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[CRITIQUE] : After Love

Réalisateur : Aleem Khan
Avec : Joanna Scanlan, Nathalie Richard, Nasser Memarzia,...
Distributeur : Rezo Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Britannique, Français.
Durée : 1h29min

Synopsis :
Le film fait partie de la Sélection Semaine de la Critique Cannes 2020

Situé dans la ville côtière de Douvres au sud de l’Angleterre, After Love suit Mary Hussain, qui, après le décès inattendu de son mari, découvre qu’il cachait un secret à seulement 34km de l’autre côté de la Manche, à Calais.



Critique :


Il y a quelque chose d'assez ubuesque dans le fait de devoir découvrir sur le tard, des films sélectionnés par l'édition 2020 du Festival de Cannes, alors que l'édition 2021 s'est déroulée il y a plusieurs mois désormais, et que des films de cette dite cuvée, ont déjà atteints les salles et même tout prochainement les bacs à DVD/Blu-ray.
Involontairement dans ce cas, After Love, premier long métrage du cinéaste anglo-pakistanais Aleem Khan, s'inspire subtilement de sa propre éducation d'héritage mixte, pour mieux nourrir une histoire émouvante sur la féminité, la religion et les liens que nous créons et rompons par la force des choses.
Le film suit les aléas de Mary Hussain, une femme anglaise qui s'est convertie à l'islam pour épouser Ahmed, qui travaille comme capitaine sur un ferry transmanche.
Son monde est bouleversé le jour ou son mari meurt, et qu'elle découvre que celui-ci avait une liaison de longue date avec une autre femme, à Calais.
Laissant derrière elle sa vie à Douvres, elle arrive en France pour rencontrer subrepticement Geneviève, qu'elle confond avec la femme de ménage qu'elle attendait pour l'aider à déménager.
S'infiltrant lentement dans la vie de la maîtresse de son mari, Mary noue une relation avec son fils, Salomon, qui s'avère également le fils de son défunt mari.
Mais évidemment, la vérité sur qui elle est réellement ne peut être cachée que plus longtemps...

Copyright After Love Production Ltd

Héritier appliqué du cinéma social britannique brute et sans concession, After Love se fait l'examen dévastateur de la domesticité, de la féminité et des sacrifices que les femmes font au quotidien, pour les hommes dans leur vie, auquel il agrémente un tendre choc des cultures de deux femmes différentes et à l'investissement intime tout aussi opposé (la femme qui se convertie et est présenté au quotidien, face à la maîtresse athée frappée par aucune attente de la part du mari, mais qui est obligé de s'adapter aux rares engagements de son amant), qui revendique l'amour du même homme.
Même s'il s'avère un peu lourd symboliquement (le monde de Mary qui s'effondre face au deuil, est représenté au sens figuré aussi bien à travers les falaises de Douvres, qu'aux fissures du plafond de sa chambre d'hôtel bon marché), Khan capture merveilleusement le chagrin sourd de son héroïne (des gros plans lents couplés à une épure salutaire de dialogues), ancrant son récit dans un réalisme palpable et déchirant (entre rancoeur et curiosité sincère), bien aidé par la partition incroyable de Joanna Scanlan (électrisante en femme qui remet en question sa vie, son corps et les choses qu'elle a sacrifiées pour l'homme qu'elle aimait).
Drame familial brute et extrêmement émouvant sur la complexité de l'amour et du deuil, After Love, qui trompe un brin son titre (les deux femmes n'ont, malgré tout, pas fini d'aimer ni même d'aimer Ahmed), se fait une oeuvre mélancolique et funambule entre un style hyperréaliste parfaitement contrebalancé par un surréalisme psychologique.
En un mot, un brillant premier passage derrière la caméra.


Jonathan Chevrier