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[CRITIQUE] : I Saw The TV Glow


Réalisatrice : Jane Schoenbrun
Avec : Justice Smith, Brigette Lundy-Paine, Ian Foreman, Helena Howard,…
Distributeur : - (Sony Pictures Home Entertainment)
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Deux adolescents marginaux voient leur émission de télé favorite être annulée subitement. La frontière entre ce qui est réel et ce qui est de la fiction commence peu à peu à s'estomper.



Critique :



I Saw The TV Glow est de ses expériences qui marquent durablement la rétine, de ses séances dont on a de cesse de penser, d'en parler même longtemps après sa découverte, pas uniquement pour sa fin percutante, tant Jane Schoenbrun implique continuellement à son auditoire de déceler les différentes vérités derrière ces images, plurielles parce que merveilleusement complexes.

De l'étrangeté déroutante de notre ère du tout connecté dans We’re All Going to the World’s Fair, déjà vissé sur la dysphorie de genre et la transformation d'une adolescente solitaire, Schoenbrun privilégie cette fois une immersion tout aussi expérimentale et " ancienne ", flanquée à une ère pré-internet : celle tout aussi obsessionnelle et profonde dans le fandom des émissions télévisées et de l'emprise que peut avoir un show sur nous-même, dont elle se sert pour délivrer une allégorie puissante et enivrante sur la notion identité.

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L'histoire, plutôt simple sur le papier, suit plusieurs années dans l'existence d'Owen, gamin issu d'un contexte familial difficile qui deviendra un jeune homme timide, profondément maladroit et solitaire, dont le seul réconfort reside à suivre scrupuleusement le moindre épisode d'une émission télévisée culte de fin de soirée, The Pink Opaque - où deux jeunes femmes, Isabel et Tara, partagent une connexion psychique, outil essentiel dans leur combat contre le sinistre M. Melancholy et ses sbires maléfiques.
Le show, c'est intimement notre Buffy contre les vampires (voire un peu, notre Charmed), cette série riche en sous-textes et en allusions plus où moins directes, qui allait décemment plus loin que son unique statut de petit divertissement fantastique, où de jeunes adultes combattaient par vocation où par destinée, des forces surnaturelles qui menaçaient aussi bien leurs proches, que le monde.

Owen est attiré dans le fandom tout en mythologie et en sens cachés de la série par une adolescente légèrement plus âgée, sa future amie Maddy, qui considère la série comme plus réelle que la vraie vie, elle qui désespère d'échapper à sa situation et qui voit en elle, une puissante forme d'évasion.
Elle est convaincue du pouvoir instructif de la série, un véritable refuge pour eux, et désire que son jeune ami, tout comme elle, l'accepte.
Idée qui va progressivement germer en Owen, qui a du mal à comprendre son lien intense avec la série, qui lui fait entrevoir la possibilité d’une autre vie, d'un destin et d'une affirmation de soi à pleinement réaliser.
Mais dès que Maddy quitte la ville, The Pink Opaque disparaît des ondes...

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C'est son périple à travers sa psychologie complexe et son aliénation progressive, le portrait amèrement nostalgique et mélancolique de son spleen et de sa crise identitaire, tout en négation et en confusion, qui sert de terreau fantastique à ce coming of age onirique et symbolique sous forte influence Lynchienne, tournée autour d'une métaphore brillante (puisque ni didactique, ni aborder frontalement, tant elle est intelligemment suggérée à travers l’identification d’Owen au personnage Isabel) et subtile (malgré les couleurs flashies so 90s, pointant lourdement la distorsion du jeune homme) de la transidentité, tant chaque épisode permet à son jeune et maladroit héros de découvrir quelque chose sur lui-même, d'affronter ses propres luttes intérieures, de se (re)trouver.

Vraie expérience sensorielle séduisante et insaisissable, vouée autant à bouleverser qu'à bousculer son auditoire, I Saw The TV Glow est de ces œuvres à part, qui arpente sans trébucher le chemin sinueux et émouvant de la découverte de soi face au déni.
Nostalgique, tragique et incroyablement recommandable.


Jonathan Chevrier