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[CRITIQUE] : 355


Réalisateur : Simon Kinberg
Avec : Jessica Chastain, Penelope Cruz, Lupita Nyong’o, Sebastian Stan, Diane Kruger, Fan Bingbing,...
Distributeur : SND
Budget : 75 000 000 $
Genre : Action, Espionnage, Thriller
Nationalité : Américain
Durée : 2h03min

Synopsis :
Une arme technologique capable de prendre le contrôle de réseaux informatiques tombe entre de mauvaises mains. Les agences de renseignements du monde entier envoient leurs agentes les plus redoutables là où l’arme destructrice a été localisée : à Paris. Leur mission : empêcher des organisations terroristes ou gouvernementales de s’en emparer pour déclencher un conflit mondial. Les espionnes vont devoir choisir entre se combattre ou s’allier…


Critique :


En mai 2018, Jessica Chastain enflammait la croisette avec Penelope Cruz, Marion Cotillard, Fan Bingbing et Lupita Nyong’o, à la recherche de financement pour son projet de film, 355. Lasse de films d’action exclusivement masculin, l’actrice veut renverser la tendance. C’est la raison pour laquelle Jessica Chastain a fondé en 2016 Freckle Films, sa société de production, qui a porté comme premier projet Ava de Tate Taylor (sorti directement sur Netflix). Depuis le film a vécu un changement d’actrice (l’emploi du temps de Marion Cotillard ne correspondait pas avec le tournage) et une pandémie. Quatre ans plus tard, le voici enfin sur nos écrans.

Il semblerait que la société de production de Jessica Chastain ne sache pas choisir correctement un projet sur lequel miser de l’argent. Malgré de la bonne volonté et un essaim d’actrices plus que compétentes, la sauce ne prend pas et suit allègrement le chemin du film Ava… Oui, elles sont badass. Oui, le film comporte un sous-texte féministe. Oui, c’est grisant de voir des femmes sauver le monde (pour changer). Hélas, rien de tout cela n’a d’importance si le film n’est pas bon.

© SND

Le choix du réalisateur, Simon Kinberg qui n’avait pas forcément briller derrière la caméra de Dark Phoenix, joue sûrement à la pauvreté de la mise en scène. Nous pouvons lire dans les interviews sa volonté de rapprocher 355 des Jason Bourne et son cadre tremblotant, avec l’intention de créer un mouvement incessant. Encore faut-il savoir pourquoi prendre ce parti-pris esthétique ? Si c’est pour mimer ce qui a déjà été fait, pas la peine, autant regarder les originaux. Si c’est pour cacher la misère et des actrices pas du tout faites pour des scènes d’action (malgré toute leur préparation physique), c’est un prétexte recevable mais qui ne change rien malheureusement. Pensez à prendre un anti-vomitif ou un sac plastique vide, au cas où !

Blague à part, 355 ne peut même pas concourir pour le plus mauvais film de l’année. Ce serait lui faire trop d’honneur pour commencer. Et surtout, ce serait oublier qu’il existe bien pire qu’un film basique avec des scènes d’action mal foutue pour créer du dynamisme. Car tout le problème réside ici. Vouloir faire un film “à la Jason Bourne”, “à la Mission Impossible”, mais avec des personnages féminins, au lieu de créer une nouvelle saga originale. C’était le plus gros défaut de Ocean’s Eight et le plus gros défaut des reboot féminin en général : nous proposer des films pré-mâchés et penser qu’il n’y a qu’à changer le genre des personnages pour qu’on se rue en salle. Une punchline misandre et le tour est joué ! Si c’était aussi simple de changer le système hollywoodien, ça se saurait. Jessica Chastain est capable de prononcer de très beaux discours sur la représentation, sur l’écriture des personnages et sur les femmes badass au cinéma, mais nous n’en voyons pas le résultat. Le film ne peut même pas se targuer d’être paritaire dans son équipe technique, où l’on retrouve les hommes en technique et mise en scène et les femmes dans les costumes/maquillages et dans la production. On note cependant que le film a été imaginé et co-écrit par Theresa Rebeck.

© SND

Il ne reste que les actrices et les acteurs qui essaient tant bien que mal de sauver les meubles. Penelope Cruz s’en sort le mieux, peut-être parce qu’elle n’essaie pas d’être badass et que son personnage contient une histoire crédible, à laquelle elle apporte tout son savoir-faire. Le titre du film fait référence à une femme espionne pendant la Seconde Guerre Mondiale, dont il ne reste que son matricule 355, son nom ayant été effacé de l’histoire — que le personnage de Jessica Chastain cite dans les cinq dernières minutes de film. Et une idée saugrenue reste dans notre mémoire au moment du générique : pourquoi n’avons-nous pas eu ce récit plutôt que celui du film, basique et ronflant ?


Laura Enjolvy