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[CRITIQUE] : Suzume



Réalisateur : 
Makoto Shinkai
Avec : avec les voix de Lévanah Solomon, Nanoka Hara, Benjamin Jungers,...
Distributeur : Eurozoom
Budget : -
Genre : Animation, Aventure, Drame.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h02min

Synopsis :
Dans une petite ville paisible de Kyushu, une jeune fille de 17 ans, Suzume, rencontre un homme qui dit voyager à la recherche d’une porte. Décidant de le suivre dans les montagnes, elle découvre une porte délabrée trônant au milieu des ruines, seul vestige ayant survécu au passage du temps. Cédant à une inexplicable impulsion, Suzume tourne la poignée, et d’autres portes s’ouvrent alors aux quatre coins du Japon, laissant passer toutes les catastrophes qu’elles renfermaient. L’homme est formel : toute porte ouverte doit être refermée. Suzume s’est égarée où se trouvent les étoiles, le crépuscule et l’aube, une voûte céleste où tous les temps se confondent. Guidée par des portes nimbées de mystère, elle entame un périple afin de toutes les refermer.



Critique :


S'il a beau être un formidable conteur depuis le tout début des années 2000 (il nous faudra attendre la fin de cette même décennie pour voir débarquer en catimini, ces oeuvres directement dans les bacs à DVD), c'est véritablement grâce à son chef-d'œuvre Your Name que Makoto Shinkai a accédé à une notoriété hautement mérité, rendant de facto chacune de ses œuvres nouvelles comme un événement à ne manquer sous aucun prétexte dans des salles obscures enfin prêtes à les accueillir.

Suzume, dont on préférera le titre original invitant sensiblement plus à la réflexion et à l'imaginaire (Suzume no Tojimari), n'échappe clairement pas à cette règle, d'autant qu'il s'inscrit sensiblement dans la même veine de ses deux précédents efforts, que ce soit dans sa propension à user de bouleversements environnementaux pour agrémenter ses histoires (l'impact d'une météore dans Your Name, d'étranges averses torrentielles dans Les enfants du temps, et les tremblements de terre ici), liant intimement l'humanité avec la nature, où celle de laisser émotionnellement en vrac son auditoire une fois le générique de fin lancé.

Copyright Wild Bunch Germany 2023

Porté par une animation colorée et hyperréaliste, comme le monde rêvé par sa jeune héroïne, l'histoire suit le road trip improbable mais furieusement optimiste et attachant de Suzume, une lycéenne vivant avec sa tante à la suite du décès brutal de sa mère, et qui se lance aux côtés de Soutaw dans un voyage à travers le Japon pour fermer et verrouiller les « portes du désastre » une par une pour arrêter les catastrophes qui dévaste son pays.
Une odyssée aux doux accents de récit initiatique, d'émancipation et même de gestion douloureuse du deuil où la double résonnance du titre original convoque l'idée que Suzume doit s'ouvrir - comme les portes qu'elle cherche à fermer - au monde pour voir au-delà de la tragédie, déverrouiller sa propre porte intime pour laisser parler son coeur et ses sentiments.

Et c'est la toute la grandeur du nouvel effort de Shinkai, qui se réapproprie en prime tous les codes de l'entertainment spectaculaire nippon : explorer l'authenticité émotionnelle d'une bataille intime infiniment plus complexe et peut-être même plus importante encore, que celle plus grande où l'humanité est en jeu.
Si Suzume sent de manière croissante le fait qu'elle porte en elle le poids immense de la responsabilité d'empêcher la destruction massive du Japon, au travers de ses interactions/rencontres fortuites avec des personnes ayant elles-mêmes survécues à des tragédies, c'est justement dans cette nécessité de préservation (de l'humanité et donc de soi), cette notion de s'ouvrir aux autres et dans le même temps exister, qu'elle trouvera la force de ne plus être consumée par le deuil.

Copyright Wild Bunch Germany 2023

D'une profondeur incroyable (même si, il est vrai, ses personnages secondaires en manque, tout possède un sens et un but au coeur de Suzume, tant chaque étape de ce fantastique road trip ne consiste pas uniquement à endiguer un désastre annoncé, mais aussi à résoudre le conflit psychologique et émotionnel qui tiraille Suzume, son entourage et même plus largement, un Japon traumatisé (dont la hantise d'une catastrophe est permanente), où l'ombre de la mort est partout.

Délicat et d'une beauté à couper le souffle, Makoto Shinkai nous renvoie à notre propre fragilité au sein d'un poème tendre et touchant sur la nécessité nous lancer dans le sauvetage du (notre) monde pour espérer un lendemain meilleur.
Une merveille, rien de moins.


Jonathan Chevrier


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