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[CRITIQUE] : The Rover


Réalisateur : David Michôd
Acteurs : Guy Pearce, Robert Pattinson, Scoot McNairy, David Field,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : 12 250 000 $
Genre : Thriller, Drame, Science-Fiction.
Nationalité : Australien et Américain.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
Dix ans après l’effondrement de l’économie occidentale, les mines australiennes sont encore en activité, et cette industrie attire les hommes les plus désespérés et les plus dangereux. Là-bas, dans une société moribonde où survivre est un combat de chaque jour, plus aucune loi n’existe. Eric a tout laissé derrière lui. Ce n’est plus qu’un vagabond, un homme froid rempli de colère. Lorsqu’il se fait voler la seule chose qu’il possédait encore, sa voiture, par un gang, il se lance à leur poursuite. Son unique chance de les retrouver est Rey, un des membres de la bande, abandonné par les siens après avoir été blessé. Contraints et forcés, les deux hommes vont faire équipe pour un périple dont ils n’imaginent pas l’issue…


Critique :

On avait laissé David Michôd il y a un petit peu plus de deux ans, la joue encore bien rouge tomate après la claque monumentale qu'incarnait son premier long, Animal Kingdom, ou une descente aux enfers aussi sombre qu’anxiogène dans une famille de gangsters motivée par la violence et le sordide.

Un thriller psychologique en quasi-huit clos cru et cruel, bref un sublime film noir dans la plus pure tradition du genre, qui ne laissait présager que du bon pour le futur de la carrière du bonhomme, désormais le cinéaste le plus suivit du regard du septième art australien.

De retour cette semaine avec le très attendu The Rover, Michôd ambitionne non seulement de citer avec son road movie, le chef d’œuvre incontesté et incontestable Mad Max (passage presque obligatoire pour tout Australien tournant dans son beau pays), dans sa crise économique et social en plein désert - vraiment désertique - australien, avec des hommes au paroxysme de leur animalité, mais surtout de prouver qu'il est bien le grand metteur en scène espéré par une pléthore de cinéphiles depuis sa première réalisation.

Pas un petit pari en soit, que le David relèvera pourtant avec une certaine maestria...


Autant le dire tout de suite, le pitch de The Rover est dépouillé à l'extrême et ne frise pas vraiment pour son originalité.

Dans une Australie futuriste et post-effondrement économique - dix ans après la chute de son économie et la prise de pouvoir mondial de la Chine -, un homme qui se fait voler son seul bien de valeur, sa bagnole, va tout faire pour la récupérer des mains d'un groupe de gangsters sans foi ni loi, avec l'aide d'un de leurs membres, abandonné avoir été blessé. Voilà.

Simple certes, mais follement efficace puisque dans le fond, Michod - dont le cinéma qui a ici une esthétique différente, surfe pourtant toujours sur la même tendance anxiogène et intrigante -, se focalisera bien plus sur son ambiance hypnotique et désolée que sur son histoire en elle-même.

A l'instar de Michael Mann quand il pose ses caméras et son histoire dans son Los Angeles chérie, de feu Sydney Lumet quand il tournait dans la Grosse Pomme, Michôd magnifie sous sa réalisation - aidé par la photographie sublime de Natasha Braier et la bande son démente de Sam Petty -, une Australie presque post-apocalyptique, un véritable no man’s land désertique ou règne totalitairement la paranoïa et le soucis de survie.


Finalement loin du délire punk de Mad Max, Michôd montre un pays désespéré et dangereux, qui a cédé sous la tyrannie du capitalisme, à la population dénuée de toute entraide mise à part celle de coller une balle dans le buffet de son prochain pour lui voler ses biens ou régler le moindre de ses problèmes.
Un décorum peu reluisant, sorte de western contemporain et post-apo ou les seules ressources sont désormais minières, et ou la misère et la famine va de pair avec le déclin de la morale.

Pas étonnant donc, que la quête du Vagabond soit aussi absurde que méchamment violente, puisque le monde lui-même dans lequel il gravite, est emplit de cynisme et de noirceur.
Flanqué avec contrainte, d'un acolyte improvisée qui est l'incarnation même de son complet contraire, n'est motivé que par une seule et unique chose : retrouver les malfrats et récupérer son bien.

Subtile, minimaliste (jusque dans ces dialogues) et sans concession, cette chasse à l'homme sans échappatoire et sans grands rebondissements mais foutrement tendue et à la violence explicite et frontale, vaut clairement pour la volonté de Michod à vouloir montrer son analyse pleine de désespoir d'une humanité usée et en bout de parcours, mais surtout à vouloir absolument tout faire pour que le spectateur comprenne l'insondable et éprouve de l'empathie pour un personnage central pourtant foutrement égoïste et monstrueux, via une dynamique des contraires avec une sorte d'idiot du village naïf mais sympathiquement attachant.

Âpre et rude, contemplatif, à l'humour noir salvateur, oscillant constamment entre le chaud et le froid, multipliant les genres dont il revisite la majorité des codes (western, thriller, buddy movie, road movie), tout en non-dit et en suggestion, ce portrait nihiliste d'une société à l'agonie peuplés de gueules surréalistes, de laissés pour compte et de personnages autant mutiques qu'affamés et bouffés de l'intérieur, ne serait sans doute rien sans les partitions incroyables de son duo vedette, aussi talentueux qu'improbable.


Robert Pattinson y est plus impeccable et convaincant que jamais (en gros, bien plus convaincant que dans Twilight et un poil plus que chez Cronenberg) dans la peau du bavard simplet Ray, innocence et naïveté incarnée - même si il n'est pas aussi con qu'il en à l'air - qui ne réfléchit que pas ou peu aux conséquences de ses actes tandis que l'immense Guy Pearce - dans une de ses meilleurs rôles -, tout en rugosité et mutisme, nous éblouit littéralement en badass sans nom en quête de justice, constamment à la limite de l'explosion et du ridicule (ses regards remplis de rage vaut à eux seuls le déplacement !), qui ne cesse d'évoluer au fur et à mesure de l'intrigue et dont le passé et les actions ne seront expliquées et justifiées que longtemps après l'ouverture du métrage.

Il est la personnification parfaite et bouleversante d'une humanité désormais brisée, torturée et déshumanisée, agissant d'instinct comme les animaux, au code d'honneur assez troublant et n'ayant finalement plus rien à perdre dans ce monde pourri, excepté une vie qui ne peut décemment plus être vécue pleinement.

Pure série B (tendance Bis ritale) crépusculaire, sèche, crade, dérangeante et radicale, une belle et élégante expérience au final déstabilisant, qui laisse un savoureux gout de poussière et de sang de l'outback Australien au fond de la gorge.


Le talent et la grammaire de Michod explose littéralement au visage des spectateurs, et sa faculté de donner de l'ampleur à un matériau aussi simpliste que difficile d'accès est purement impressionnante, tout autant que sa précision millimétrée et sa facilité à filmé la violence, l'étouffement et la peur sans aucun détour pour prendre littéralement aux tripes son spectateur.

Bref, un grand monsieur en devenir, qui nous pond une fois de plus le genre de proposition de cinéma terriblement rugueuse, extrême et fascinante que l'on aimerait définitivement vivre bien plus souvent dans les salles obscures hexagonales...


Jonathan Chevrier


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