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[CRITIQUE] : La Voie de l'Ennemi



Réalisateur : Rachid Bouchareb
Acteurs : Forest Whitaker, Harvey Keitel, Brenda Blethyn, Luiz Guzman,...
Distributeur : Pathé Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h58min.

Synopsis :
Garnett, ancien membre d’un gang du Nouveau Mexique vient de passer 18 ans en prison pour meurtre. Avec l’aide d’Emily Smith, agent de probation chargée de sa mise à l’épreuve, il tente de se réinsérer et de reprendre une vie normale. Mais Garnett est vite rattrapé par son passé. Le Sherif Bill Agati veut lui faire payer très cher la mort de son adjoint.



Critique :

Le Majordome, Zulu et Les Brasiers de la Colère.
Voilà en trois films la toute récente filmo sur ces derniers mois, de l'inestimable Forest Whitaker, prouvant que le bonhomme sait toujours aussi bien choisir ses projets, et ce, même si quelques DTV de luxe viennent un poil entacher ce parfait constat.

Pas étonnant donc, de le voir s'associer à un projet aussi atypique qu'alléchant signé Rachid Bouchareb (oui, le rapprochement est facile, je l'admets), qui entame avec La Voie de l'Ennemi, le deuxième opus de sa trilogie américaine basée sur les relations entre les États-Unis et le monde arabe, entamés par Just Like a Woman.

Depuis Little Senegal - et en passant par les sublimes Indigènes, Hors la Loi et London River -, le cinéaste démontre une passion sans borne pour les destins qui sortent de l'ordinaire, ses personnages éprouvés par la vie et leur passés, devant constamment se battre pour ne pas sombrer dans l'adversité.
Et même si il ne s'inspire que très librement du Deux hommes dans la ville de José Giovanni, son nouveau long métrage ne contredira pas cette règle.


La Voie de l'Ennemi ou l'histoire de William Garnett, un ancien membre d’un gang du Nouveau Mexique vient de passer 17 ans en prison pour le meurtre d'un membre des forces de l'ordre.
Condamné à vingt piges, il est tout de même sortie trois ans plus tôt pour bonne conduite.
Avec l’aide de la religion islamique et de l’agent de probation Emily Smith, policière chargée de sa mise à l’épreuve, il va tenter de se réinsérer et de reprendre une vie normale qu'il n'a jamais réellement eu jusqu'à aujourd'hui.

Mais Garnett est vite rattrapé par son passé, que ce soit via le Sheriff Bill Agati qui veut lui faire payer très cher la mort de son adjoint, ou son ancien associé, qui veut le refaire plonger dans l'illégalité...

En installant son histoire dans un cadre méchamment symbolique, la frontière Américano-Mexicaine, ses déserts bouillants tout autant que ses murs protégés par des milices militaires, Bouchareb prévient dès le départ son spectateur, la lutte constante de son héros pour gouter à la liberté et la rédemption sera aussi éprouvante et étouffante que l'est son cadre westernien.

Par le biais du thème assez classique, de la quête de réinsertion des anciens criminels dans une société qui se passerait bien d'eux, le cinéaste s'amuse avec talent à sondé le pays de l'Oncle Sam post 9/11 purement conservatrice et rancunière, tout en opposant deux thèmes qui lui sont cher : la croyance sous toute forme qu'elle soit, et la volonté de l'âme humaine à toujours se battre contre et malgré tout.


Sur une terre suspendue entre deux mondes, entre la vie (la rédemption) et la mort (la damnation par le crime), le film qui cite aussi bien le cinéma de John Ford que le magnifique Trois Enterrements - cadre et sublime photo oblige - de Tommy Lee Jones, met face à face deux hommes dont la volonté est de vivre conformément à leur croyances et la variété de ces dernières, que ce soit l'Islam et la tranquillité pour l'un, ou le patriotisme et la vengeance pour l'autre.

Sans complaisance envers eux, sans ne jamais les juger et encore moins prêcher la bonne parole, Rachid Bouchareb retire toute l'essence dramatique d'une telle opposition pour capter la fragilité de l'être humain avec une justesse sans borne, appuyé par la performance éclatante d'un Forest Whitaker tout en retenue.
Dans la peau constamment vacillante de Garnett, torturé entre son passé de criminel et sa volonté d'incarner un citoyen normal, il éblouit littéralement le spectateur par son allure et son aura aussi attachante que charismatique.

Car plus que de se battre contre ses anciens vices et les préjugés, c'est surtout contre lui-même que se bat Garnett, luttant constamment grâce à l'aide d'Allah, pour canaliser la colère et la violence viscérale qui ne cesse de gronder en lui.
Autour de sa personne, une pléthore de personnages gravitent sans pour autant avoir réellement de profondeur, et tous ou presque sont sacrifiés au profit de sa lutte contre l'adversité.

Dommage quand on pense aux performances crédibles de Brenda Blethyn (sous-exploitée), attachante en agent de probation bienveillante, ou encore à celle solide de l'immense Harvey Keitel, dans la peau du shérif abusivement rancunier Bill Agati.


Porté un rythme savamment lent - certes pas dénué de prévisibilité et de clichés -, un peu tronqué par une romance franchement faiblarde et un manque de profondeur sur certains points (la place de l’islam en Amérique notamment, ou les fondements de la conversion de Garnett à cette religion justement), mais magnifié une mise en scène à la fluidité étonnante - malgré une petite chute de rythme dans sa seconde partie -, aussi étouffante que légère, La Voie de l'Ennemi est un joli drame sur un homme meurtri, incapable de rompre durablement la spirale vicieuse dans laquelle il est constamment enfermé malgré lui, une âme errante motivé par une seule idée fixe, vivre

Fataliste, jamais lourd mais manquant un peu de souffle et d'ambition, le nouveau Bouchareb aurait clairement pu devenir une référence dans le genre, mais il n'en est pas moins un excellent moment de cinéma léger et touchant.

Et c'est déjà pas si mal...


Jonathan Chevrier



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