[CRITIQUE] : Les Pires

Réalisatrices : Lise Akoka et Romane Gueret
Avec : Mallory Wanecques, Timéo Mahaut, Johan Heldenbergh,…
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h39min.

Synopsis :
Le film est présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2022

Un tournage va avoir lieu cité Picasso, à Boulogne-Sur-Mer, dans le nord de la France. Lors du casting, quatre ados, Lily, Ryan, Maylis et Jessy sont choisis pour jouer dans le film. Dans le quartier, tout le monde s’étonne : pourquoi n’avoir pris que « les pires » ?

Critique :

Faisant co-exister le documentaire, la comédie dramatico-social et le récit initiatique au sein d'un tout cohérent et équilibré,#LesPires, qui se permet même une autocritique salutaire, se fait un constat social sombre autant qu'une chronique humaniste solaire à l'énergie vivante pic.twitter.com/uMP4Cq0EJT
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 3, 2022

Le cinéma - notamment français - a toujours favorisé l'explosion de jeunes acteurs et actrices sortis de nulle part, ses talents castés " sauvagement " que les caméras propulsent sur le devant de la scène, parfois pour le meilleur même si le pire est toujours caché sous le tapis - on ne parle jamais de ce que l'industrie mâche avant de recracher sans remord.
Anciennes directrices de casting, Lise Akoka et Romane Gueret étaient donc les mieux placés pour aborder le sujet au coeur de leur premier long-métrage, Les Pires, plus où moins extension de leur court-métrage Chasse Royale (vissé sur une jeune adolescente mal dans sa peau issu de la banlieue de Valenciennes, qui passe, poussée par son collège, un casting), qui se veut comme une fascinante méta-exploration du processus de création cinématographique avec gravé en filigrane, une critique affûtée sur l'honnêteté douteuse d'un cinéma vérité voulant parfois grassement surfer la déliquescence sociale pour mieux nourrir son opportunisme - coucou les Dardenne.

Avec sa mise en abyme fictionnelle dans les arcanes du tournage d'une drame social (un méta-facteur qui ramène exactement à ce que les deux cinéastes ont elles-mêmes fait), le film observe avec la précision d'un documentaire comment un groupe d'acteurs et d'actrices non professionnels et inexpérimentés naviguent sur leur premier tournage, et comment cela se croise avec leur vie intime au sein de leur propre communauté - la cité Picasso au nord de Boulogne-sur-Mer -; l'accent étant sensiblement mis sur le jeune et réservé Ryan, qui a des troubles d'apprentissage, et Lily, une jeune adolescente insouciante encore marquée par les ravages émotionnels causés par la mort de son jeune frère.
Et c'est justement dans le parcours cabossé de ce personnage follement empathique (superbe Mallory Wanecques), que réside tout le coeur thématique de ce premier effort : sonder l'ambivalence du cinema vérité, celui qui s'immisce et se fond dans notre réalité pour mieux la refléter (jusque dans la mise en images de la douleur réelle de la misère sociale), autant qu'il se nourrit de clichés qu'il amplifie comme s'il ne cherchait non pas à rivaliser mais à faire plus " sensationnel " que la réalité (justifiant, à juste titre, la méfiance des gens er en l'occurrence ici, celle des habitants de la cité.

Faisant co-exister le documentaire, la comédie dramatico-social et le récit initiatique au sein d'un tout cohérent et équilibré, même dans son humour et ses élans émotionnels, Les Pires, qui se permet même une auto-critique salutaire (comme dit plus haut, sur la représentation des communautés marginalisées à l'écran), se fait un constat social sombre autant qu'une oeuvre de cinéma solaire, une chronique humaniste à l'énergie vivante et vibrante, pointant solidement sur la carte des cinéastes à suivre, les noms de Lise Akoka et Romane Gueret.

Jonathan Chevrier