[CRITIQUE] : Mes rendez-vous avec Leo

Réalisatrice : Sophie Hyde
Acteurs : Emma Thompson, Daryl McCormack, Les Mabaleka,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Comédie, Romance.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h37min.

Synopsis :
Nancy Stokes, enseignante à la retraite, a vécu une vie sage et sans excès. Après la mort de son mari, elle est prise d'un inavouable désir d’aventure. Elle s’offre alors les services d’un jeune escort boy, Leo Grande. Mais cette rencontre improbable pourrait leur apporter bien plus que ce qu’ils recherchaient et bouleverser le cours de leur vie...

Critique :

Jolie surprise que #MesRendezVousAvecLeo, feel good movie entre le huis clos intime et tendre et la comédie populaire visant à promouvoir la positivité sexuelle/corporelle et à démystifier les attitudes rétrogrades sur le plaisir des femmes et la stigmatisation du travail du sexe pic.twitter.com/vuxLHRMSLa
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 30, 2022

Rares sont les comediennes - tout comme les comédiens d'ailleurs - a filer la banane ne serait-ce qu'à l'annonce de leur présence au casting d'un film, et la merveilleuse Emma Thompson fait instinctivement parti de cette catégorie très sélect, à tel point qu'elle ne peine jamais réellement à titiller notre intérêt à l'annonce du moindre projet la concernant.
Clairement fait de ce bois, Mes rendez-vous avec Leo, estampillé premier long-métrage de la wannabe cinéaste australienne Sophie Hyde, qui déjoue savamment les attentes d'un pitch qui ne laissait pas forcément augurer autant de finesse et de justesse dans son propos.
Le dit Leo du titre, c'est Leo Grande, un travailleur du sexe bien ancré dans la vingtaine qui, bien qu'il connu de nombreux clientes aux penchants divers, n'en a jamais rencontré une comme Nancy Stokes, une veuve timide et anxieuse de 55 ans. qui l'a réservé pour une session à prix élevé, fraîchement à la retraite après une vie d'enseignement.
Après avoir passé des décennies dans un mariage frustré et sans passion, elle veut maintenant se débarrasser de ses inhibitions et satisfaire ses désirs refoulés avec un beau jeune homme bien bâti comme Leo, mais il faudra à celui-ci son arme la plus fatale et habile pour la mettre à l'aise : sa langue...

Que les esprits salaces restent dans le caniveau où ils gravitent : la langue peut certes être à la fois un instrument de plaisir mais aussi et surtout de charme et de persuasion, et Leo - tout comme Nancy - a un sens et un flair des mots qui vont très vite charmer l'ancienne enseignante.
Au point que pendant la plupart du temps qui compose les quatre rendez-vous qui composent la narration du film, Leo et Nancy s'engageront dans de longues périodes de préliminaires verbaux, partageant des secrets intimes tout en jonglant sans filets avec une multitude de peurs et d'insécurités (la plupart de Nancy), des discussions captivantes pleine de tension érotique, d'humour ludique et surtout d'une franchise à toute épreuve.
Si Nancy sait ce qu'elle veut, elle est cependant terrifiée à quel point elle le veut et passe une bonne partie de leur premier échange à essayer de s'en dissuader (des inhibitions accompagnées du lot de préjugés faciles qui accompagnent la classe moyenne socialement conservatrice anglaise), s'inquiétant de sa différence d'âge avec Leo et la manière dont le temps a marqué son corps et son visage - même si Leo écarte vite ces absurdités en lui rappellant qu'il n'y a rien d'anormal, et encore moins de honteux, à exprimer quelque chose d'aussi fondamental que le désir.
Entre le huis clos cantonné dans l'intimité d'une chambre d'hôtel, et la comédie populaire visant à promouvoir la positivité sexuelle/corporelle et à démystifier les attitudes rétrogrades sur le plaisir des femmes et la stigmatisation du travail du sexe, le film a beau être un poil trop scénique et didactique (il fonctionnerait parfaitement comme une pièce de théâtre), il n'en est pas moins un feel good movie léger et solaire à la profondeur étonnante, mis en scène avec une élégance sans prétention et totalement voué à ses comédiens (magnifique tandem Emma Thompson/Daryl McCormack).

Tout leur passionnant et profond dialogue est construit sur un rythme franc érotique où il s'agit autant de donner que de recevoir, d'aller et venir entre la satisfaction de la curiosité et la transgression occasionnelle et crue des limites (Nancy projete parfois ses propres réserves morales sur Leo).
Avec sincérité et sans artifice, Mes rendez-vous avec Leo admet la vérité évidente que même le sexe occasionnel/transactionnel n'est jamais une affaire aussi simple et sans conditions que ses participants aimeraient le penser.
Et c'est ce sentiment de franchise décomplexée qui transpire de tous les bords du cadre qui rend l'expérience qu'incarne le film aussi exaltante que prenante, même s'il est totalement conscient de vendre lui-même son propre fantasme (sa manière juste et sérieuse de traiter de la complexité de la sexualité féminine dans un genre, la comédie, où cela a - très - rarement été le cas, avec ici une femme d'âge moyen apprenant à comprendre et à satisfaire ses (im)pulsions), malgré toute son intimité discrète et son réalisme émotionnel palpable.
Assurément, une séance aussi nécessaire qu'immanquable.

Jonathan Chevrier