[CRITIQUE] : Il n’y aura plus de nuit

Réalisateur : Eléonore Weber
Actrice : Nathalie Richard.
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h15min.

Synopsis :
Des images provenant d’hélicoptères sur le théâtre des opérations. L’œil insatiable des pilotes scrute le paysage. Les hommes qui sont visés ignorent qu’ils le sont, ils n’ont pas repéré d’où venait la menace. L’intervention a lieu sous nos yeux. Celui qui filme est également celui qui tue.

Critique :

#Ilnyauraplusdenuit est un documentaire expérimental original fait avec beaucoup d’intelligence et qui questionne de manière pertinente notre regard actuel et notre rapport aux images. Il hypnotise autant qu’il réveille l’esprit. Un film qui ne laisse pas de marbre. (@LeoIurillo) pic.twitter.com/z5gCAPOw59
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 11, 2021

Il n’y aura plus de nuit est un documentaire complexe qui questionne notre rapport aux images, tout autant que notre capacité à supporter l’irregardable. Le point de départ de la genèse de ce film est la rencontre entre Eléonore Weber et certaines de ces images disponibles gratuitement sur différents sites grand publics. La réalisatrice est troublée par celles-ci et décide de transcender leur simple utilité pratique pour questionner leur effet sur celui qui regarde, qu’il soit soldat ou internaute, ainsi que ce qu’elles disent de la guerre au XXIe siècle.
Le film résonne comme un poème, macabre et persistant. Ne se fait entendre que la voix douce de Nathalie Richard qui commente ses images nébuleuses. Et tout le reste est silence. Le scintillement des étoiles persiste sur nos rétines, et, hypnotisés, on se prend à oublier le contexte des images qui nous sont donné à voir. Ce phénomène est également vécu par les pilotes et tireurs. Que cela dit-il de notre époque où l’horreur meme de la guerre en vient à disparaître de nos regards ?

Eléonore Weber s’intéresse à ses images sur plusieurs niveaux mais jamais en tant qu’archives d’un conflit géopolitique. Elle se demande d’abord pourquoi, elle, simple civile peut avoir accès à ces images utilitaires. Elle questionne ensuite le regard, celui novice d’un quidam qui pourrait se retrouver face à celles-ci, et plus en profondeur, celui du soldat. On pense bien sûr à la scopophilie, cette pulsion voyeuriste, ce plaisir à posséder l’autre par le regard, mais aussi à la distance silencieuse et cotonneuse entre le militaire et les petites silhouettes fantomatiques et brillantes qui semblent déjà mortes.
Pour apporter un contrepoint, à deux reprises, elle se permet deux types d’images différentes. Déjà, un contrechamps qui nous permet de voir l'hélicoptère et d'appréhender la distance qui sépare les silhouettes du tueur ainsi que de voir le “monstre” qu’est l'hélicoptère. Et des images dans le désert en couleur, dans un premier temps sans explication. On est presque certains de voir à nouveau sans le prisme de la caméra du tireur. Puis la sensation du bizarre nous envahit, car on peut voir des étoiles dans le ciel et une personne marchant, lampe torche, à la main. On apprend alors qu’une nouvelle technologie permet d’effacer en partie la nuit. Mais le peut-on vraiment ?

Il n’y aura plus de nuit est un documentaire expérimental original fait avec beaucoup d’intelligence et qui questionne de manière pertinente notre regard actuel et notre rapport aux images. Il hypnotise autant qu’il réveille l’esprit. Un film qui ne laisse pas de marbre.

Éleonore Tain