alfred Gough et Miles Millar, co-scénaristes de Mercredi) n'ont pu qu'en partie, réfréner ce désir de célébration prévisible du passé pour voguer vers de nouveaux horizons, sentiment qui se ressent d'autant plus passé une première heure qui, mine de rien jusque-là, inscrivait ses deux héroïnes dans un contexte méchamment accrocheur : une Lydia Deetz devenue une célèbre chasseuse de fantômes à la télévision, usée par une machine à rêve ayant peu à peu grignoté la jeune gamine intrépide en elle (toute ressemblance avec le cinéaste est, assurément, consentie), mais aussi et surtout qui l'a éloigné sa fille, Astrid, ado angoissée et esseulée comme elle pouvait l'être plus jeune.
Deux femmes fortes qui désespèrent d'obtenir l'amour et l'attention de l'autre mais qui se heurtent aux propres barrières qu'elles se sont instaurées, le scepticisme ferme d'Astrid à l'égard des fantômes d'un côté, et la détermination louable de Lydia de l'autre, d'éloigner sa fille d'un monde des morts qui l'a traumatisé.

À tel point que ce gouffre émotionnel permet à des prédateurs masculins de s'immiscer dans leur existence et de les fragiliser, de déguiser leurs ambitions à travers des romances de façade, dont Beetlejuice, définitivement le moins subtil des trois, qui est toujours obsédé par son mariage avec Lydia, trois décennies plus tard.
Mais cette voie, cette propension qu'elles ont de se perdre pour mieux combler les vides de leur vie, aussi intrigante que propice à l'empathie et à l'émotion, est vite sacrifiée sur l'autel d'un fan service qui, paradoxalement une nouvelle fois, est également un mal pour un bien tant c'est le (plus ou moins lourd) tribu à payer pour que Tim Burton se ressente à l'aise à nouveau, pour qu'il soit un tant soit peu inventif, drôle et malicieux : être un freak au milieu de ses propres freaks, un faiseur de rêves recyclant ses vieilles popotes aux côtés de quelques-unes de ses âmes de confiance (Ryder, Keaton, Ortega, O'Hara).

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc. / Parisa Taghizadeh

Puisque oui, au fond, Beetlejuice Beetlejuice n'est pas tant voué à jouer la carte de la psychanalyse (la masculinité et les unions/mariages toxiques, so Hollywood, les craintes du changement climatique esquissé autour d'Astrid où même, plus directement, le désir de chaque femme du film à vouloir reprendre le contrôle de sa propre existence et de son propre corps), qu'à être une œuvre auto-référentielle et surchargée (même si le transfert de pouvoir nostalgique ne fonctionne donc pas totalement, que ce soit le côté bricolé de l'original où même l'absence des personnages historiques, jamais réellement masquée par les nouveaux) qui ne laisse pas où peu de place à la nouveauté (encore une fois, le traitement des petits nouveaux, tant aucun d'entre eux exceptés Astrid, n'a d'espace narratif pour être à la fois significatif et mémorable), et où Burton parvient néanmoins à retranscrire son propre rapport à l'inévitable et implacable passage du temps, au moins autant que son rapport à un imaginaire Hollywoodien qu'il a nourrit mais dans lequel il ne se reconnaît plus - quand bien même il en est encore le pion.

Et puis, dans ce brouhaha anarchique et tendre à la fois, surnage un petit miracle qu'il est impossible de ne pas mentionner : la performance extraordinaire de Michael Keaton, qui retrouve le costume de Beetlejuice comme s'il ne l'avait jamais quitté (à la différence de son costume de Batman dans The Flash, come-back monumentalement saccager par Andy Muschietti alors qu'il avait encore plus de potentiel qu'ici), se pavanant joyeusement dans le seul cadre possible qui puisse canaliser, sublimer son talent hors du commun, même si la malice du personnage perd un peu de sa puissance en l'absence d'une innocence plus marquée face à lui, symbole aussi d'un monde devenu plus morose (et sinistre) en trois décennies.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc. / Parisa Taghizadeh

Dans un sens, Beetlejuice Beetlejuice se fait presque, au final, à l'image de la - toujours - magnifique Monica Bellucci, muse du réalisateur et ici figure romantique merveilleusement Burtonienne (un mix entre Emily, la mariée défunte des Noces Funèbres, et Sally de L'Étrange Noël de monsieur Jack) : une âme rapiécée revenue de l'au-delà, une menace dans le fond pas assez sculptée pour n'être plus que douloureusement inoffensive, mais que l'on pourrait suivre sans broncher dans le moindre couloir froid et labyrinthique de l'au-delà.

Et au film du temps, on a beaucoup, sans doute trop parfois, suivi le papa de Sleepy Hollow dans l'au-delà...


Jonathan Chevrier





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