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[CRITIQUE] : Promising Young Woman

Réalisatrice: Emerald Fennell
Avec : Carey Mulligan, Bo Burnham, Alison Brie, Connie Britton, ...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Thriller, Drame, Comédie
Nationalité : Américain, Britannique
Durée : 1h48min

Synopsis :
Tout le monde s’entendait pour dire que Cassie était une jeune femme pleine d’avenir…jusqu’à ce qu’un évènement inattendu ne vienne tout bouleverser. Mais rien dans la vie de Cassie n’est en fait conforme aux apparences : elle est aussi intelligente que rusée, séduisante que calculatrice et mène une double vie dès la nuit tombée. Au cours de cette aventure passionnante, une rencontre inattendue va donner l’opportunité à Cassie de racheter les erreurs de son passé.

 

Critique :




Promising Young Woman est peut-être le film le plus attendu de la réouverture des salles. Il signe le retour de Carey Mulligan sur le devant de la scène, sur grand écran depuis Wildlife de Paul Dano. Le film est aussi le premier long métrage de l’actrice, scénariste et réalisatrice Emerald Fennell, l'inoubliable Camilla Shand dans les saisons 3 et 4 de The Crown. La bande-annonce donnait le ton, nous promettant une atmosphère rose-bonbon “girly”, avec un personnage qui vient dézinguer du bonhomme. La culture du viol n’a qu’à bien se tenir.
Oscarisé pour son scénario original, le film d’Emerald Fennell nous emmène dans un renouveau du rape & revenge, un genre trop souvent sous la coupe d’un male gaze voyeur. La cinéaste mélange humour et ironie dès son titre. Promising Young Woman est une référence à l’étudiant Brock Turner, jugé coupable de viol mais condamné à une peine très légère. Jeune et athlète rêvant de participer aux Jeux Olympiques, le juge aurait déclaré de pas vouloir ruiner l’avenir de ce “promising young man”. L’ironie est percutante et traverse le film de son ton amère. L’ouverture est d’ailleurs particulièrement grinçante et permet de se confronter au double standard de la sexualisation des corps. Des corps d’hommes se déhanchent devant la caméra, avant de casser l’ambiance et de nous montrer dans un plan d’ensemble un groupe d’hommes totalement torché. Cassie (Carey Mulligan) l’est tout autant dans ce club, ou tout du moins, elle le fait croire. Chaque geste est millimétré. La tête qui dodeline, la voix pâteuse, le rouge à lèvre de travers, … Un “nice guy” finit toujours par tomber dans son piège et l'amène chez lui.

Copyright Universal Pictures International France

Grâce au petit carnet où Cassie fait les comptes, nous savons la quantité d’hommes qui tombent dans ce piège d’une simplicité enfantine. Le nombre fait mal et sert de miroir à la réalité. Du propre aveu de la réalisatrice, il n’y a rien dans son film qui n’ait pas déjà été traité au cinéma de façon humoristique. Si quelques séquences de Promising Young Woman font sourire, le reste fait froid dans le dos. Que ce soit le slut-shaming, les boys club, la peur de l'agression, toute la société patriarcale est passée au laser dans le regard d’Emerald Fennell, et ça fait mal. On peut certes lui reprocher une absence de subtilité, de nuance dans son récit. Mais ce n’est pas le but de la réalisatrice de faire dans la finesse. À l’image des comédies noires jusqu'au boutiste britannique, elle s'empare d’une esthétique pop et sucrée pour mieux nous surprendre. Si nous pensons savoir où le film veut nous amener, il n’en est rien. La volonté de Cassie est de renverser l’humiliation et la peur que ressentent les femmes, sur les hommes. Une scène au début porte justement ce propos, et joue sur le mystère de la revanche qu’elle fait subir à ses proies. Un liquide rouge dégouline du beignet qu’elle dévore tout en rentrant chez elle, après sa nuit au club. Un groupe de travailleurs lui font des commentaires sexistes. Cassie s’arrête et les regarde, longuement, la honte qu’elle devrait ressentir ricoche alors vers ces hommes, qui commencent par l’insulter, avant de laisser tomber et de baisser les yeux. Nous tenons là l'enjeu réel de Promising Young Woman, de questionner notre réalité et nos comportements. Si les curseurs sont au maximum, c’est pour mieux dénoncer la culture du viol, renforcée par un système d’invisibilisation et de culpabilisation des femmes.

Copyright Universal Pictures International France

Alors oui, le film d’Emerald Fennell ne fait pas dans la finesse et peut-être que son peu d’expérience dans la mise en scène dessert son propos au final. Pourtant, le message passe, grâce notamment à une sublime prestation de Carey Mulligan, qui fait de Cassie un personnage entier, tout en complexité. Promising Young Woman est une comédie noire grinçante, qui suscitera sûrement des débats houleux. Ça tombe bien, c’était son but.


Laura Enjolvy


Copyright Universal Pictures International France

Il y a des premiers longs qui marquent les rétines, autant pour leur qualité intrinsèque que pour les sujets qu'ils abordent, tant bien même s'ils sont frappés par les défauts inhérents à tout premier passage derrière la caméra.
Vraie bête de festival débarqué sur le tard dans l'hexagone, Promising Young Woman écrit et réalisé par Emerald Fennell (qui était déjà une plume et une actrice talentueuse, et qui a désormais tout pour être l'une des nouvelles next big thing du cinéma ricain), est fait de cette pellicule là, un démantèlement diaboliquement drôle de la masculinité toxique autant qu'une mise en images puissante de la conspiration du silence et de la banalisation des crimes sexuels, amenant la culpabilisation des victimes.
On y suit les aléas de Cassie qui le jour, est barista dans un café branché de sa ville natale où elle vit toujours avec ses parents (campés par les définitivement trop rares Clancy Brown et Jennifer Coolidge).

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La nuit, elle s'adonne à un passe-temps diamétralement opposé, sillonnant les bars et les boîtes de nuit locaux pour mieux terroriser/humilier les jeunes hommes prédateurs qui s'attaquent aux filles ivres (en gros : si jamais vous avez besoin d'une introduction sur la signification du mot consentement, Cassie est heureuse de vous la donner); histoire de venger son amie Nina, agressée sexuellement par le passé.
Après une rencontre fortuite avec le charmant/ancien camarade de classe Ryan (joué impeccablement par Bo Burnham), Cassie est presque prête à passer de l'épisode sombre qui a consumé sa vie depuis dix ans, au bonheur qu'elle mérite... enfin presque, tant une révélation choquante va la faire basculer vers un chemin dangereux qu'elle ne connaît que trop bien.
Mélangeant intelligemment les tropes de la comédie romantique autant avec des problématiques résolument plus graves, le film incarne sans forcer l'un des récits #MeToo les plus complexes vu à ce jour, jouant totalement sur la capacité de sa cinéaste à bousculer le rapport de force de l'imaginaire collectif de notre société contemporaine (notamment dans une ouverture ou c'est l'homme qui est vu tel un objet sexuel, plus la femme) autant que de naviguer entre les genres (le rape and revenge, le drame, la comédie romantique et/ou noire et corrosive) avec une dextérité rare; Fennell posant sa prose noire et provocante au coeur d'un etablishment américain bien trop propret pour ne pas receler plus d'un cadavre dans son placard, tout en enveloppant son regard acide d'un emballage rose bonbon exaltant - jusque dans la B.O. ultra pop.
 
Copyright Universal Pictures International France

Avec force et audace, elle fait de son film un petit bout de cinéma modeste mais surtout plein d'esprit et de malice, laissant constamment le champ libre à une Carey Mulligan absolument phénoménale, pour clouer à l'écran toutes les nuances complexes d'une femme troublée tout autant qu'elle est pourtant infiniment lucide, et à qu'il ne faut définitivement pas chercher des noises.
Une vengeance inhabituelle dans une réalité accrue, qui atteint parfaitement son but : divertir tout en alertant son auditoire.


Jonathan Chevrier