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[CRITIQUE] : Milla


Réalisatrice : Shannon Murphy
Acteurs : Eliza Scanlen, Toby Wallace, Ben Mendelsohn, Essie Davis,...
Distributeur : Memento Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Comédie.
Nationalité : Australien.
Durée : 1h58min

Synopsis :
Milla n’est pas une adolescente comme les autres et quand elle tombe amoureuse pour la première fois, c’est toute sa vie et celle de son entourage qui s’en retrouvent bouleversées.



Critique :


Force est d'avouer qu'au simple regard de son pitch assez bref, le premier long-métrage de la réalisatrice de télévision Shannon Murphy, sobrement intitulé Milla, semble tout droit sortie des lignes pas toujours défendables, de Nicholas Sparks.
Fort heureusement, si elle partage un ADN proche de celui de Nos Étoiles Contraires, avec son adolescente gravement malade et son intérêt amoureux pour " un mauvais garçon ", cette tragi-comédie australienne bouleversante s'éloigne du giron de la romance a l'eau de rose pour viser quelque chose de plus authentique et inattendu, fruit d'une vision originale et nuancée du tandem Murphy/Rita Kalnejais (scénariste du film, qui adapte ici sa propre pièce éponyme).
Dans la droite lignée des sublimes Restless et Me and Earl and The Dying Girl (eux-mêmes tous deux descendants du mythique Love Story), teen movies montrant une romance transformatrice (surtout pour les hommes, qui apprennent de vraies leçons de vie des femmes en phase terminale) frappée par la maladie puis une disparition inévitable; la péloche suit les aléas de Milla, quinze ans et un cancer au compteur, rapidement conquise par le plus ou moins rebelle au atypique Moïse, qu'elle rencontre sur un quai de gare.

Copyright Lisa Tomasetti

Elle sait d'emblée que c'est une mauvaise graine, ce qui ne l'empêchera pas de l'inviter à dîner chez elle, laissant ses parents perplexes mais qui ne veulent finalement qu'une chose : la voir heureuse, peut importe s'ils approuvent ou non sa relation.
À travers une narration chapitrée, on découvre le quotidien difficile de Milla qui lutte pour s'intégrer à l'école tant ses préoccupations sont très différentes de celles des filles qui l'entourent, Moïse apparaissant alors pour elle comme une bouffée d'air frais, une manière de découvrir les joies comme les dangers de la jeunesse au-delà de sa zone de confort...
Sorte de bulle de légèreté adolescente tout droit sortie de la caméra de Sofia Coppola, qui embrasserait la beauté écrasante des Badlands de manière contemplative comme le ferait Terrence Malick, Milla est mué par une énergie brute et authentique, constamment en équilibre entre la volonté de proposer un teen movie ludique qui n'occulterait pourtant jamais sa face d'ombre et de douleur.
De tout son long au rythme il est vrai un poil en dent de scie, la péloche vogue volontairement à contre-courant des tropes du genre, que ce soit dans sa romance singulièrement douce (pas d'ados qui parlent avec l'éloquence triste d'âmes beaucoup trop matures pour leurs âges : ici Milla et Moïse sont savoureusement impérieux, maladroits et immatures... comme les adultes), ou dans son invitation unique dans la psyché d'une anti-héroïne (une Eliza Scanlen incroyablement juste et lumineuse, qui confirme tout le bien que l'on pense d'elle depuis Little Women) dont les décisions imprudentes ne sont que les preuves de la fragilité de la nature éphémère de l'adolescence, et encore plus d'une adolescence sous conditions.

Copyright Lisa Tomasetti

Une volonté de réalisme un poil excentrique - jusque dans son montage abrupte - mais renversante, déjouant subtilement les apparences grâce à une écriture ciselée allant de pair avec une direction d'acteurs décidée (et que dire des performances des comédiens, grosse mention au génial couple Essie Davis/Ben Mendelsohn, dans la peau des parents de Milla), ainsi qu'une mise en scène comme prise au vif (accentuée par la photographie d'Andy Commis, apporte un vrai sentiment d'immédiateté et d'intimité aux images); Milla est une merveille de comédie dramatique douce-amère et poignante sur le dur passage à l'âge adulte, offrant un regard bouleversant sur l'acceptation de soi, la maturité et la maladie en phase terminale.
De loin, l'un des gros coups de foudre cinématographique de ce riche été ciné 2021.


Jonathan Chevrier