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[CRITIQUE] : Dans l'Ombre de Mary


Réalisateur : John Lee Hancock
Acteurs : Tom Hanks, Emma Thompson, Paul Giamatti, Colin Farrell, Jason Schwartzman, Ruth Wilson, Rachel Griffiths, Bradley Whitford,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : 35 000 000 $
Genre : Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h11min.

Synopsis :

Lorsque les filles de Walt Disney le supplient d’adapter au cinéma leur livre préféré, “Mary Poppins”, celui-ci leur fait une promesse... qu’il mettra vingt ans à tenir ! 
Dans sa quête pour obtenir les droits d’adaptation du roman, Walt Disney va se heurter à l’auteure, Pamela Lyndon Travers, femme têtue et inflexible qui n’a aucunement l’intention de laisser son héroïne bien aimée se faire malmener par la machine hollywoodienne. Mais quand les ventes du livre commencent à se raréfier et que l’argent vient à manquer, elle accepte à contrecœur de se rendre à Los Angeles pour entendre ce que Disney a imaginé... 

Au cours de deux semaines intenses en 1961, Walt Disney va se démener pour convaincre la romancière. Armé de ses story-boards bourrés d’imagination et des chansons pleines d’entrain composées par les talentueux frères Sherman, il jette toutes ses forces dans l’offensive, mais l’ombrageuse auteure ne cède pas. Impuissant, il voit peu à peu le projet lui échapper... 
Ce n’est qu’en cherchant dans le passé de P.L. Travers, et plus particulièrement dans son enfance, qu’il va découvrir la vérité sur les fantômes qui la hantent. Ensemble, ils finiront par créer l’un des films les plus inoubliables de l’histoire du 7ème art...





Critique :

Rien qu'aux prémisses de sa campagne promotionnelle, on était beaucoup a affirmer avec une certaine certitude non-feinte, que Dans l'Ombre de Mary serait l'un des gros favoris aux Oscars 2014, que ce soit pour son casting quatre étoiles ou son pitch, aussi alléchant que foutrement fascinant.

Plus grand aura été notre étonnement donc, à l'annonce des nommés cuvée 2014, et surtout aux vues des nominations presque toutes secondaires, qu'a récolté le film, en faisant l'un des grands oubliés de l'année au même titre que Rush ou même Les Brasiers de la Colère.

Du coup, on en est même venu à douter de sa qualité avant même sa vision, car si un produit calibré pour les récompenses, n'arrive même pas à accrocher un tant soit peu de nominations dans les dites cérémonies - un peu comme La Voleuse de Livres, pur produit académique -, c'est que dans le fond, il n'est peut-être pas aussi fabuleux que l'idée qu'on s'en faisait de lui depuis ses bandes annonces et autres images exclusives.


Bien mal nous en a pris, puisque Dans l'Ombre de Mary est non seulement une sublime péloche aussi drôle qu'émouvante, mais elle est surtout un sublime moment de cinéma dopé au merveilleux, et magnifié par des performances démentes de son duo titre, les inestimables Tom Hanks et Emma Thompson, totalement habités par leurs rôles.

Tout part d'une promesse, celle faîte par Walt Disney à ses filles de porter un jour à l’écran le roman Mary Poppins, qui les avait fait rêver et rire aux larmes.
La fin on la connait tous, ce bon vieux Walt est arrivé à ses fins, et à fin de ce long métrage live ni plus ni moins qu'un chef d’œuvre - de loin le meilleur film live de Disney -, cassant la baraque au box-office et récoltant cinq Oscars dont celui de la Meilleure Actrice pour Julie Andrews.

Un pari fou, presque bigger than life, qui ne s'est pas fait en claquant des doigts, car si Walt Disney est passionné acharné, pour mener à bien son défi - cela lui aura prit vingt ans de sa vie -, il a dut faire face à ce qui fut certainement, son plus grand adversaire, l'écrivaine Pamela Lyndon Travers, la créatrice du personnage et de la série de roman qui va avec.

Pour la convaincre de la sincérité de son entreprise, il l'invitera à passer quelques jours dans ses propres studios, et c'est cette rencontre, ce combat de boxe incroyable et magique que va compter tout du long Dans l'Ombre de Mary, ou l'affrontement de deux conceptions du monde complétement différentes, mais réunis par leur fêlures du passé.


A travers la genèse de Mary Poppins, c'est l'histoire même de Travers qui nous est conté, puisque son personnage favori est intimement lié à son destin personnel.
D'une démesure folle, elle incarne la rigidité et la froideur d'une dame anglaise dans toute sa splendeur, coincée dans ses principes et campée sur ses positions, une image ressemblant à deux gouttes d'eau que celle dégagée par le personnage de George Banks, le fameux père de famille dans Mary Poppins.

Face à la motivation et l'enthousiasme assumée de Disney, elle incarnera un adversaire de taille, refusant tout ce qu'on lui propose - ou presque - tout en étant à des années lumières d'être intimidée par tout le faste Hollywoodien complétement exubérant.

Ou tout simplement la méchante et agaçante de service comme dans toute bonne péloche ricaine qui se respecte, sauf que s'est bien là que le métrage tire toute sa force, dans l’ambiguïté et la fausse méchanceté d'une vieille femme aigrie, qui ne cède non pas par soucis d'être dure ou cruelle, mais parce que sa création lui est trop attachée pour s'en séparer si facilement.

Trop de choses résonnent en elle au travers de cette histoire, et en la confiant à Disney, s'est comme si elle confiait une part d'elle-même à un étranger, d’où ses réticences et ses peurs appuyées même si elle en a, intimement, également envie.


Alternant le présent et sa quête du deuil du passé et le passé justement, d'une tristesse bouleversante avec ces blessures non-cicatrisées, John Lee Hancock met carte sur table et narre avec émotion ce qui a amené P.L. Travers à créer un personnage aussi important, aussi bien pour elle que pour les millions d'enfants dans le monde entier.

Car Mary est, en fin de compte, un melting-pot de plusieurs personnes ayant croisés l'enfance de l'auteur (surtout sa tante), ou un hommage sur papier vibrant qu'elle rend à ses proches - et notamment à son père, alcoolique mais aimant follement sa fille au point de continuellement rêver via son imaginaire débordant -, et qu'elle ne veut pas qu'il soit pris à la légère.

A mesure que le vernis des apparences se craque et que Disney perce le secret de Travers, c'est tout le poids d'une double enfance douloureuse qui explose au visage du spectateur, et surtout, la force incroyable de deux personnes capable de la surmonter via leur besoin incessant de l'embellir, de la perfectionner, de l'enrober de magie et de poésie.
Ou toutes les qualités essentielles constituant les racines même d'un conte féérique...

Plus complexe qu'il n'en a l'air, assumant toujours sa (grosse) part de fantaisie tout autant que son émotion et sa nostalgie la plus sincère, Saving Mr Banks - titre aussi judicieusement choisit que celui français - est sans conteste un écrin de prestige pour permettre à ses interprètes d'offrir des performances remarquables.


Colin Farrell y est plus touchant et vrai que jamais, Jason Schwartzman est juste en frangin Sherman, tandis que Tom Hanks (injustement oublié des nominations, alors qu'il avait également dans sa besace cette année, ses partitions immenses dans Capitaine Phillips et Cloud Atlas) démontre une nouvelle fois l'étendue de son talent immense dans la peau du plus grand faiseur de rêve du siècle dernier, motivé plus que jamais à transmettre au public une histoire merveilleuse, même si le gros morceau du film revient indiscutablement à Emma Thompson, purement éblouissante en P.L.Travers.

Émouvant, passionnant, à la photographie - joli travail de reconstitution - aussi enchanteresse que sa bande originale (Thomas Newman reprend même les chansons des frères Sherman composées pour l’œuvre originale, Supercalifragilisticexpialidocious, Un Morceau de Sucre ou encore Chem-Cheminée !), en choisissant le prisme d'un long métrage romancé plus qu'un documentaire à 100% fidèle pour narrer une rencontre hors du commun, Dans l'Ombre de Mary réussit la prouesse de rendre encore plus magique l'aura de Mary Poppins, tout en incarnant un divertissement enchanteur et joliment merveilleux.

Une péloche qui nous donne du baume au cœur et qui nous fout des étincelles plein les yeux, peut-être pas un chef d’œuvre comme Mary Poppins (quoique), mais indiscutablement le genre de film auquel on ne passe pas à côté en salles.



Jonathan Chevrier