Breaking News

[LES CARNETS DE L’ÉTRANGE] : Dernier jour + Palmarès

Étrange Festival cuvée 2021 : Jour 12 + Palmarès.


Le rendez-vous de la rentrée pour les cinéphiles parisiens a été, comme chaque année, L’Étrange Festival et son lot de curiosités venues des quatre coins du monde. Né en 1993, l’évènement a pris place, cette année et comme d’habitude, au Forum des images, dans le centre de la capitale. C’est un immanquable pour tous les passionnés d’horreurs, de genre, de bizarre, de tout ce qui sort des écrans conventionnels et qu’on ne verrait pas ailleurs. Cette année, le festival a proposé sa traditionnelle compétition, sa sélection Mondovision, ses découvertes de nouveaux talents et ses trouvailles de documentaires mais aussi des cartes blanches et focus. La réalisatrice Lynne Ramsay a ainsi amené quelques œuvres avec elle, tout comme Pierre Bordage. On y a retrouvé, enfin, des projections des films de Atsushi Yamatoya, un focus Fred Halsted et trois films de Yûzô Kawashima.

C’était un programme fort alléchant auquel on a été ravis d’assister. Nos rédacteurs se sont fait un plaisir de découvrir, pour vous, ces inédits ou ces rétrospectives.

Cette introduction, que vous avez peut-être lu tous les jours pendant une semaine et demie, est à présent au passé puisque L’Etrange Festival cuvée 2021 s’est terminé dimanche 19 septembre. Nous avons profité, jusqu’à la toute dernière séance, de cet évènement et nous revenons sur cette dernière journée ainsi que sur le palmarès de la compétition.

Manon s’est d’abord dirigée vers Bruno Reidal, projeté dans le cadre de la catégorie Mondovision, après avoir été remarqué à la Semaine de la critique lors du dernier Festival de Cannes. Ce film français, réalisé par Vincent Le Port, est tiré d’une histoire vraie. En 1905, dans le Cantal, un jeune paysan et séminariste de 17 ans se livre à la police pour le meurtre d’un de ses camarades. Les psychiatres tentent de comprendre ses motivations, Bruno se lance alors dans le récit de sa vie, revenant à la source de ses pulsions meurtrières. Notre rédactrice parle de cette découverte : « Les tueurs ont la côte en ce moment, il suffit de regarder le nombre de vidéos de true crime qui florissent tous les jours sur Youtube, pour le plus grand plaisir de ce qui sont souvent des jeunes femmes. Mais ne nous lançons pas dans une analyse de ce succès auprès de ce public, concentrons-nous plutôt sur la représentation de ces êtres humains souvent qualifiés de monstres. Parfois objets de fascination, mis sur un piédestal, à travers lequel la souffrance des victimes est oubliée, les tueurs sont un sujet pas toujours facile à aborder, d’autant plus quand il s’agit d’une histoire vraie. Vincent Le Port se concentre ici sur un fait qui date du siècle dernier, bien avant les théories de profilage du FBI, et en tire une mise en scène minimaliste, pour un film épuré. Bruno Reidal a une composition assez littéraire, porté par une voix off assez présente, ce qui pourrait être un défaut, mais contribue finalement à apporter ce que l’image ne parvient pas à retranscrire complètement : l’envie de tuer. Ce tourment s’associe à la force de la religion et à un milieu social pauvre, souvent rude. »

© D.R.

L’Etrange Festival a aussi proposé des moments magiques, comme un ciné-concert du film Le Fantôme du Moulin Rouge de René Clair (1925). Léa en est ressortie enchantée : « Ce fut une séance magique et privilégiée pour cette dernière journée de festival : ce très beau film muet, accompagné au piano par Serge Bromberg, a tout du petit bijou de drôlerie, vintage et nostalgique. Le Paris des années folles, cristallisé au Moulin Rouge entre les danseuses de French Cancan, est sublimé par le regard espiègle du réalisateur. L’histoire est enfantine, certes, mais dans le meilleur des sens ; un conte plein de bons sentiments qui s’autorise quelques batailles comiques, des séances d’escalades sur les Grands Boulevards, et des envolées fantomatiques dans le ciel de la Capitale. Il faut un petit temps d'adaptation pour prendre goût au rythme saccadé du film, mais on se laisse bien vite transporter. Une séance étrange et mémorable. »

© D.R.

On est resté dans la magie grâce à une surprise de taille pour les festivaliers : Donnie Yen a fait l’honneur de sa présence pour la projection de Raging Fire, en clôture de cette édition. Ce film hongkongais réalisé par le regretté Benny Chan, suit Shan, un flic exemplaire et admiré de tous. Mais lors d’une opération d’infiltration, la police est doublée par des justiciers masqués dirigés par Ngo, son ancien protégé : son passé refait alors surface…

John nous en parle un peu : « Plaçant son auditoire en terrain aussi familier que conquis, avec son intrigue prétexte voyant un policier intransigeant et intègre, Cheung Sung-pong, se lancer avec son ex-protégé en disgrâce devenu criminel Yau Kong-ngo (emprisonné à tort et abandonné par tous, il privilégiera le côté obscur à sa sortie de prison), dans un jeu du chat et de la souris qui ne peut qu'accoucher d'une confrontation titanesque et jouissive; le film ne réinvente absolument pas le genre (et ce n'est absolument pas son but), mais peut intimement se voir non pas comme une prostration mais bien comme une ode sanglante et héroïque à une époque révolue, un chant du cygne sous fond - tragiquement - de renaissance, ou un maelström de thématiques mélodramatiques (rédemption, fraternité, devoir, honneur,...) épousent fougueusement un généreux tourbillon de violence et de sensations fortes. » La pensée de notre rédacteur en chef a été développée dans une critique que vous pouvez retrouver juste ici.

Léa avait des étoiles dans les yeux : « Cette cérémonie de clôture ne pouvait pas se dérouler en plus grande pompe : en plus du palmarès impeccable où la magie de la vidéo à distance laissait place à l’émotion (même en cas de problèmes techniques, comme pour le légendaire Phil Tippett), l’étrange s’offrait cette année rien de moins que l’immense Donnie Yen comme invité d’honneur. Généreux et offrant même de répondre à des questions, l’acteur rend hommage au réalisateur disparu de ce thriller hongkongais pur jus. Le film en soi est classique dans son intrigue, mais sait mettre à profit son acteur principal pour gérer des scènes d’actions géniales au sound design percutant. Les chorégraphies sont impressionnantes, c’est violent mais grand public, et les méchants seront bien gardés : bref, tout ce qu’on attend d’un film de Donnie Yen. Une séance géniale, qui clôt parfaitement cette 27e édition, riche de belles séances, de beaux invité.es, et de belles rencontres cinéphiles ! »

Courtesy of Well Go USA

La clôture a été l’occasion de récompenser les lauréats du prix du public et prix Nouveau Genre (attribué par Canal +). Le prix du public est revenu à une œuvre qui a séduit nos rédacteur.ice.s présents au festival. Manon disait de lui que c’était « clairement le meilleur film de la compétition Nouveau Genre », Léa parlait d’une « vraie claque étrange », John en tirait une critique complète qui obtenait la note de 4 étoiles sur 5… Il s’agit de Mad God de Phil Tippett. Si aucune distribution n’est à ce jour prévue dans les salles françaises, on ne peut qu’espérer que le vent changera, pour que cette œuvre soit découverte dans les meilleures conditions possibles, par le plus grand nombre.

© D.R.

C’est, de son côté, The Innocents de Eskil Voght qui a été récompensé par Canal +. « C’est un peu Céline Sciamma qui aurait décidé d’adapter Sa majesté des mouches, avec une petite dose de pouvoirs magiques, qui sont plus un prétexte pour singulariser les personnages qu’un réel enjeu du film. » selon Eléonore. Manon a affirmé que « même si le film est un peu facile bien que difficilement soutenable sur l’horreur de son début, il s’affine dans la représentation de l’enfance et devient touchant. On ressort de The Innocents en ne marchant pas complètement droit mais on est forcé d’admettre qu’il est réussi. ». Léa lui a reproché quelques défauts « Le film prend son temps, d’ailleurs un peu trop, pour instaurer une ambiance malaisante et progressivement violente ; mais il se perd dans un dernier tiers où les enjeux s’auto-annulent » tout en soulignant le jeu de la jeune Rakel Leonora Flottum, « bluffante de maturité, elle est tout autant glaçante qu’attendrissante. » Enfin, John en a écrit une critique complète, au cours de laquelle il attribuait la note de 4/5 à ce « cauchemar cruel et réaliste sur l’enfance ». The Innocents sortira dans les salles françaises en février 2022.

Copyright Droits réservés

Enfin, du côté des court-métrages, le prix du public a été remis à Sexy Furby de Nicole Daddona et Adam Wilder (USA), tandis que Canal + a choisi le français Friandise de Rémi Barbe.

L’autre clôture du festival, soit la toute dernière séance de cette édition (lancée à 21h45) était un peu… Alternative puisqu’il s’agissait de films X de Fred Halsted. Il s’agissait de la deuxième soirée (quatrième, si on compte les reprises) consacrée à ce réalisateur et acteur de films pornographiques quoi se définissait comme pervers avant d’être gay, affirmant que « le sadisme est plus fondamental pour [sa] personnalité que l’homosexualité. »

L.A Plays Itself (1972) ouvrait le bal, suivi de Sextool (1975). Le premier présentait une vision chorale et kaléidoscopique de différents ébats entre partenaires homosexuels en plein cœur de Los Angeles, le second était une suite hallucinatoire et expérimentale de L.A Plays Itself. Manon décrit des films « réservés au public très averti, notamment avec Sextool qui pousse la représentation SM très loin, mettant le spectateur mal à l’aise mais qui a clairement servi d’inspiration pour Gaspar Noé. Comme dans tous les films présentés dans le cadre de ce focus, L.A Plays Itself et Sextool disposent d’une bande son très présente qui souligne la tendresse, rythme l’acte ou effraie carrément. On passe d’une orgie à de la désolation, c’est fascinant. A noter que L.A Plays Itself est le second porno gay à avoir rejoint la collection du MoMA, le premier étant The Sex Garage, également diffusé lors de ce focus. »

© D.R.

Cette nouvelle édition maintenant terminée, il est temps pour nos rédacteurs de rendre leurs tops 3 des inédits du festival.

John place le grand succès Mad God en première position. Vient ensuite The Innocents à égalité avec La Fièvre de Petrov « une expérience à part », en deuxième position. Enfin, John conclue avec Lamb en troisième position et attribue la mention spéciale « attention ça gicle » à The Sadness « une expérience aussi violente et rebutante qu'elle est débridée et maîtrisée ».

Copyright Machi Xcelsior Studios

Léa, à son tour, décide de mettre en avant Censor en première position, Tin Can en deuxième position et choisit un court-métrage pour la troisième position avec Les Grandes vacances, projeté lors de l’ouverture du festival. Cette nouvelle aventure de Cowboy et Indien, toujours réalisée par les belges Vincent Patar et Stéphane Aubier, avait été décrite comme « une folle leçon de drôlerie, d’animation parfaite et d’inventivité » par notre rédactrice.

© D.R.

Manon précise qu’il s’agit d’un top suggestif en attribuant la première position à Yellow Cat, la deuxième à Mad God et la troisième à The Innocents. Notre rédactrice déplore une compétition décevante mais souligne la qualité des focus, qualifiant au passage Yuzo Kawashima d’ « élément le moins étrange de toutes les sélections confondues mais merveilleuse découverte. »

© D.R.

Notre rédactrice clôture enfin ces bilans quotidiens de la vingt-septième édition de L’Etrange Festival par les mots suivants : «22000 personnes ont été au rendez-vous, selon les chiffres envoyés par la presse et nous ne pouvons que nous réjouir de ce public présent malgré les restrictions sanitaires encore en vigueur. Cette édition a eu, comme tout festival, ses hauts et ses bas mais nous a permis de découvrir des œuvres qu’on ne verra (parfois malheureusement) pas ailleurs. Comme l’exige la tradition, les films venaient des quatre coins de la planète et certains étaient loin des conventions hollywoodiennes que l’on connaît tous. Ils seront quelques uns à sortir dans nos salles obscures, ouvrez l’œil ! Quant à nous, nous espérons retrouver l’évènement l’année prochaine, nous sommes même déjà prêts pour ça.»


La Fucking Team (Manon Franken)