[CRITIQUE] : The Assistant
Réalisatrice : Kitty Green
Avec : Julia Garner, Matthew Macfadyen, Makenzie Leigh, Kristine Frøseth, ...
Distributeur : OCS
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain
Durée : 1h23min
Synopsis :
Jane, une jeune diplômée qui rêve de devenir productrice, vient d’être engagée comme assistante d’un puissant dirigeant, nabab du divertissement. Sa journée type ressemble à celle de toutes les autres assistantes : faire du café, remettre du papier dans le photocopieur, commander à déjeuner, organiser des voyages, prendre les messages. Mais au fil de cette journée, Jane se rend progressivement compte des abus insidieux qui découlent de tous les aspects de sa position et qu’elle n’avait pas anticipés…
Avec : Julia Garner, Matthew Macfadyen, Makenzie Leigh, Kristine Frøseth, ...
Distributeur : OCS
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain
Durée : 1h23min
Synopsis :
Jane, une jeune diplômée qui rêve de devenir productrice, vient d’être engagée comme assistante d’un puissant dirigeant, nabab du divertissement. Sa journée type ressemble à celle de toutes les autres assistantes : faire du café, remettre du papier dans le photocopieur, commander à déjeuner, organiser des voyages, prendre les messages. Mais au fil de cette journée, Jane se rend progressivement compte des abus insidieux qui découlent de tous les aspects de sa position et qu’elle n’avait pas anticipés…
Critique :
Impossible de ne pas penser à l’affaire Weinstein devant le premier film de fiction de la réalisatrice australienne, Kitty Green. The Assistant, sorti cette semaine sur OCS, dévoile le monde pernicieux d’une société de production new-yorkaise, à l’aide du point de vue d’une jeune assistante. Le récit ne prend qu’une seule journée dans la vie de Jane, mais révèle suffisamment pour comprendre le système qui l’entoure.
Kitty Green a l’habitude des films engagés, que ce soit sur l’activisme avec Ukraine is not a brothel (sur le mouvement des Femen), ou sur le processus de casting des reines de beauté dans le Colorado avec Casting JonBenet en 2017. Malgré le statut de fiction de ce nouveau film, The Assistant tourné trois ans après #MeToo, la cinéaste s’est documentée et base sa narration sur différents témoignages d’assistantes dans le milieu professionnel. Il n’est pas question de faire un film sur l’affaire Weinstein mais de porter la réflexion plus loin et de questionner une mécanique de travail, tout un système de silence sur les agissements de « grands patrons », intouchables.
Jane est jeune et à décrocher le job de ses rêves. La mise en scène minutieuse de la réalisatrice nous fait vite prendre conscience du côté chronophage de ce boulot d’assistante. Jane est la première arrivée dans l’entreprise et sera certainement la dernière à partir. Levée à une heure où même la ville censée ne jamais dormir est calme et endormie, Jane parcourt la longue distance entre son domicile, dans le Queens et les bureaux à Manhattan. Elle n’a pas une minute à perdre : il lui faut allumer tous les ordinateurs, photocopier le planning de la journée, nettoyer la vaisselle, les miettes, jeter les poubelles, ramasser discrètement une boucle d’oreille au milieu du bureau du producteur et surtout : ne jamais poser de question à propos de cela. Kitty Green pose un regard quasi chirurgical sur les gestes de son héroïne : la façon dont elle cache son mug pour ne pas qu’on le lui pique, l’attente à la photocopieuse, les repas mangés en trois bouchées, l’angoisse du coup de téléphone de son boss, … The Assistant s’oppose à la comédie légère américaine Le diable s’habille en Prada, où Andrea/Anne Hathaway subissait elle-aussi les affres d’une patronne, en s’oubliant, le temps d’être promue. Mais si le deuxième film tournait la mécanique aliénante sur le ton de l'humour, le film de Green enfonce le clou avec une mise en scène au plus proche de la réalité.
Témoin indirect d’un système d’abus, Jane (excellente Julia Garner) polarise tous les témoignages récoltés par Kitty Green et montre, sans concession, l'ambiguïté et la difficulté d’une telle position. De simple assistante, le personnage devient une complice tacite du droit que s’arroge son patron sur les femmes qui lui plaisent. The Assistant dépeint avec minutie les mécanismes d’une domination, à la fois physique et psychologique et comment, il est difficile de se défaire, seul⋅e, de cette toile d’araignée.
Laura Enjolvy
Au plus proche de la réalité, #TheAssistant dépeint avec minutie et sans concession les mécanismes d’une domination, à la fois physique et psychologique et comment, il est difficile de se défaire, seul⋅e, de cette toile d’araignée. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/PvFSA0JLKs
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 23, 2021
Impossible de ne pas penser à l’affaire Weinstein devant le premier film de fiction de la réalisatrice australienne, Kitty Green. The Assistant, sorti cette semaine sur OCS, dévoile le monde pernicieux d’une société de production new-yorkaise, à l’aide du point de vue d’une jeune assistante. Le récit ne prend qu’une seule journée dans la vie de Jane, mais révèle suffisamment pour comprendre le système qui l’entoure.
Kitty Green a l’habitude des films engagés, que ce soit sur l’activisme avec Ukraine is not a brothel (sur le mouvement des Femen), ou sur le processus de casting des reines de beauté dans le Colorado avec Casting JonBenet en 2017. Malgré le statut de fiction de ce nouveau film, The Assistant tourné trois ans après #MeToo, la cinéaste s’est documentée et base sa narration sur différents témoignages d’assistantes dans le milieu professionnel. Il n’est pas question de faire un film sur l’affaire Weinstein mais de porter la réflexion plus loin et de questionner une mécanique de travail, tout un système de silence sur les agissements de « grands patrons », intouchables.
Copyright Forensic Films |
Jane est jeune et à décrocher le job de ses rêves. La mise en scène minutieuse de la réalisatrice nous fait vite prendre conscience du côté chronophage de ce boulot d’assistante. Jane est la première arrivée dans l’entreprise et sera certainement la dernière à partir. Levée à une heure où même la ville censée ne jamais dormir est calme et endormie, Jane parcourt la longue distance entre son domicile, dans le Queens et les bureaux à Manhattan. Elle n’a pas une minute à perdre : il lui faut allumer tous les ordinateurs, photocopier le planning de la journée, nettoyer la vaisselle, les miettes, jeter les poubelles, ramasser discrètement une boucle d’oreille au milieu du bureau du producteur et surtout : ne jamais poser de question à propos de cela. Kitty Green pose un regard quasi chirurgical sur les gestes de son héroïne : la façon dont elle cache son mug pour ne pas qu’on le lui pique, l’attente à la photocopieuse, les repas mangés en trois bouchées, l’angoisse du coup de téléphone de son boss, … The Assistant s’oppose à la comédie légère américaine Le diable s’habille en Prada, où Andrea/Anne Hathaway subissait elle-aussi les affres d’une patronne, en s’oubliant, le temps d’être promue. Mais si le deuxième film tournait la mécanique aliénante sur le ton de l'humour, le film de Green enfonce le clou avec une mise en scène au plus proche de la réalité.
Pour rendre son film le plus universel possible, la cinéaste ne nomme pas l’important producteur, ni la société dans laquelle Jane travaille. Ce patron, si présent dans chaque geste, chaque pensée de l’assistante, est ironiquement jamais présent à l’écran. Nous voyons une silhouette derrière une fenêtre, une voix grave, menaçante et culpabilisante. Jane est enfermée dans un système dont les rouages sont rodés. Personne ne se parle entre collègues, à part pour émettre quelques blagues grivoises sur « l’amour » que porte leur patron pour les belles femmes. Sa colère est une épée de Damoclès, il faut être sur le qui-vive, rechercher à tout prix sa validation, se soumettre parfois à l’humiliation. Les bureaux sont filmés comme un endroit hanté : silencieux, froid. La soumission de chaque être qui y travaille se ressent, donnant une toute-puissance au producteur-dieu. La loi du silence est alors du pain bénit pour que les agissements du producteur envers les femmes (aspirantes actrices, jeunes assistantes) ne soient jamais portés au-delà des portes de son bureau. Chaque pion fait son job : une directrice de casting pour lui trouver de nouvelles proies, un avocat pour empêcher les plaintes. Jane est prise entre son besoin de protéger la nouvelle employée, fraîchement venue d’Idaho et son envie d'accéder au poste qu’elle aspire : productrice.
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Témoin indirect d’un système d’abus, Jane (excellente Julia Garner) polarise tous les témoignages récoltés par Kitty Green et montre, sans concession, l'ambiguïté et la difficulté d’une telle position. De simple assistante, le personnage devient une complice tacite du droit que s’arroge son patron sur les femmes qui lui plaisent. The Assistant dépeint avec minutie les mécanismes d’une domination, à la fois physique et psychologique et comment, il est difficile de se défaire, seul⋅e, de cette toile d’araignée.
Laura Enjolvy