[CRITIQUE] : The Shameless

Réalisateur : Konstantin Bojanov
Acteurs : Anasuya Sengupta, Omara, Auroshikha Dey, Mita Vashisht,...
Budget : -
Distributeur : L'Atelier Distribution
Genre : Policier, Drame, Thriller.
Nationalité : Bulgare, Français, Suisse, Indien.
Durée : 1h54min

Synopsis :
Dans la nuit, Nadira fuit Dehli après avoir poignardé un policier. Elle se cache dans une communauté de prostituées du nord de l’Inde où elle rencontre Devika, une jeune fille que sa mère veut marier de force.
Ensemble, au péril de leur vie, elles décident de se rebeller contre l’institution religieuse et les traditions archaïques pour conquérir leur liberté.

Il aura fallu attendre pas moins d'une année, tout un monde au cœur de la production cinématographique actuelle, pour que The Shameless, estampillé troisième long-métrage du cinéaste bulgare Konstantin Bojanov, primé sur la Croisette cannoise cuvée 2024, ne trouve son chemin dans nos salles obscures au moment même où l'édition suivante vient de lancer ses hostilités.

Tout un monde qu'on vous dit.

Dans l'ombre du fantastique Santosh de Sandhya Suri (dont il n'a certes pas la même justesse et encore moins la même subtilité), le film se revendique lui aussi comme un réquisitoire implacable sur la réalité d'une nation où le sexisme et la violence systémique envers les femmes sont totalement impunies, fruit d'une culture patriarcale et phallocentrique (mais aussi homophobe et classiste, comme souligné encore plus ici) où l'usage mécanique de la maltraitance et de la brutalité physique sont un moyen d'oppression au-delà du familier.

Jamais totalement sordide quand bien même il pousse le bouchon du glauque à un cran parfois mignon, Bojanov s'attache à deux victimes à la fois physiques et psychologiques de cette terrible condition : Renuka, une prostituée lesbienne en fuite après la meurtre d'un policier, qui se réfugie dans une communauté de travailleuses du sexe à Chhatrapur tout en essayant de gagner suffisamment d'argent pour obtenir de nouveaux papiers et définitivement s'échapper de sa condition.
Là-bas, elle y rencontre et débute une idylle avec Devika, condamnée à voir son rêve de devenir rappeuse s'évanouir sous le poids d'une pression familiale qui lui ôte toute idée d'un avenir un tant soit peu radieux...

Frappé d'une urgence noire et âpre allant de pair avec son réalisme glacial, dont le désespoir profond comme le malaise traversent continuellement le quatrième mur malgré la surenchère parfois marquée de sa mise en scène, The Shameless, peut-être parfois un peu trop prosaïque pour son bien (il ne jongle pas toujours adroitement entre drame et thriller), n'en reste pas moins un effort clinique et puissant qui encapsule la tragique et révoltante condition féminine en Inde, le tout porté par la formidable prestation d'Anasuya Sengupta.

Jonathan Chevrier