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[CRITIQUE] : Bonne Conduite


Réalisateur : Jonathan Barré
Acteurs : Laure Calamy, Grégoire Ludig, David Marsais, Tchéky Karyo, Thomas VDB,...
Distributeur : Pan Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h35min

Synopsis :
Pauline a une méthode bien à elle pour faire de la prévention routière : formatrice dans un centre de récupération de points le jour, elle se transforme en serial killeuse de chauffards la nuit.



Critique :


La Folle Histoire de Max et Léon (écrit par leur soin et mis en boite par leur comparse de toujours, Jonathan Barré), avait réussi la lourde tâche de non seulement retranscrire sur plus d'une heure et demie toute l'essence même de leur humour au format court, mais également d'en garder toute son efficacité là où les sketchs, bien plus concis, leur permettaient d'être plus percutant au travers d'un road movie délirant embrassant pleinement les contours du buddy movie d'époque gentiment nostalgique et so Gérard Oury.

Les Vedettes lui, " le long-métrage de la confirmation ", poussait la barre encore un peu plus loin en s'inscrivant directement dans l'ombre des Trois Frères, scrutant les deux versants d'une même pièce (le mythe de la célébrité, du bonheur fugace qu'il apporte à la solitude et à l'isolement que le tumulte médiatique impose), pour mieux révéler ce qui essentiel dans toute existence (l'amitié et la famille, mais surtout le fait de ne pas se sentir seul/être rejeté), tout en sublimant deux losers magnifiques dans ce qui pouvait se voir comme un feel good movie aussi tendre que gentiment acerbe, une comédie sociale totalement dans l'air du temps dans sa manière de pointer comment la société et son culte du paraître nous pousse souvent, volontairement ou non, à agir de manière absurde.

Copyright Pan Distribution/Waiting for cinéma/Alicélo/TF1 Production

Délesté de toute étiquette de film - presque - somme endossé par les deux précédents, Bonne Conduite pouvait intimement arpenter sa propre route et oser, justement, de flirter avec la bande d'arrêt d'urgence en tentant un mélange des genres bien corsé.
Délirant jusque dans ses fragilités assumées, référencés à mort tout en jouant pleinement la carte de l'absurde, ce troisième long-métrage suit les aternoiements d'une Laure Calamy - littéralement - dans tous ses états, et encore plus quand on roule et que l'on traverse en-dehors des clous.
Elle incarne ici Pauline Cloarec, formatrice-psychologue dans un centre de récupération de points qui fait de la prévention routière son totem extrême.

La journée, elle prodigue ses bons conseils et son attention à des chauffards plus où moins irritables et irrécupérables, lors de stages de récupérations de points; la nuit, elle se transforme en cousine bretonne de Paul Kersey et poursuit ses élèves les plus récalcitrants jusqu'à leur faire passer l'arme - où plutôt le volant - à gauche.
Une serial killeuse à quatre roues (Highwaymen forever), traumatisée par la mort brutale de son mari (Thomas Ngijol dans un caméo aussi furtif qu'essentiel), mais qui voit son épopée vengeresse prendre du plomb dans le moteur lorsque l'une de ses cibles réchappe à sa furie, et commence à la faire chanter...

Entre le slasher motorisé un brin giallo (le fétichisme psychotique de Pauline), le thriller fleurant bon le bitume et l'amour de la Bretagne (vrai personnage à part entière de l'histoire), mais aussi la comédie policièro-grinçante à la lisière du pastiche (pensez Mais qui a tué Pamela Rose?) et le revenge movie déglingué; le nouveau long-métrage de Jonathan Barré détonne dans son envie de se démarquer - mais pas totalement non plus - de ses efforts passés (quitte à ce que Grégoire Ludig et David Marsais ne soient ici " que " des seconds couteaux) tout en laissant généreusement parler son envie de cinéma.

Copyright Pan Distribution/Waiting for cinéma/Alicélo/TF1 Production

Et elle déborde de tous les pores du cadre cette envie, autant par la précision d'une mise en scène stylisée et follement immersive qui aligne les clins d'oeil appuyés, que par la foi sincère qu'à Barré dans son humour noir référentiel, cerise sur le gâteau d'une histoire certes inégale (et ne dépassant jamais les bordures de son concept) mais dont l'aspect profondément singulier et expérimentale au coeur d'une comédie hexagonale qui sort trop peu de sa zone de confort, force intimement le respect.

Sans doute trop protéiforme pour son bien mais savoureusement divertissant et jubilatoire, Bonne Conduite et son imposante galerie de talents (Laure Calamy en impose toujours autant, Thomas VDB est génial en amoureux transi, le tandem Marsais/Ludig fait mouche en proto-Bullitt et Riper sauce Sonny Crockett/Ricardo Tubbs), vaut décemment son pesant de pop-corn, et encore plus au sein d'un mercredi bourré jusqu'à la gueule de sorties alléchantes.


Jonathan Chevrier