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[CRITIQUE] : Fin de siècle


Réalisateur : Lucio Castro
Acteurs : Juan Barberini, Ramon Pujol, Mia Maestro, Mariano Lopez Seoane,...
Distributeur : Optimale Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Argentin.
Durée : 1h24min

Synopsis :
Un Argentin de New York et un Espagnol de Berlin se croisent une nuit à Barcelone. Ils n’étaient pas faits pour se rencontrer et pourtant… Après une nuit torride, ce qui semblait être une rencontre éphémère entre deux inconnus devient une relation épique s’étendant sur plusieurs décennies…



Critique :


Pour son premier long métrage, le réalisateur argentin Lucio Castro s’intéresse à une rencontre fortuite pour finir sur une véritable réflexion sur le couple et les choix que nous faisons.


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Difficile de rester indifférent face à la proposition du cinéaste, qui décide de frapper fort pour son basculement vers le long métrage, après quatre courts métrages, dont le dernier Trust Issues a été remarqué au Festival de Cannes 2018. Fin de siècle se trouve être un film exigeant, mutique au premier abord. On se perd dans les méandres de Barcelone, dans les coupures abruptes de la chronologie de l’histoire. Lucio Castro explore les regrets, les “et si…” dans les petites rues espagnoles presque vides, comme s’il n’existait que les deux protagonistes qui nous intéresse.


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Ocho arrive à Barcelone et se rend dans son Airbnb. Il visite la ville, mange en terrasse, va à la plage, se masturbe avant de se coucher, boit son café matinal sur son balcon. Fin de siècle commence dans la solitude et surtout dans un silence assourdissant. Aucun dialogue, même les bruits de la rue sont réduits au maximum, comme si le temps s’était arrêté et n’avait aucune prise sur le personnage du récit. Quand la caméra nous montre un passant blond portant un t-shirt noir du groupe Kiss, le spectateur ne s’y intéresse pas plus que cela. Il ne se détache pas des autres. Mais nous le retrouvons à la plage, quelques temps plus tard, en silence encore, le bruit des vagues comme seule conversation entre les deux hommes. Au bout de presque treize minutes, Ocho élève sa voix pour appeler le fameux passant au t-shirt Kiss, Javi. Il monte chez lui et après quelques banalités échangées, se jettent l’un sur l’autre, passionnément. Le réalisateur s’amuse de ces changements de ton, qui touchent autant la temporalité du récit, la structure narrative de l'oeuvre ou bien un découpage brusque d’une scène, passant d’une discussion entre deux inconnus à une séquence torride. Il se joue habilement du spectateur entre les souvenirs passés, le présent réel et un futur imagé, sans nous laisser de détails pour s’y retrouver. Ces brisures, peut-être frustrantes sur le moment, lui sert de prétexte pour brosser un portrait plus large d’une génération, un univers mélancolique où se dégage un questionnement sur le couple, la fidélité et la sexualité.


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Lucio Castro ne laisse aucun répit au spectateur, qui doit lui-même se projeter dans le récit pour comprendre l'entièreté de l’histoire. Les acteurs se sont pas rajeunis dans les flash-back et ces changements brusques de chronologie n’aident en rien à apprécier la fluidité de la mise en scène, qui privilégie des plans fixes, des mouvements lents et structurés. Un effort conséquent mais qui porte ses fruits quand l’ensemble prend tout son sens. Plus nous suivons Ocho et Javi dans leur différentes interactions, plus l’émotion se dégage, vive, brute, entourant les rues pavées de Barcelone et les couchers de soleil d’un regard mélancolique puissant. Ce qui marque le plus dans Fin de siècle, c’est cette liberté, cet instinct de filmer le désir comme un tout et non pas comme un sentiment éphémère, qui s’avère diaboliquement efficace. Même si nous sommes perdus, nous avons envie de continuer à suivre ces personnages au gré de leurs souvenirs, de leurs envies.


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Se parant d’une ambiance métaphorique, presque fantastique dans son dernier quart, Fin de siècle se présente presque comme un ovni, sur une histoire d’amour qui n’a pas vraiment lieu. Si l’on est moins convaincu par son manque de fluidité dans le récit, abrupt plus pour choquer que par vrai besoin scénaristique, force est de constater que Lucio Castro a un certain talent pour former une empathie profonde envers ses personnages. Le film porte alors bien son nom, aussi amère, mélancolique et imprévisible que le passage à l’an 2000.


Laura Enjolvy