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[SƎANCES FANTASTIQUES] : #67. Christine

Copyright Columbia Pictures

Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !


#67. Christine de John Carpenter (1983)

Il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont on peut - stupidement pour la majorité - considérer un film de commande comme quelque chose d'impersonnel voire même de profondément mineur au sein d'une filmographie, comme si un ou une réalisatrice ne pouvait pas s'acquitter de la tâche sans donner un minimum d'implication ou même tout simplement de maestria; comme si ces dits films devaient entre condamnés ou peu considérés avant même d'être vus et appréciés.
Produit à la suite de l'injuste flop critique et public de The Thing (de loin l'un de ses meilleurs efforts), et catapulté dans les salles au même moment de son arrivée dans les librairies, Christine de John Carpenter, adapté du pavé éponyme de Stephen King, a toujours eu cette étiquette injuste collée sur sa bobine, tant il a surtout incarné une occasion immanquable pour son réalisateur, de renouer un minimum avec le succès et éviter une longue traversée du désert dans le business.
Soit, ce qui ne l'empêchera pas pour autant de faire d'un sympathique roman une adaptation bouillante et rutilante, au surnaturel aussi subtil que dévastateur.

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Partant d'un concept savoureusement Z sur le papier - une voiture maléfique tueuse -, et que n'aurait absolument pas renié Roger Corman, Christine se sert de ses artifices fantastiques pour mieux sculpté les contours d'une métamorphose plus naturelle que surnaturelle d'Arnie Cunningham, un ado timide persécuté aussi bien par ses parents (surtout sa mère, faussement progressiste), que par son propre lycée (il est un nerd pris en grippe par les voyous de son bahut), et même les propres conventions de son âge (le sport, la drague, le sexe et la nécessité d'avoir une copine pour être considéré comme normal et se faire accepter) et de la société patriarcal et puritaine - en façade - made in America.
La voiture ne se faisant que l'outil catalyseur toxique de cette évolution malsaine et cette virilité exacerbée, Carpenter retranscrivant à merveille l'un des thèmes phares de l'oeuvre de King : l'aliénation mentale, l'altérité et l'irresponsabilité masculine tant Arnie ici n'a strictement rien à envier au Jack Torrance de Shining, puisqu'il est aussi faible que lui, un pantin prédisposé à être séduit et laisser entrer le mal dans son âme, sans lutter une seule seconde pour se défendre.
Une allégorie terrifiante mais réaliste sur de nombreux points, du difficile passage à l'âge adulte - comme Carrie - et des obsessions adolescentes, dont chaque événement sont crédibles grâce aux longues scènes d'expositions imposées par Carpenter (comme pour son Halloween), qui s'avèrent essentielles lorsque les irruptions de violence se déclenche.
Tout mariage d'amour est censé se finir uniquement lorsque la mort sépare les deux amants, et celui qui unit Arnie et sa Plymouth Fury ne dérogera pas à cette règle, une bête féroce qui a un appétit insatiable pour la destruction.

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Dès son arrivée sur la chaîne de montage, rouge parmi ses sœurs nacrées, elle mort déjà la main qui la nourrit, fustige avec brutalité ceux qui la souillent.
Deux décennies plus tard, en train de rouiller dans une arrière-cour, elle incarne pourtant la monture parfaite pour un Arnie lui-même sur le point de subir un réoutillage mignon; une bagnole sensible et amer qui répondra dans réserves à ses affections réductrices, tout en essayant de tuer quiconque le menace - ou le désire plus qu'elle.
Extorquant toute once de pathos possessifs du roman d'origine pour mieux embrasser sa terreur technophobe et son fétichisme vicieux, Carpenter savate avec délice le teen movie nostalgico-potache des 80s (avec un rejet vif de la régression pop) dans le ronronnement langoureux d'un démon amoureux, dont le moteur rugit lorsque un ado inadapté pose tendrement son regard sur elle.
Embaumé dans une atmosphère oppressante et déviante (sublimée par la photo bleutée de Donald M. Morgan, mais surtout le score dément de Carpenter himself), ce conte brumeux sur une jeunesse perdue (l'un des rares teen movie " anti-Amblin " des 80s), ou puberté et consumérisme se mêlent dans un balai de rouilles et d'hormones, s'autorise tout (même une réparation façon strip-tease mécanique) et n'a pas pris une rayure même avec bientôt quatre décennies au compteur.
Une merveille, rien de moins.


Jonathan Chevrier