[CRITIQUE] : Mamá, mamá, mamá
Réalisateur : Sol Berruezo Pichon-Rivière
Acteurs : Agustina Milstein, Chloé Cherchyk, Camila Zolezzi,...
Distributeur : Plátano Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Argentin.
Durée : 1h05min.
Synopsis :
La maison est remplie de cousines, mais Cleo est seule face à la perte de sa petite sœur Erin. Un deuil qu’elle partage avec sa mère, mais que les deux femmes vivent différemment. La photographie est bleutée, à la limite de l’onirique, l’ambiance est feutrée, la mélancolie latente, et l’angoisse palpable dans cet univers à part où un groupe de jeunes filles en pleine découverte de leurs sens évoluent, dignes héritières des Virgin Suicides (1999) de Sofia Coppola.
Critique :
Férocement épuré - 65 minutes au compteur -, mais d'une délicatesse et d'une humanité ravageuse, #Mamámamámamá est un petit bout de cinéma enchanteur, constamment logé entre la délicatesse d'une quête initiatique charmante et la crudité d'un drame familial sur un deuil insondable pic.twitter.com/KQAJGGuGW0
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 18, 2021
Pour la pensée Freudienne, le deuil est une déviation du flux normal de la vie en raison de la perte de quelque chose ou de quelqu'un que vous chérissez.
Lorsque la personne en deuil est soudainement jetée dans un abîme profond de douleur, elle cherche par tous les moyens de faire face à la rupture du lien affectif, pour tenter de passer à autre chose.
Chaque perte nous affecte différemment tout autant que chaque être est différent, et réagit différemment face à ce sentiment.
C'est à cet instant post-mortem, propice à toute étude transdisciplinaire, que Mamá, mamá, mamá, premier long-métrage du cinéaste argentin Sol Berruezo Pichon-Rivière pose sa caméra et débute sa courte mais intense histoire, sondant la perspective du deuil à travers le regard - ici pluriel - de l'enfance.
Copyright Plátano Films |
La noyade accidentelle de la petite Erín transforme ce qui aurait pu être un été familial enthousiasmant, en des jours interminables de tristesse et de doute, pour tous les membres en deuil.
Cleo, la sœur d'Erín, se retrouve vite seule même si elle est entourée de ses cousines, de sa tante, de sa grand-mère et - plus ou moins - d'une mère, qui, plongée dans la dépression, est incapable de parler de ce qui s'est passé...
Puissant et d'une sincérité brutale, le film jette un regard extrêmement sensible et attentif sur toutes ces filles et ces femmes, toutes traversant ce moment de douleur ensemble, mais chacune à sa manière; le tout enveloppé dans une sorte d'ambiance fantastique, presque fantasmée (on pense parfois, au Virgin Suicides de Sofia Coppola, mais ici narré du point de vue féminin), une descente " Alicienne " dans le terrier du lapin blanc... sans le lapin.
Oscillant constamment entre la délicatesse des images et la crudité du vide qui se creuse dans le coeur cette famille (perceptible autant dans les dialogues que dans la construction de la mise en scène et de la photographie, qui pâlit les lumières et les couleurs de l'innocence d'un été qui n'en est plus réellement un), là où la douleur silencieuse prend solidement racine (alors que les cris et les pleurs supplient d'être extirpés d'une gorge nouée), Mamá, mamá, mamá peut aussi se voir comme une formidable chronique adolescente sur une jeune fille devenue adulte par la force des choses.
Cleo est une enfant et elle n'a jamais reçu la chaleur qui, en général, est donnée par les parents ou les adultes les plus proches qui vivent leur propre douleur et ne sont pas non plus prêts à parler de la mort; ce qui implique quelle doit par elle-même découvrir cette nouvelle transition/phase dans sa jeune vie, commencer à la comprendre, l'accepter et trouver un moyen de s'y épanouir (à la différence de sa mère).
Copyright Plátano Films |
Férocement épuré - 65 minutes au compteur -, mais d'une délicatesse et d'une humanité ravageuse, Mamá, mamá, mamá est un petit bout de cinéma enchanteur et frondeur dont l'intimité sombre et trouble qui s'en dégage laisse transpirer une universalité émotionnelle à toute épreuve.
Une merveille, rien de moins.
Jonathan Chevrier